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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, ce matin vous n’avez pas aimé ce que révèle l’affaire Force Ouvrière (FO).

En effet, et je pense évidemment à la démission forcée de Pascal Pavageau, le numéro un de Force ouvrière, qui avait été élu il y a moins de 6 mois avec 94% des suffrages des adhérents du syndicat. J’ai rarement vu une descente aux enfers aussi expéditive, de même que j’ai rarement vu un dirigeant mis en cause jeter aussi rapidement l’éponge. En une petite semaine après les révélations du Canard enchaîné, l’affaire était réglée.

Il faut dire que les charges contre Pascal Pavageau étaient lourdes.

Oui, et qu’il s’est très mal défendu en rejetant d’abord les fautes sur ses principales collaboratrices. Mais c’est sûr que la tenue d’un fichier bourré d’annotations sur la situation personnelle, sur l’orientation sexuelle, la pratique religieuse, ou les failles psychologiques de l’équipe des dirigeants de FO, c’est une faute invraisemblable. D’autant que ce syndicat a lui-même été à la pointe du combat contre ce genre de pratique chaque fois qu’une entreprise était prise en flagrant délit de fichage de ses salariés. Je pense par exemple à Ikea (en 2012), à Conforama (un an plus tard) ou encore à France TV il y a plusieurs années. Le retour de bâton était donc inévitable.
Bon, ce qui est sûr, c’est que ça ne fait pas de bien au syndicalisme français.

C’est vrai, et que ça révèle des failles, des zones d’ombre inquiétantes dans ce domaine. Les syndicats sont probablement, dans l’ensemble des organes qui participent à la vie démocratique française, l’endroit le plus opaque. Quelques progrès récents ont été faits sur la transparence de leurs comptes, mais on reste loin des exigences imposées aux entreprises, par exemple. L’argent des syndicats est un sujet tabou : est-ce que vous savez que c’est à ce jour le seul cas de rapport parlementaire dont la publication a été interdite.

C’était il y a 7 ans, et ce rapport écrit par le député Nicolas Perruchot a été officiellement mis au congélateur pour 30 ans. Alors, heureusement, on a finalement eu accès à l’essentiel de son contenu qui démontait en effet les mécanismes de financement des syndicats et leur opacité. Mais il n’y a pas que l’argent. Il y a aussi des questions sur le fonctionnement des syndicats.

Vous voulez dire leur fonctionnement interne ?

Oui, on le voit justement avec l’affaire Pavageau et les fichiers de FO. Il y a de nombreux exemples de dysfonctionnements de la vie sociale à l’intérieur des syndicats. La loi sociale n’y est pas toujours la principale préoccupation. Et les carrières se font souvent davantage sur les affinités politiques que sur la compétence. En particulier le choix du dirigeant, qui est un acte d’abord politique.

Est-ce que ce n’est pas normal ? Après tout ce sont des organisations qui participent au débat public et qui doivent avoir une ligne politique.

Absolument, une ligne politique claire. Il y a les syndicats réformistes, les syndicats protestataires, avec des ancrages plus ou moins affirmés à gauche. C’est normal. Mais ce qui colle mal avec la démocratie, c’est par exemple le fait que les dirigeants de ces syndicats, le plus souvent, sont élus au terme d’un vote étrange, où il n’y a qu’un seul candidat. Tout se gère et se calcule avant, confidentiellement, entre chapelles, entre courants, entre obédiences. C’est de ça que dépend en partie notre vie sociale, et ce n’est vraiment pas satisfaisant.