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La vie des affaires reprend son cours, avec le projet de rachat de l'entreprise Suez par son concurrent Veolia. Un rapprochement plus important qu'il n'y parait et qui montre que le monde d'avant l'épidémie de coronavirus a encore de beaux jours devant lui. 

Vous revenez sur le projet de rachat de l’entreprise Suez par son concurrent Veolia. Pour vous, c’est beaucoup plus qu’une simple péripétie de la vie des affaires. C’est tout un symbole. 

Exactement, oui. D’abord, c’est la première fois depuis l’irruption de la crise sanitaire en Occident et depuis le confinement, qu’une opération industrielle d’une telle envergure est lancée. Pendant des mois, le monde de l’entreprise s’est recroquevillé, a courbé l’échine, souvent tétanisé par la violence du choc. Bon, pour la première fois, et alors même que la situation sanitaire reste incertaine, la barrière psychologique est franchie : ça bouge dans la tête des patrons. 

Ce n’est pas la première fois qu’un projet de rapprochement entre ces deux entreprises est élaboré. 

C’est vrai, et pour moi, là aussi, c’est un symbole. Vous vous souvenez de l’ambiance qui s’était installée pendant le confinement. Le monde d’avant s’écroulait, l’épidémie avait été soit disant provoquée par la mondialisation et l’effondrement des frontières, il fallait se préparer à un grand bond en arrière, un vrai retour aux vraies valeurs.

Des grands prêtres de la décroissance nous expliquait que le pangolin ayant infecté tout l’univers, il fallait désormais se soigner en taxant les riches et en raisonnant local au détriment du global. Il fallait abolir tout recours aux pesticides qui, mystère insondable de la nature, se retrouvaient accusés d’avoir favorisé la reproduction du virus, il fallait en finir avec le capitalisme et nationaliser les entreprises en fonction de leur intérêt pour l’économie du pays.

Eh bien, avec la tentative de Veolia sur Suez, voilà une première manifestation d’un retour de la vie des affaires qui envoie balader tous ces scénarios au rang de rêves politiques et remet en selle un projet qui avait été conçu pendant le monde d’avant.

Sauf que le "monde d’après", si je reprends votre expression, devra être beaucoup plus respectueux de l’environnement. 

Oui, et c’est justement un des motifs de ce projet de rapprochement industriel. Mais rien à voir avec la crise du Covid. Si, comme le dit par exemple Bruno Le Maire, "l’écologie, ça commence"...

C’est une sorte de réponse à la fameuse petite phrase de Nicolas Sarkozy : "L’écologie, ça commence à bien faire" 

Absolument. Et s’il dit ça, c’est parce que le gouvernement, comme partout dans le monde, s’apprête à déverser des centaines de milliards pour la reconstruction de ce que le confinement a détruit. Et naturellement, comme l’exigence environnementale a changé de dimension, l’Etat impose sa norme verte pour distribuer des fonds.

Pour le reste, je suis certain qu’il y aura toujours, dans les pays développés, des illuminés qui préfèreront filtrer l’eau trouble de leur mare plutôt que de boire l’eau potable des Veolia, des Suez ou d’autres. Mais la quasi-unanimité du reste de l’humanité aura toujours recours aux services de plus en plus sophistiqués d’entreprises mondiales, capables d’investir, de faire de la recherche et de jouer un rôle leader dans la fabrication d’une croissance plus saine.