"M. le Président, je vous implore : appelez l'émir du Qatar"

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"Physiquement je me sens faible, mais c'est la solitude qui me fait le plus mal, être abandonné par la France à ce point-là.", confie cet entrepreneur retenu par le Qatar depuis des mois.

Jean-Pierre Marongiu, entrepreneur français détenu au Qatar depuis plusieurs mois

Ses principales déclarations :

 

Comment allez-vous ? Votre femme dit que vous avez fait un arrêt cardiaque dans la nuit de dimanche à lundi...

"Oui, mon coeur s'est arrêté de battre. Quand j'ai voulu me lever, je suis tombé. Je suis allé à l'infirmerie, on m'a fait une piqure : je ne sais pas ce que c'était, mais ça m'a redonné de l'énergie, je crois qu’il m’ont alimenté ainsi. Physiquement je me sens faible, mais c'est la solitude qui me fait le plus mal, être abandonné par la France à ce point-là. Ma famille me manque terriblement, ce n'est pas une prison, c'est une boite en béton, sans lumière, sans voir le soleil."

A quoi ressemble votre cellule ?

"Imaginez un bloc de béton, un parallélépipède long de 50 mètres, un couloir de 150 mètres, huit dortoirs d'une quinzaine de personnes. Pas de fenêtre, c'est allumé en permanence, climatisé à l'extrême, je grelote en permanence d'autant que je ne mange pas. On est livrés à nous-mêmes, on voit les gardiens une fois le matin, une fois le soir. On ne sort pas, on s'organise, c'est un monde parallèle, on vit dans une boîte."

Vous parlez d'abandon des autorités Françaises... Vous n'avez plus aucun contact ? Vous avez un avocat quand même ?

"J'ai un avocat… Même pas ! Ici les avocats ne plaident pas, ils se contentent de déposer des dossiers, de remplir des rapports que le juge ne lit pas. Ils appliquent simplement la peine en fonction du délit. Ici des chèques sans provision : ils ne veulent absolument pas savoir si ces chèques étaient provisionnés au moment où je les ai fait, ils me demandent si c'est ma signature. Oui, donc vous êtes coupable. Pour une dizaine de chèque, un chèque  2 ans, un chèque 8 mois, un chèque 1 an et demi... Au final, une dizaine d'années."

Vous êtes innocent ?

"Entièrement."

Quel message voulez-vous faire passer à François Hollande ?

"M. le Président, je vous implore, s'il vous plait : appelez l'émir du Qatar, demandez-lui de me rapatrier en France, je ne demande rien d'autre. J'ai perdu tout mon investissement, je n'ai pas vu ma famille depuis deux ans, mes enfants... On m'a tout pris. Appelez-le ! Un mot de vous... Le Qatar est un état verticalisé, un seul homme décide de tout. S'il vous plait, faites-le."

Pourquoi le ministère des Affaires étrangères bloquerait ?

"Il semblerait que la négociation des Rafale avec le Qatar est très importante pour l'Etat français, que les investissements du Qatar sont très importants, le rôle du Qatar dans le dossier syrien... Le Qatar est un allié. Avec des alliés comme ceux-là, on finit par perdre nos valeurs et notre âme."

Vous avez le sentiment d'être sacrifié sur l'autel des intérêts supérieurs de la France et du Qatar ?

"Tout à fait. Je veux dire que le Président est avant tout le Président des Français. L'intérêt des Français devrait primer."

Vous avez entamé une grève de la faim...Vous la poursuivez ?

"J'ai fait une grève de la faim de 32 jours. J'ai remangé pendant 4 jours puisqu'on m'a fait croire que j'allais obtenir une liberté provisoire. Quand je me suis présenté au tribunal, le juge l'a rejeté. J'ai repris la grève de la faim. Je suis faible. Je marche une heure par jour, le reste du temps je suis allongé. J'ai du mal à m'exprimer."

 

Vous avez peur de mourir au Qatar ?

"Je ne resterai pas 10 ans en prison. Donc oui, je mourrais au Qatar si on ne me fait pas sortir de prison."

Pour qui est le dernier mot de cette interview ? François Hollande, votre famille ?

"Mes deux garçons. Guillaume vient de fêter un deuxième anniversaire sans son père hier. Ma femme que j'aime au-delà de tout. Ma famille, ma mère, je vous aime."