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SAISON 2013 - 2014, modifié à

"Nathalie Kosciuszko-Morizet veut imposer, décider : c'est une dictature", affirme Jean Tibéri.

Jean Tiberi, maire du 5e arrondissement.

Ses principales déclarations :

Jean Tiberi, depuis le début de cette campagne des municipales, vous vous êtes faits discret. Nathalie Kosciuszko-Morizet, est-ce qu'on peut dire que c'est une erreur de casting pour Paris ?

"En tout cas, ça va mal. Elle s'y prend mal : au lieu de rechercher l'union, le rassemblement, le dialogue - comme nous l'avions fait avec Jacques Chirac en 1977, j'y reviendrai tout à l'heure -, elle essaie d'opposer les uns aux autres, d'attaquer. Elle méprise les gens, elle veut imposer. On voit bien dans le 5e : elle m'a attaqué en tant qu'ancien maire de Paris alors que je n'étais même pas candidat, c'est absurde ! Il faut changer ça. Dans le 5e, elle veut imposer une candidate qui n'a aucun lien avec l'arrondissement, parce qu'il faut la recaser et que c'est une amie. Ce sont des méthodes absurdes. Le 5e est à gauche, et toute personne parachutée y est battue : Sarkozy, Fillon... C'est un suicide politique, mais elle préfère perdre le 5e plutôt que de laisser Tiberi. C'est une erreur magistrale. Dominique est élu, il a la légitimité et d'ailleurs..."

Dominique Tiberi votre fils, qui était candidat, et qui a été évincé de la première place.

"Exactement, alors que Dominique a fait le bon choix, parce qu'il est légitime, il est élu, responsable de l'UMP. Il a fait un effort important pour l'union. Il a proposé à NKM, parce que ça allait mal dans le 14e, de prendre la tête de liste dans le 5e. Elle a refusé, tant pis pour elle. Mais vous voyez que c'est un souci d'union."

Elle vous traitait, je crois, de baron ringard, au début de la campagne.

"Oui, c'est assez grave, assez affligeant. Baron, qu'est-ce que ça veut dire ? Je crois qu'elle est mal placée pour faire ce genre de leçons dans ce domaine, à tous égards. Elle est d'une famille où le père, le grand-père, toute la famille c'est des barons. C'est pas affligeant, mais c'est comme ça. Donc, elle se comporte mal. Ce que vous venez de rappeler montre bien qu’elle ne recherche pas le rassemblement. D'abord, il faut écouter les gens, dialoguer, puis ensuite trancher. Elle, elle tranche et promet une petite discussion après. Il faudrait qu'elle change de méthode. Et il faudrait aussi que les responsables de l'UMP, Messieurs Copé et Fillon - Monsieur Fillon qui me déçoit beaucoup : il m'avait dit qu'il était un homme fidèle et loyal, pour l'instant il ne l'est pas mais peut-être y viendra-t-il ? -  prennent les choses en main dans le bon sens. Pas pour mettre de l'huile sur le feu mais pour aider Mme Kosciuszko-Morizet à dialoguer et à trouver des solutions."

Qu'aurait dû faire NKM ? Vous demander conseil ? Comme Bernadette Chirac le disait dans un meeting de soutien, où elle vantait les mérites de votre femme, qui lui a tout appris sur le terrain, disait-elle ?

"J'ai écouté avec beaucoup d('émotion Bernadette. Elle s'est battue avec Jacques Chirac, Xavière et moi-même en 1976-1977 dans le 5e. Et nous le faisions dans l'union, la concertation. C'est une grande émotion politique, mais aussi humaine. C'est tout une histoire. C'est ça la différence. NKM aurait pu dialoguer avec moi. Pourquoi m'attaquer dès son arrivée ? C'est une erreur politique. En politique, il faut savoir trouver un accord entre les anciens, les nouveaux - il faut rajeunir, bien sûr, renouveler - mais il ne faut pas exclure les gens. L'exclusion, c'est très mauvais. D'ailleurs, il y a à ses côtés des séguinistes, dont fait partie M. Fillon, qui veulent se venger de 2001. En 2007, ils avaient fait la même chose. Ça, c'est catastrophique, c'est quelque chose qu'il faut à tout prix ne pas faire. Moi, je souhaite qu'il y ait un dialogue qui reprenne dans tous les arrondissements de Paris, en particulier dans le 5e, où la candidate imposée sans concertation par NKM n'a aucune chance. Et c'est la gauche qui gagnerait si elle était en tête. J'espère que Dominique sera devant."

Jean Tiberi, vous parlez de changement : vous êtes élu de Paris depuis 1968, vous proposez votre fils à la mairie du 5e... Est-ce qu'il ne faut pas casser les vieilles baronnies, changer les têtes, comme le dit NKM ?

"Mais pourquoi changer les têtes ? Dans le 5e, c'est clair ! Le 5e est à gauche depuis 1997 : européennes, régionales, présidentielles. François Fillon lui-même y a eu moins de 45% des voix. Sauf quand moi j'ai été candidat. C'est pas une donnée en générale, c'est pas le 16e ou le 8e, où on peut faire des choses qui ne changent pas le résultat. Si on met un parachuté dans le 5e, un parachuté qui n'a aucun lien avec le 5e et qu'il faut caser parce qu'elle n'est plus élue du 1er, elle est sûre d'être battue, c'est une question d'arithmétique. Or, Tiberi, lui, est élu, conseiller d'arrondissement, adjoint au maire, responsable UMP depuis de nombreuses années, avec des pourcentages importants : 5e, 6e et 7e. Pourquoi mettre quelqu'un qui est sûr d'être battu ? C'est une provocation et une erreur politique majeure. Je ne parle pas de l'aspect moral de Monsieur Fillon, à qui j'ai laissé mon siège et qui s'est mal conduit."

On va y revenir. En 2001, Jacques Chirac avait dit à Philippe Séguin : "Il ne faut pas humilier Jean Tiberi." Est-ce que NKM vous humilie ?

"Elle cherche à humilier. Ecoutez, sa première réaction arrivant à Paris au lieu de venir me voir, dialoguer pour me demander ce qu'on pourrait faire ensemble... Elle aurait pu me dire : "Tu ne vas peut-être pas te présenter." Je n'en avais pas l'intention. Pourquoi m'attaquer publiquement malgré ça ? C'était une volonté d'humilier, d'attaquer. C'est une espèce de mépris qu'elle manifeste à l'égard des personnes et si elle continue comme ça, ça ira mal. Alors, je lance un appel à Fillon, à Copé et à elle pour se ressaisir et essayer de trouver le bon sens : le rassemblement ! "

Vous semblez beaucoup en vouloir à François Fillon, qui est élu dans le 5e arrondissement. Pourquoi ?

"Je ne lui en veux pas, je suis triste. C'est un homme qui m'avait promis sa fidélité et sa loyauté. Au moins aurait-il pu essayer de dire le bon sens. Il sait que le parachuté est sûr d'être battu et que Tiberi a une chance de gagner. Alors que Tiberi, en tant que délégué de circonscription, a fait campagne pour lui contre Copé sans jamais attaquer Monsieur Copé, il a eu le meilleur résultat de France ! Au moins pourrait-il dire : "le bon sens dans le 5e, c'est que si on a pas Tiberi, on est sûr de perdre !" C'est une analyse arithmétique : qu'une polytechnicienne ne comprenne pas ça, c'est affligeant.  Donc, Copé et Fillon devraient essayer de se ressaisir et revenir dans le droit chemin. Ce serait une erreur grave de ne pas le faire."

Jean-François Copé ne trouve pas non plus grâce à vos yeux. Le patron de l'UMP ne fait pas le boulot à Paris, non plus ?

"Je ne l'attaque pas. J'ai soutenu François Fillon, je comprends qu'il ne me soutienne pas ici, même si je ne l'ai jamais attaqué. A Paris, qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a des choses qui m'échappent. Dans les entourages... On met en cause les uns face aux autres... Je me garderai bien de parler comme ça, je rappellerai juste que l'union et le rassemblement, c'est mieux que la division et l'exclusion."

Tout ça, est-ce que ce ne sont pas de vieilles rancunes qui datent de précédentes campagnes ?

"Vous avez raison de rappeler ça. Il y a d'abord le caractère de NKM qui veut imposer, décider... C'est une dictature, c'est pas ça la politique. On va à l'échec. Et puis, je vous disais très rapidement tout à l'heure, il y a à ses côtés un certain nombre de personnes qui me sont très hostiles, et notamment les équipes de Séguin de 2001, qui n'ont jamais accepté l'échec qui a été le leur."

L'homme d'affaires Charles Beigbeder est entré en dissidence. Il propose même de regrouper toutes les dissidences de la droite parisienne en une seule liste. Est-ce que votre fils pourrait se joindre à lui ?

"Je ne pense pas que ce soit sa volonté. Lorsque j'étais maire de Paris, j'avais créé des listes, mais là, ce ne sont pas les mêmes considérations. Il y a des problèmes dans chaque arrondissement, qui sont différents. Vous les connaissez aussi bien que moi, Dominique Tiberi suit ça avec intérêt. Nous avons de l'estime pour Beigbeder, mais il n'a pas l'intention de rentrer dans un système. Nous, nous pensons, de manière générale, rappeler la nécessité, premièrement, du rassemblement, ensuite, pas d'autoritarisme, et dans le 5e, le bon sens, qui fait que c'est Dominique Tiberi !"

Jean Tiberi, on a bien entendu votre réquisitoire  contre NKM. Aujourd'hui, pensez-vous qu'elle a encore une chance de l'emporter à Paris, où sa campagne est-elle un naufrage ?

"Cette campagne est mauvaise, il faut la changer. Dans les jours qui viennent, après la coupure de quelques jours, elle peut reprendre les choses en main, avec les responsables du mouvement, pour revoir dans un esprit positif et non pas négatif - maintenir sa position sur quelques points mais lâcher sur quelques autres - et trouver l'union nécessaire et non les attaques contre les uns. Dans la mesure où elle ferait cet effort - j'en doute un peu mais je le souhaite ardemment - avec l'aide des responsables du mouvement, peut-être alors... Nous le voyons bien, même les centristes ne sont pas contents de son attitude : ça fait beaucoup de choses. Elle doit donner l'impression de dialoguer, de respecter les gens. Je le disais tout à l'heure, j'ai quitté la vie politique municipale avec émotion et le plaisir du travail fait. Avec émotion, j'ai écouté ce qu'a dit Mme Chirac, ce que nous avons fait ensemble dans le rassemblement. Faisons comme cela a été fait et une chance existe."

Pour finir : vous êtes un très bon ami de Jacques Chirac. L'avez-vous vu récemment et comment va-t-il ?

"Je ne l'ai pas vu récemment mais j'ai eu des nouvelles par des gens très proches de lui. Il se remet bien et je m'en réjouis. C'était un grand président et un grand ami."