Discours de politique générale : "Le gouvernement réduit la pression fiscale pour calmer une colère, et en crée une autre ailleurs"

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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Vous n’avez pas aimé un silence dans le discours de politique générale qu’Edouard Philippe a prononcé mercredi devant l’Assemblée nationale.

C’est ça, un silence, un oubli qui en dit long sur un des principaux problèmes, à mes yeux, de la politique du gouvernement. Cet oubli, c’est celui de deux mots lourds de sens : économies budgétaires. En un peu plus d’une heure de discours, dans un exercice qui doit baliser l’intégralité de l’action politique du gouvernement pour les trois ans à venir, pas un mot sur la réduction de la dépense publique, sur cette drogue dure à laquelle la France s’adonne, et qui fait d’elle la championne d’Europe des déficits.

Le Premier ministre a quand même parlé de la suppression de niches fiscales pour financer les baisses d’impôts.

C’est vrai, mais c’est une manière détournée d’évoquer la question des déficits. C’est un moyen de ne pas aggraver le déficit, mais en aucun cas de le réduire. Certes le gouvernement baisse les impôts de 5 milliards d’euros (très bonne nouvelle dans ce pays qui détient le record de la pression fiscale de tous les pays développés), mais au lieu de diminuer les dépenses à hauteur de cette perte de recettes, il augmente d’autres impôts. Mais oui : réduire ou fermer une niche fiscale, c’est augmenter des impôts. La suppression programmée de la détaxation du gazole non-routier, ça revient tout simplement à une taxation de ce carburant. Vous voyez bien qu’il n’y a pas d’effort sur la dépense publique.

Même pas une évocation… comment dire, subliminale ?

Non, j’ai relu son discours, et quand il parle de la question de l’équilibre budgétaire, il ne dit rien d’autre que : "La responsabilité politique, c’est de mettre en œuvre des principes et, en même temps, de respecter le réel". Jolie pirouette, non ?

Vous disiez qu’en s’attaquant à certaines niches, le gouvernement va en fait augmenter des impôts ou des taxes comme celles sur le gazole non-routier. C’est quoi ce gazole non-routier ?

C’est le gazole dont se servent par exemple toutes les entreprises du bâtiment et des TP pour leurs engins de chantier et leurs machines. Et bien entendu, cette annonce n’a pas laissé le secteur indifférent. Le Président de la Fédération du Bâtiment Jacques Chanut a immédiatement réagi, et il a dénoncé le choc que cela va provoquer sur les coûts de ces entreprises, et donc sur l’emploi, sur un métier qui a créé plus de 50.000 postes en 2 ans. Voilà, on a là une démonstration absolument parfaite de l’impasse dans laquelle est le gouvernement : il doit réduire les impôts, mais comme il ne prend aucune vraie mesure structurelle pour réduire les dépenses publiques, il cherche ailleurs des recettes de remplacement, autrement dit des taxes et des impôts.

Naturellement, ça va provoquer des dégâts, et de la colère de la part de ceux qui vont être impactés. En somme il réduit la pression fiscale pour calmer une colère (en l’occurrence celle des "gilets jaunes"), et il en crée une autre ailleurs. Drôle de méthode.