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SAISON 2016 - 2017

A force d'enchaîner les polémiques, Emmanuel Macron a perdu deux points dans les sondages.

Emmanuel Macron traverse-t-il un trou d'air ? Depuis quelques jours, il enchaîne les polémiques, en prenant le risque de se fâcher un jour avec ses électeurs de droite, le lendemain avec ses électeurs de gauche... On est à deux mois de la présidentielle !

Quand Emmanuel Macron a démissionné du gouvernement à la fin du mois d'août, pour se lancer dans l'aventure présidentielle, il était seul, ou presque. Autour de lui, une poignée d'apôtres dévots, mais ils n'étaient pas 12. Et puis il est parti annoncer dans l'hexagone sa nouvelle religion : la fin des clivages traditionnels, prêchant : "Il y a du bon et du mauvais des deux côtés. Si je ne retiens que le bon, on va faire des miracles. La France donnera le meilleur d'elle-même. Venez avec moi."

Un discours séduisant, où il parlait de bienveillance, ingrédient inconnu en politique. Et l'amour du prochain. "Il y a quelque chose de christique dans ce qui lie l'électeur à l'élu. Cette dimension-là, je ne la renie pas", disait-il au Journal du Dimanche, la semaine dernière. Et Jésus a soulevé les foules. Ils étaient 15 000 le 10 décembre, Porte de Versailles, pour son premier meeting. Et lui, a parlé pendant deux heures. A la fin, il s'époumonait, n'en pouvant plus. Mais la foule en délire découvrait un talent, un charisme, du lyrisme. Dans la foulée, il y a eu des conversions. Et à deux mois de la présidentielle, il arrive en 2ème position. "Lui, Président ?" interroge l'Obs à la Une cette semaine. S'il se trouve face à Marine Le Pen, oui, il a ses chances.

Et pourtant pour la première fois, ça tangue pour lui...

Par sa faute. Dernier sondage : IFOP/Fiducial, qui date d'hier : il aurait perdu deux points et se trouverait à égalité avec François Fillon, à 18,5% d'intentions de vote. Et le plus inquiétant pour lui tient à la friabilité de sa base. Parmi ceux qui disent vouloir voter pour lui, il n'y en a qu'un tiers qui sont sûrs de leur choix : 33%.

Cette semaine, il a enchaîné les polémiques. Lors d'un voyage à Alger, il a qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité", parlé de vraie barbarie et présenté des excuses. Il voulait, dit-il, apaiser les choses, sûrement séduire ses hôtes, qui ne lui en demandaient pas tant. Faire un clin d'œil à des électeurs français originaires d'Algérie. Alors ce serait un démagogue. Tollé à droite. "Crime contre l'humanité" signifie génocide. Le terme a été inventé pour qualifier les abominations du nazisme, les génocides, la shoah.

C'est vrai qu'il y a eu de la violence en Algérie, au moment de la conquête, au 19ème siècle, puis à la fin des années 50 lors de la guerre de l'indépendance, avec de la torture, qu'il ne faut pas nier. Mais entre-temps, la colonisation a permis au pays de se développer. Ce que lui-même reconnaissait dans son livre Révolution. Les rapports avec l'Algérie sont depuis longtemps très compliqués. En 2012, François Hollande, devant le parlement algérien, avait parlé de "colonisation brutale". Son discours avait satisfait le pouvoir algérien. Et puis quand le passé ne passe pas, il ne faut pas regarder l'avenir dans le rétroviseur. Ses proches reconnaissent une bourde. Les pieds noirs et leurs descendants ne sont pas prêts de lui pardonner.

Autre polémique : avec ses propos dans L'Obs, où il se félicite de parler avec des souverainistes de droite : Eric Zemmour et Philippe de Villiers et où il estime que les opposants au mariage pour tous ont été humiliés durant le quinquennat Hollande. Cette fois, gros tollé à gauche et indignation dans la communauté homosexuelle et les associations LGBT, dont il est pourtant réputé proche. Il a aussitôt dû allumer un contre-feu en accordant une interview au magazine féminin Causette, pour rappeler son soutien à la loi Taubira et où il s'est dit favorable à la PMA pour les femmes seules et homosexuelles.

Il a énervé beaucoup de monde...

Oui, parce que vouloir capter tous les électorats, avec l'ambition généreuse de donner une place à chacun, c'est très beau sur le papier, mais très difficile à réaliser. Il y a le risque de mécontenter tout le monde. "La politique, c'est comme la littérature. C'est un style, une magie", dit l'intéressé. Macron a du style, c'est vrai. Mais où veut-il en venir ? Peut-être que son défaut est de trop vouloir être aimé et de s'aimer trop soi-même. Un jour socialiste, un autre non. Il est temps de faire la synthèse. Un beau travail d'équilibriste.