Magda Goebbels, la première dame des Nazis (partie 1)

Nous sommes le 1er mai 1945, à Berlin, dans le bunker de Hitler situé à 8 mètres sous terre, dans les jardins de la chancellerie du Reich. Magda Goebbels a fini d'habiller en blanc et de coiffer son garçon et ses cinq filles. Son aînée, Helga, âgée de 12 ans, la regarde avec attention. Magda sait qu'elle a compris. Pour la rassurer, elle remet avec douceur de l'ordre dans l'une de ses boucles blondes.

Depuis le suicide de Hitler la veille, Magda est l'épouse du nouveau chancelier, Joseph Goebbels. Cet honneur lui paraît vide de sens. Qu’est-elle sans le Führer ?

Magda tend des verres d'eau aromatisés à chacun de ses enfants et leur explique qu'il faut boire et faire une petite sieste. Helga refuse le verre que sa mère lui tend. Sa fermeté la dissuade de résister plus longtemps, alors elle boit. Les six enfants s'allongent sur leur lit, une torpeur s'abat sur eux. Les paupières de Helga sont lourdes, elle lutte pour garder les yeux ouverts mais tout est déjà flou. Elle croit voir sa mère prendre des pilules et s'avancer vers un de ses enfants. Que fait-elle ? Helga n’est pas très sûre. Déjà, elle ne voit plus rien.

La découverte du sionisme

Magda Friedländer est une grande blonde aux yeux bleus, née en 1901 à Berlin. Sa mère, Augusta Behrend, avait une liaison avec son maître de maison, Oskar Ritschel, un riche ingénieur qui n'avait aucune intention de reconnaître le fruit de ses amours. Pour autant, Oskar Ritschel sait qu'il est père et veille à ce que sa fille ne manque de rien.

En 1908, la mère de la petite Magda se fait épouser par Richard Friedländer, un commerçant juif qui reconnaît la fillette et l'élève comme si elle était sa fille. Celle-ci passe une partie de son enfance en Belgique.

À l'adolescence elle est envoyée dans une pension huppée. Alors que la Première Guerre mondiale fait rage, l'Allemande vit une jeunesse protégée. Belle, bien élevée et plus intelligente que la moyenne, elle ne passe pas inaperçue.

Par ses relations de lycée, elle rencontre Viktor Haïm Arlosoroff, avec qui elle vit une idylle. Le jeune homme a fui les pogroms en Ukraine. Il est talentueux, charismatique, et prêt à risquer sa vie pour le sionisme, il ne vit que pour cette cause.

C’est sans doute son engagement qui plaît tant à Magda. Elle est attirée par les hommes de pouvoir et cherche une cause dans laquelle se jeter à corps perdu, pour vibrer. Arlosoroff, lui, est attiré par son intelligence, sa passion et son nom juif : Friedländer. D’ailleurs, Magda porte l'étoile de David autour du cou. Elle n'est pas juive mais c'est sa façon de s'identifier à son beau-père et aux étudiants juifs qu’elle côtoie.

Peut-être que la non-judéité de Magda a fini par poser un problème à son petit ami. Toujours est-il qu’Arlosoroff décide de partir en Palestine en 1921 pour participer à la Fondation d'Israël. Sans Magda. Leur destin prend alors deux directions opposées.

Celui de l'Allemande se joue dans un train entre Berlin et Goslar, la ville où elle fait ses études, alors qu'un homme d’une quarantaine d’années s'assoit sur la banquette en face de la sienne.  Cet homme, c’est Günther Quandt.

Le premier mariage de Magda

Günther Quandt est l'un des propriétaires de BMW, la manufacture bavaroise de moteurs. Il a 20 ans de plus que Magda mais il en tombe fou amoureux. Après quelques rendez-vous à Berlin, il la demande en mariage. Mais avant de se marier avec elle, il lui fait changer de nom, en faisant pression sur son père biologique pour qu'il la reconnaisse. Ritschel, contrairement à l'homme qui a élevé Magda, n'est pas juif.

Magda se dépouille donc du patronyme de son beau-père, juste avant de devenir Mme Quandt. Elle appartient maintenant à la grande bourgeoisie de Berlin et peut mettre sa mère Augusta à l'abri de la misère qui la guette depuis son divorce avec Richard Friedländer.

Quelques mois après le mariage, Magda, désormais maman d'un petit Harald, devient une maîtresse de maison attentive et dévouée à son mari. Elle est à la tête d'une armée de domestiques, mais il y a un problème : elle s'ennuie. Magda flirte avec la dépression dans sa cage dorée.

On ne sait pas vraiment ce qui déclenche la rupture mais Magda quitte son mari. Elle négocie très bien son divorce : elle obtient de Gunther un superbe appartement et une rente mensuelle de 4000 marks. Elle mène une vie mondaine, libérée, pour qui la crise économique de 1929 tient plus de la légende que de la réalité.

Mais les amants, le champagne, les soirées ça ne remplit pas le vide d'une existence trop tranquille, fade, inutile et frivole. Seule Augusta constate le mal-être de sa fille quand elle rentre tard le soir après avoir trop bu.

Un soir de 1930, Magda se rend dans une soirée mondaine. Encore une fois, elle boit trop. Elle confie son ennui à son voisin de table, un membre du NSDAP.

Adhésion au parti nazi et rencontre avec Goebbels

Le Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands, ou Parti national socialiste, ou Parti nazi, si vous préférez, est fondé à Munich en 1920. Au début, ce parti d'extrême droite est très minoritaire mais la crise est en train de le faire monter et petit à petit, des membres de la haute bourgeoisie y adhèrent, par peur du communisme. Si Magda rejoignait le parti, elle pourrait aider et participer à une épopée héroïque pour l'Allemagne. Elle est immédiatement séduite.

Voilà ce dont elle a besoin : d'une cause, d'un groupe et de convictions à défendre. Dans les jours qui suivent, elle se rend au Palais des Sports de Berlin, où Joseph Goebbels, l'idéologue du parti, fait un discours. Au bout de quelques phrases, elle ne l'écoute plus. Elle observe cet homme charismatique, elle suit les modulations de sa voix, son exaltation, ses gestes.

Il met la salle bondée en transe et tout le monde lève la main en même temps. Goebbels entre en communion avec les militants. Le lendemain, Magda, enthousiaste comme jamais, offre son aide au NSDAP. Comme elle est polyglotte, on lui propose de s'occuper du secrétariat des cadres du parti. Goebbels est immédiatement sous le charme de la superbe Mme Quandt, comme il l'écrit dans son journal.

Joseph Goebbels est petit, il boîte à cause de la polio qu'il a eu quand il était enfant. Il est malingre mais redoutablement intelligent. À l'école on le surnommait Ulysse. Il est titulaire d'un doctorat de philologie, l'étude historique de l'allemand au travers de ses textes littéraires, et il est dévoré par l'ambition. Il rêvait d'être écrivain mais son premier roman a été refusé par plusieurs maisons d'édition.

Joseph refuse de remettre son talent en question. Pour lui, s'il n'est pas publié, c'est à cause des intellectuels juifs qui mènent une cabale contre lui. En rejoignant le NSDAP, il se rallie aux idées de Hitler et finit par devenir le chef de la propagande du parti. D’ailleurs, il est un extraordinaire orateur et si Hitler ne peut pas faire un meeting, c'est lui qui le remplace.

Magda constate que Goebbels est un amateur de femmes. Il les séduit par son intellect mais elle, elle n'est pas comme les autres, elle peut parler philosophie pendant des heures. Très vite, ils sont tous les deux convaincus qu'ils formeront un couple hors du commun. Magda lui ouvre aussi les portes du grand monde où Goebbels peine à entrer. Elle est très amoureuse de son nouvel amant, ou plutôt fascinée.

Magda Goebbels et Hitler

Quand elle parle de Joseph à sa meilleure amie, elle évoque surtout sa vie intense et excitante : les meetings, la politique, la puissance, elle rêve de cette vie. En 1931, l'amante de Goebbels est présentée à Hitler. Pour elle, cet homme est Dieu sur terre, elle passe instantanément de militante nazie à fanatique. À cette époque-là, le mot fanatique désignait les plus grands partisans du parti.

Hitler est lui aussi subjugué par Magda. C’est la première fois qu'une femme est capable de soutenir sa conversation. Il lui voue une sorte d'amour platonique, il considère qu’elle est sa part féminine. Magda met son grand appartement à la disposition d'Hitler pour des cocktails mondains et des réunions du parti, où se presse bientôt toute la bourgeoisie conservatrice berlinoise.

Goebbels est jaloux de la connivence entre son amante et le chef du NSDAP mais le maître le rassure : certes, il aime Magda mais il pense que Goebbels doit l'épouser. Lui, il est marié à l'Allemagne. Après cette conversation, Goebbels écrit dans son journal : « Pauvre Hitler. Moi, j'ai Magda ».

Le 19 décembre 1931, Magda se prépare pour son second mariage. Sa mère Augusta n'est pas là pour l'aider à passer la longue robe noire qu'elle a choisie pour l'occasion. Elle déteste Joseph. À ses yeux, son futur gendre est un petit bourgeois avide de prestige. Magda ne nie pas. C’est vrai, mais si elle épouse Joseph, elle deviendra l'une des femmes les plus importantes du pays. Alors qu'elle enfile des gants blancs, elle regarde avec émotion son petit Harald, âgé de 10 ans. Pour l'occasion, il a mis son uniforme des Jeunesse Hitlériennes, avec son short noir et sa chemise brune.

Après avoir signé les registres de la mairie, le nouveau couple Goebbels, souriant et tout de noir vêtu, passe sous une haie d'honneur de nazis, les bras levés. Hitler, leur témoin, marche derrière eux.

Deux ans plus tard, en 1933, Arlosoroff, le premier amour de Magda, est assassiné à Tel-Aviv. Un mystère entoure les mobiles de ce crime : certains diront que les nazis, avec qui il avait passé l’accord Haavara pour faciliter le passage des Juifs allemands en Palestine, ont fini par le liquider de peur qu'il évoque sa liaison passée avec Magda Goebbels.

Cette année-là, en 1933, Hitler est devenu le chancelier de l'Allemagne et Goebbels a été promu ministre de l’Éducation du peuple et de la propagande du Reich. Magda, en tant que femme de ministre, vit désormais l'existence excitante dont elle rêvait. Mais en 1934, son Führer va lui confier une mission à laquelle elle ne s'attendait pas.

Pour découvrir la suite de l'histoire de Magda Goebbels, rendez-vous sur la deuxième partie de l’épisode.