"Il n'y a pas de risque politique à être contre le tabac"

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Demain François Hollande présentera le troisième plan Cancer. Un plan qui inquiète déjà le professeur Dautzenberg.

Ce matin à 7h45, Europe 1 recevait le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l’Office Français de lutte contre le Tabagisme (OFT), et pneumologue à la Pitié-Salpêtrière.

 

Ses principales déclarations :

 

Vous êtes inquiet à propos du plan cancer...

"Tout dépend de l'arbitrage du Président ! On a eu deux bons plans santé en provenance du ministère de la Santé : en 2002, Jacques Chirac en a rajouté une couche en déclarant la guerre au tabac, dans le deuxième plan Nicolas Sarkozy a pratiquement tout mis à la poubelle, en disant qu'il fallait laisser les Français tranquilles ! Dans un cas, 25.000 morts de moins, dans l'autre 10.000 de plus ! On a des dizaines de milliers de morts dans les mains en fonction des paroles du Président : je ne sais pas ce qu'il va dire. Le Président a dans les mains de quoi faire un plan anti-tabac merveilleux."

La catastrophe serait de privilégier les recettes fiscales du tabac ?

"C'est un argument de 2007 ! La Cour des comptes a expliqué que chaque milliard de taxe reçu en coûtait trois ! Dans ces conditions, aucune excuse économique, aucune excuse médicale à ne pas prendre des mesures fortes contre le tabac : aider tous les fumeurs à s'arrêter, rembourser l'arrêt du tabac, aider les jeunes à ne pas entrer dans le tabagisme. Interdire le tabac aux jeunes ? L'interdiction ne marche pas : la partie tabac du plan cancer peut se faire sans zéro euro en plus. On peut augmenter les prix du tabac et affecter ces dépenses à la prévention, très facile à faire."

"Le tabac a augmenté de 1,60 euros depuis le 2ème plan cancer sans aucune baisse de la consommation. La même augmentation de 1,50€ d'un coup sous Jacques Chirac a été efficace. Les augmentations récentes sont des décisions des cigarettiers, ce n'est pas l'Etat qui pilote. On ménage les cigarettiers."

"Le tabac, c'est 50% de morts. Il est aberrant que ce produit soit encore consommé : il l'est car les fumeurs sont dépendants. C'est le principe du business du tabac : rendre les gens dépendants, leur faire perdre leur liberté, c'est un esclavage de fumer."

"La volonté politique est tellement faible qu'on n'a pas de mesure ! On n'a même pas le chiffre pour piloter : j'espère que le prochain plan cancer apportera un nombre fiable de fumeurs tous les ans. C'est clair que l'Elysée est infiltré par les lobbys du tabac. On va voir s'ils sont efficaces ou pas : Jacques Chirac a dit "les lobbyistes dehors", le second plan a dit "petits lobbyistes venez à moi", et pour l'instant on n'a aucun signe de François Hollande depuis 2 ans qu'il a mis ces lobbys dehors. Demain, ça va être le signe fort de sa volonté : travaille t-il pour les lobbys du tabac qui rapportent leur argent aux Caïmans ? Ou travaille-t-il pour les finances et la santé des Français ?"

"Les plans cancers ont toujours été très bien rédigés par la Santé et l'INCA. Après, ils donnent leur copie : le ministre la prend ou la jette à la poubelle. Xavier Bertrand était ministre lors des deux premiers plans : il a dit OK au premier plan, au deuxième on lui a dit « poubelle » ! Ce n'est pas un problème de santé mais d'arbitrage du Président. Il a dans ses seules mains la vie de dizaine de milliers de Français selon ce qu'il va décider. Mon message ? Soyez intelligent : ce n'est pas du courage. Les politiques qui ont lutté contre le tabac en ont tiré des bénéfices : on se souvient tous de Claude Evin ! Il n'y a pas de risque politique à être contre le tabac ; les buralistes ne font pas le vote."