"Dans vingt ans, y'aura-t-il encore vingt ans ? C'est angoissant"

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SAISON 2013 - 2014

Daniel Cohn-Bendit a décidé de prendre sa retraite politique, à la fin de son mandat de député européen.

Ce matin, Daniel Cohn-Bendit s'exprimait sur Europe 1.

Ses principales déclarations :

"Ça a mis du temps. Mon ami Yannick Jadot m'a dit qu'avant la fin de la journée, j'allais pleurer : c'est arrivé le soir lors de la dernière réunion du groupe ! Vingt ans de ma vie se terminent. Il y a eu des moments extraordinaires, des tas de gens avec qui j'ai vécu politiquement pendant des dizaines d'années, que ce soit dans le groupe des Verts européens ou dans le Parlement. Comprendre que la porte se ferme ; je ne reviendrai pas à Strasbourg ou Bruxelles, c'est touchant. Vingt ans, c'est beaucoup ! Je regarde en avant : dans vingt ans, y'aura-t-il encore vingt ans ? Ça aussi, c'est un peu angoissant."

Pourquoi pas un dernier mandat ? Pourquoi est-ce si radical ?

"Ce n'était pas radical ! Il y a trois ans, j'ai eu un nœud cancéreux dans la tyroïde : ça m'a choqué, j'ai compris que mon corps commençait à souffrir. Car le travail de député européen, ces voyages incessants, pas seulement pas Strasbourg-Bruxelles-Francfort mais intervenir dans toute l'Europe, c'est éprouvant. L'autre raison est simple : on dit que les politiques doivent savoir passer la main, laisser de la place à de nouvelles générations. Dans tous ces débats, on me dit : "Tu as raison, sauf pour toi !" Ca ne fonctionne pas ! Je suis absolument persuadé qu'il y a des générations montantes capables de défendre l'Europe, de penser l'Europe : je leur laisse la place ! C'est nécessaire : j'ai 69 ans ! En France, on se bat pour la retraite à 60 ans ! Je ne dis pas que je pars à la retraite, j'arrête d'être député européen."

"Le métier de député européen n'est pas facile : c'est un espace politique où l'opinion publique européenne n'existe pas. C'est très rare d'arriver à passer le mur de l'enceinte de ce bateau qui est parfois ivre, qui parfois sait où il va. Quand il y a un coup de gueule qui arrive à percer les murailles, ça étonne ! Et je crois que les médias doivent s'interroger sur la façon dont ils parlent de l'Europe : je crois qu'on en parle que quand il y a des mauvaises nouvelles ! Que l'Europe est le repoussoir. On dit qu'elle est bureaucratique : la France l'est aussi, l'Allemagne aussi, les régions, les municipalités... Toutes les tares de la Terre en politique ne viennent pas de l'Europe ! Il y a une méfiance face au politique qui touche aussi l'Europe, mais elle existe aussi bien au niveau municipal, régional... Il y a une méfiance générale face au politique : c'est ça qu'il faut changer !"

"Mon regret ? C'est évidemment : on a mal fonctionné sur le traité constitutionnel, on a perdu, c'était une baffe incroyable. J'en discute souvent avec José Bové qui était de l'autre côté, on rit même ! On recomprend les erreurs qu'on a fait les uns et les autres. Ma fierté ? Je suis fier de certaines interventions, reprises sur internet, elles touchent, arrivent en Grèce ou en Tunisie, c'est incroyable ! A Athènes ou Istanbul, dans la rue on m'a dit merci, que c'était bien... Comprendre qu'il y a une écoute de ce qui se passe dans l'enceinte européenne."