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SAISON 2018 - 2019, modifié à

Ce samedi, Catherine Nay décrypte la réception, lundi, de soixante-quatre intellectuels à l’Élysée dans le contexte de violences en France.

Après les débats marathon menés depuis deux mois avec des élus locaux, des femmes, des jeunes, le monde agricole, Emmanuel Macron a réitéré l'exploit, lundi, en recevant à l’Élysée soixante-quatre intellectuels. Décryptage...

Des intellectuels de tout bord : économistes, sociologues, philosophes, politologues, psychologues, scientifiques, spécialistes des religions... un vaste panel. On ne va pas citer de noms pour ne vexer personne... Tout le monde était assis, y compris le Président, autour de grandes tables posées en carré dans la Salle des fêtes de l’Élysée. Chacun pouvait poser une question... Certains étaient plus bavards que d'autres. Et ensuite, il y avait la réponse du Président et celle-là, toujours longue...

Le débat a commencé à 18h20 et il s'est achevé à 2 heures et demi du matin. Soit 8 heures. Ceux qui sont restés jusqu'au bout avaient une petite mine. Ils étaient épuisés, "séchés, rincés", m'a dit l'un d'eux. Bien sûr, il y a eu des pauses de dix minutes toutes les deux heures, un buffet pour se restaurer : collation convenable pour les uns et un peu chiche pour les autres. Tous ont été épatés par la performance physique et intellectuelle du Président, entre "Trivial Poursuit" et "Questions pour un champion", étranger à la fatigue. "On était dans les frontières du surhumain", selon un participant.

Alors 7 heures non stop avec les maires, qui eux n'avaient pas eu droit à une pause.14 heures au Salon de l'Agriculture - un record - Jacques Chirac était battu à plat de couture. 8 heures avec les intellectuels. C'était son onzième débat. Mais celui-ci, pour quoi faire ?

Débat, en l'occurrence, n'est pas le mot qui convient. C'était "Questions / Réponses" sur une foultitude de sujets : l'urgence climatique, les problèmes de la psychiatrie, les inégalités, les injustices fiscales, la déshérence, d'ailleurs variable, des territoires... C'est un exercice tout à fait inédit, une mise en scène un peu narcissique. Tous les Présidents ont reçu des intellectuels à leur table, mais 7 ou 8 à la fois et pas sous l’œil des caméras, pas si longtemps, et pas en période de crise. "On n'imagine pas une telle rencontre à la Maison Blanche avec Trump", s'est félicité Michel Wiervorka, ça, c'est sûr. Mais cette réunion atypique est le symptôme de la gravité de la situation et de l'inquiétude du pouvoir. "Je crois que le Président voulait se rassurer auprès de nous, m'a dit l'un d'eux, à moins que ça ne soit pour démontrer ses capacités d'écoute et la pertinence des ses analyses. Il est assez peu disposé au doute.

Ceux qui ont accepté de venir ne l'ont pas fait par adhésion mais par sentiment de responsabilité. Tout le monde a trouvé ces échanges intéressants, passionnants même. On était dans l'empirée de l'intellect. L'atmosphère était polie et policée. Seul le sociologue Jean Viard a reproché au Président d'avoir mis du sel sur les plaies.

Et ce marathon débouche sur quoi ?

Mystère. Le problème aujourd'hui, c'est comment met-on fin à cette très grande violence, qui ne fait qu'augmenter. En novembre, Priscilla Pudlowsky, à l'origine du mouvement, demandait la baisse des taxes sur l'essence. Aujourd'hui, elle se range aux côtés des black blocks qui cassent tout et expriment leur haine des riches.

Ceux qui parlaient au Président, les intellectuels, réclamaient toujours la même chose dans le fond : des efforts vigoureux de réinvestissement public. C'était un peu 'il n'y a qu'à..., il n'y a qu'à..' Mais le grand problème, et c'est le président qui l'a dit, c'est qui finance ? Nous sommes au maximum sur la fiscalité et sur la dette publique. Les 10 milliards qui ont été donnés, le budget n'a toujours pas été rectifié. "Il faut produire davantage pour pouvoir redistribuer", a dit le président. Ce qui veut dire que ça va prendre du temps et qu'il n'y a pas de réponse immédiate à la crise et au désir des gens.

Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, la France est peut-être un pays à la limite de la gouvernabilité.