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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il s'intéresse à l'arbitrage que doit rendre Emmanuel Macron ce vendredi lors du Conseil de Défense entre les enjeux sanitaires, économiques et politiques. Pendant le confinement, les scientifiques avaient l’oreille du président, c'es maintenant au tour des patrons.

Dans quelques heures, on saura ce que le Conseil de Défense réuni autour d’Emmanuel Macron a arrêté comme nouveau dispositif sanitaire et l’enjeu est gigantesque.
Il faut prendre "des décisions difficiles", si on entend bien ce que dit le Président du Conseil Scientifique, le professeur Delfraissy. Des décisions qui devront "donner de la visibilité sur les prochaines semaines", c’est ce que souhaite le président de la République, en tout cas.

Il admet que "le virus circule beaucoup". Ça nous promet un tour de vis et un durcissement du protocole sanitaire ?

C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Mais de là à rebasculer dans un confinement dur (façon mars-avril), ou dans un confinement plus soft (façon mai-juin), il y a un pas. En fait, l’ambiance a changé du tout au tout. D’abord dans la proportionnalité de la réponse à la montée de l’épidémie. L’arrêt total, brutal, de l’économie, la règle du "restez chez vous", tout ça paraît exclu.

Peut-être parce qu’on n’en est pas au même stade de perte de contrôle du virus qu’au printemps ?

Peut-être, oui, mais surtout parce qu’on a changé de grille d’analyse. Tout le monde se souvient du fameux "quoi qu’il en coûte" prononcé, martelé par le chef de l’État. C’était un formidable slogan. Il a permis d’amortir le choc social de la première vague. Sauf que l’on sait maintenant ce qu’il en coûte, plus de 600 milliards d’euros et des années pour s’en relever. Impossible de recommencer ça. Il faut donc moduler. Et dans la bouche du chef de l’État, ça devient "il faut adapter la vie sociale" pour permettre de "continuer à vivre". Première nouveauté par rapport au printemps.

Et les autres changements ?

C’est simple, le politique a repris le pouvoir. Pendant toute la première vague de l’épidémie, ce sont les médecins qui ont tenu le manche. Ça se comprend car le virus était inconnu, mystérieux, on ne savait pas bien évaluer le danger et aucun homme politique ne pouvait (ni ne voulait) prendre la responsabilité de décider dans le brouillard et l’émotion. Le pouvoir a été remis dans les mains des médecins et des scientifiques. Terminé. Ils peuvent dire aujourd’hui qu’il faut des décisions difficiles, qu’il faut réagir dans l’urgence, ce n’est plus eux qui décident. Emmanuel Macron a recadré le rôle du Conseil Scientifique : il est "technique" et c’est la responsabilité des "dirigeants démocratiquement élus de prendre des décisions". Ouf, il était temps qu’on remette le monde à l’endroit, c’est-à-dire dans un sens où la prise de décision ne dépend pas d’un seul facteur (l’épidémie), mais où quelqu’un arbitre entre les intérêts contraires (en l’occurrence ceux de la santé, de l’économie, du social, et ceux de l’ordre public). Voilà, ce "quelqu’un" qui doit arbitrer, dans nos sociétés, c’est un élu à qui le suffrage universel a conféré la responsabilité de l’intérêt général. C’est bien que le Covid n’ait pas détruit ça aussi.