Trichet : "La situation avec la Chine est évidemment anormale"

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SAISON 2012 - 2013, modifié à

Pour Jean-Claude Trichet, la France a besoin de régler la situation avec la Chine pour pouvoir exporter.

Invité : Jean-Claude Trichet, ancien Président de la Banque centrale européenne.

Bonjour,

Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque Centrale Européenne.

 

Ses principales déclarations :

 

Clément, militant antifasciste, tué hier soir...

"Nous observons une présence continue de la violence, il n'y a pas que cet événement... Villiers-le-Bel, des événements passés, présents... Quand je cherche le point commun dans cette violence permanente, qui s'observe surtout chez les jeunes, une des explications est le chômage de masse des jeunes, qui frappe notre pays, beaucoup d'autres pays européens, pas tous."

Ca rend plus agressif, plus violent ?

"Bien sûr ! Ne pas avoir de travail, d'utilité sociale, ressentir un avenir bouché est totalement tragique, ça suscite de la violence."

 

La crise est-elle passée ?

"Nous sommes toujours dans une période de crise très difficile, cela est vrai de tous les pays avancés, Japon, Etats-Unis, Angleterre, zone euro... Plus ou moins selon la situation des différents pays, au total nous sommes toujours, après les événements extrêmement violents sur le plan économique et financier en 2007 et 2008, toujours dans cette période d'adaptation structurelle des pays avancés, la France en particulier, l'Europe et les autres."

Comment va la France, la réponse est presque toujours "Ca va mal" ?

"La France a beaucoup beaucoup de progrès à faire dans des directions maintenant bien identifiées : réduire la dépense publique, beaucoup. La Suède l'a fait à hauteur de 10% du PIB..."

"Je crois que l'on peut dire que, jusqu'à présent, nous n'avions pas un véritable consensus. Maintenant, il y a un consensus français assez large pour réduire la dépense publique. Les allemands dépensent dix points de PIB de moins en dépense publique... C'est très ambitieux ce que je dis, mais ce serait une chose nécessaire si l'on veut lutter contre le chômage de masse. Les frais généraux du pays sont trop élevés."

Vous demandez à tous les partis de s'engager dans une stratégie anti-chômage...

"Oui, il n'y a pas que cela ! Trois dimensions essentielles : la réduction de la dépense publique qui fait maintenant l'objet d'un consensus, le problème n'est pas d'être d'accord sur la diagnostic, c'est fait, mais voir comment on fait concrètement. Il y a les réformes structurelles, là aussi il me semble que le consensus est presque là, il y a eu déjà des réformes importantes engagées, il faut les poursuivre. Et la compétitivité coût du pays. Nous avons, par rapport aux meilleurs pays qui ont vaincu le chômage de masse, encore des coûts unitaires de productions qui sont trop élevés."

La France attire moins les investisseurs... Dans la compétition mondiale, pourquoi la France descend t-elle du podium ?

"Elle ne descend pas, elle est médaille de bronze... Elle a des atouts qui demeurent. En dépit du problème de compétitivité et de discours vis à vis des entreprises. La plupart des pays du monde, même la totalité, essaient d'attirer chez eux le plus possible d'entrepreneurs, de gens actifs et industrieux, ceux qui sont en mesure de créer des richesses. Nous, c'est plus nuancé. Ceci est culturel et assez largement multipartisan. C'est la raison pour laquelle il faut changer notre attitude complètement et rendre notre pays compétitifs, cela fait aussi l'objet d'un consensus. Je crois qu'on a progressé sur le diagnostic. Comme de toute manière, on ne peut mener à bien de grands projets que sur la base d'un assez large consensus multipartisan, je crois que l'un des problèmes essentiels en ce moment est de nous lancer dans une stabilité compétitive, que nos coûts de productions n'augmentent pas comme l'ont fait les allemands depuis la création de l'euro..."

Vous rentrez de Shangaï. Pékin réplique aux panneaux solaires avec le vin français. A qui cette guerre fait-elle le plus de tort ? Chine ? Europe ?

"Nous sommes dans un monde extraordinairement intégré, la Chine est une économie que j'ai pu voir de près, c'est un endroit où j'ai le sentiment de vivre dans un roman de science-fiction, quand on voit Shangaï aujourd'hui par rapport à il y a trente ans, ça change de manière continue."

 "Il est clair que nous devons commercer ensemble de la manière la plus intense possible. Le nombre de Français dont l'emploi dépend des exportations vers la Chine est considérable, on vient de découvrir le vin que l'on exporte... Nous avons besoin d'exporter."

"Il y a des règles internationales, elles doivent être respectées. Je suis convaincu que les uns et les autres rechercheront le plus rapidement possible que l'on sorte d'une situation qui est anormale. Nous avons tous besoin les uns des autres, nous sommes tous interdépendants. La France dépend beaucoup plus de ses exportations, de sa capacité à séduire par ses biens et ses services, que le reste du monde..."

"Je ne crois pas [qu'une quinzaine de pays dont l'Allemagne] préfèrent des accords seuls à seuls avec les Chinois, je crois qu'ils auraient préféré que la Commission ne prenne pas cette décision. Peu importe, ce qui doit être fait c'est la discussion entre européens pour trouver les meilleures solutions avec les Chinois."

Un gouvernement économique de la zone euro est-il faisable ?

"Je crois que c'est une bonne chose que d'avoir un président permanant de l'Eurogroupe, c'est ce qui a été demandé, encore faut-il que ce soit décidé par l'ensemble des européens. C'est une initiative que je crois bonne, je l'avais plus ou moins suggérée lors de mon discours d'Aix-la-Chapelle. Ceci dit, il faut aller beaucoup plus loin : c'est un pas en avant mais nous devons respecter strictement la nouvelle gouvernance de l'Europe."