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SAISON 2022 - 2023, modifié à

Écoutez la suite du récit consacré à l’aviateur français Roland Garros, raconté par l’historienne Virginie Girod (premier épisode disponible ici ). Le 23 septembre 1913, Roland Garros entame sa traversée de la Méditerranée. Malgré des incidents pendant le vol, l’aviateur se pose 8h après son décollage, en Tunisie. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, Roland Garros s’engage dans l’armée. Il contribue à mettre au point un système de mitrailleuse sur son avion, permettant de tirer en rafales sur les ennemis. Dans les airs, il participe à des missions de reconnaissances, à des largages de bombes et à des batailles aériennes. Fait prisonnier par les Allemands pendant trois ans, il réussit à s’enfuir et réintègre l’aviation française comme pilote. La remise à niveau, après trois ans loin des cieux et des progrès technologiques, est difficile. Roland Garros persévère, mais le 5 octobre 1918, son avion est pris pour cible par l’ennemi et explose en plein vol. Quant au lien entre Roland Garros et le tennis, il n’est pas si évident à trouver…  

Sujets abordés : Aviation - Première Guerre mondiale - Mécanique - Avion - Combat  

"Au cœur de l'Histoire" s'adresse aux passionnés d'histoire mais aussi à ceux qui cherchent à apprendre l'Histoire facilement. Que vous souhaitiez renforcer votre culture générale, ou réviser une leçon d'histoire vue en cours sans passer par les manuels scolaires, ce podcast est fait pour vous.

Pour aider les élèves en préparation du brevet ou du bac d'Histoire-Géographie, "Au cœur de l'Histoire" aborde à travers les destins de divers personnages les grands chapitres du programme scolaire de Troisième ainsi que du programme scolaire de Terminale : Révolution française ; Première Guerre mondiale ; régimes totalitaires dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ; Seconde Guerre mondiale, Régime de Vichy, Collaboration et Résistance ; création de l'Union Européenne… 

"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio. 

Ecriture et présentation : Virginie Girod 

- Production : Camille Bichler (avec Florine Silvant)

- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud 

- Réalisation : Clément Ibrahim 

- Musique originale : Julien Tharaud 

- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis 

- Communication : Kelly Decroix 

- Visuel : Sidonie Mangin

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Le dimanche 21 septembre, Roland Garros reçoit un coup de téléphone. Son mécanicien lui annonce que le vent a tourné. Il va pouvoir tenter la traverser de la Méditerranée ! Il en rêve depuis deux mois… ça y est, c’est le moment. Le lendemain, lundi 22 septembre, Roland arrive à la base d’aéronautique de Saint-Raphaël. Le grand départ sera pour le lendemain matin, au petit jour.

La traversée de la Méditerranée

Le 23 septembre, à 5h52, Roland Garros décolle. Il laisse les côtes varoises derrière lui, traverse la mince couche de nuages et se retrouve dans un ciel limpide. Il est en route pour la Tunisie. Il n’a qu’à suivre la direction donnée par sa boussole pour se repérer. Mais alors qu’il arrive près des côtes corses, un bruit métallique lui glace le sang. Des gouttes d’huile noires lui sautent à la figure.

Après un instant de peur, Garros constate que son moteur tient le coup. Une pièce a sauté à l’avant de l’appareil mais les mouvements de l’hélice génèrent une tension qui fait que tout continue à marcher. Il faut faire un choix vite… Se poser en Corse… ou continuer.

Le moteur tourne régulièrement. Roland Garros ne parvient pas à se dire qu’il faut abandonner un record. Il ne veut pas voir son rêve se terminer à cause d’un accident technique. Et pourtant, ça lui paraît idiot de mourir dans un accident d’avion. Selon ses propres mots, C’est une mort de luxe, une mort pour l’aventure, mais c’est une mourir quand même… Finalement, le goût du dépassement l’emporte. Garros poursuit sa route. La Corse est désormais loin derrière lui.

Alors qu’il survole la Sardaigne, une autre panne survient. Il continue à voler, le cœur battant. Bientôt, il n’y a plus que du bleu autour de lui. Alors qu’il approche des côtes tunisiennes, il aperçoit trois torpilleurs. Il sera récupéré par ces bateaux en cas d’accident. Roland Garros plonge en spirale pour se rapprocher des navires et échappe de justesse « à un bain ridicule ». Ce sont ses mots…

Mais encore une fois, il s’accroche et se pose finalement à 13h40 à Bizerte, en Tunisie, après huit heures de vol. Son réservoir de carburant est presque vide ! Il vient de parcourir 780 km sans escale au-dessus de la mer.

Garros rentre en France en héros où la presse célèbre son exploit. Dans les mois qui suivent, il continue à participer à différents meetings aériens… jusqu’à ce qu’un événement fasse basculer le destin du monde.

Roland Garros et la Première guerre mondiale

Le 28 juin 1914, François-Ferdinand d’Autriche, l’héritier de la couronne d’Autriche-Hongrie, est assassiné à Sarajevo par un nationaliste serbe. Par les jeux d’alliance, toute l’Europe entre en guerre dans les semaines qui suivent. D’un côté, il y a les Alliés avec La France, le Royaume-Uni et la Russie. De l’autre, il y a la Triplice avec l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

Oubliez cette vieille légende scolaire qui dit que les Français (et parfois les Françaises) sont partis à la guerre la fleur au fusil à l’été 1914 en pensant qu’ils seraient rentrés pour Noël ; qu’ils auraient été préparés à la revanche contre l’Allemagne dans les salles de classes par leurs instituteurs, les hussards noirs de la IIIe République, pour reprendre l’Alsace et la Lorraine perdues en 1871. Mais les paysans n’ont pas envie de quitter leurs champs prêts pour la moisson et les cols blancs des villes n’ont pas envie de porter le pantalon rouge garance et la capote gris de fer bleuté. L’uniforme bleu horizon ne viendra qu’en été 1915, quand on se sera rendu compte que ça ne sert à rien d’être beau pour mourir dans les tranchées et que le rouge, ça se voit de loin.

La première guerre mondiale fut une boucherie encore jamais vue. Jusqu'ici la guerre, c’était deux groupes d’hommes qui se fonçaient dedans avec des armes de jets et des épées. Et puis la poudre est arrivée mais les arbalètes et les fusils n’avaient pas de très longue portée avant la fin du XIXe siècle. Les canons et les obus remplis de shrapnel sont arrivés, qui vous déchirent le corps comme si vous étiez une motte de beurre. Alors pour résister, on s’enterre dans les tranchées. La guerre devient une attente de l’assaut meurtrier pendant des semaines… des mois… des années.

Et même dans la terre, on n’est pas en sécurité. La science a permis la création d’armes inédites : les armes chimiques. Rien que leurs noms évoquent déjà l’asphyxie. Le chlore, l’acide cyanhydrique, le bromure de benzyle, le phosgène… et puis l’ypérite, le fameux gaz moutarde, qui vous brûle encore plusieurs heures après que vous lui ayez échappé. Il faut s’envoler haut pour retrouver l’air pur. Et puis, pour la première fois, la guerre n’est pas que sur terre. Elle est aussi dans le ciel.

Ça fait déjà deux ou trois ans que les gouvernements européens qui sentaient monter le conflit ont poussés les ingénieurs aéronautiques à réfléchir à des avions de guerre. Quand la guerre a éclaté en 1914 donc, de nombreux pilotes se sont engagés pour leur pays. C’est le cas de Roland Garros. Né dans les colonies, il n’était pas obligé de s’enrôler dans l’armée. Mais il l’a fait par patriotisme.

Gardez à l’esprit que tous les pilotes européens se connaissent. Ils se sont croisés dans les meetings de ces dernières années. Ils se respectent comme pilotes, mais les rivaux d’hier sont les ennemis d’aujourd’hui. En souvenir de leur amitié, ils prendront l’habitude de survoler le champ de bataille à la fin du combat pour lancer des couronnes aux pilotes morts pour leur pays.

La première bataille aérienne a lieu le 5 octobre 1914 dans le ciel de Reims, près des lignes de front. C’est quasiment un duel aérien. Il faut voler au même niveau que le pilote adverse pour tirer sur lui au pistolet ou au fusil. Ce jour-là, le français Joseph Franz et son mécanicien Louis Quenault volent à bord d’un Voisin III, un bombardier biplace de fabrication française. Ils tuent le sergent Wilhelm Schlichting et l’oberleutnant Fritz von Zagen à bord de leur avion allemand, un aviatik. Ces duels aériens ne sont pas très performants mais ils se multiplient rapidement.

Roland Garros intègre l’escadrille 23 surnommée MS23 car les avions utilisés sont des Morane-Saulnier. Il participe à des missions de reconnaissance et aussi à des largages de bombes. Roland et son ami Saulnier participent eux-mêmes à la création des mitrailleuses synchronisées qui tirent entre les pales des hélices désormais blindées pour résister aux ricochets accidentels des balles. On peut donc maintenant tirer des rafales de face sur les avions ennemis. En janvier 1915, le premier chasseur monoplace équipé d’une mitrailleuse est opérationnel.

Après cette phase de travail avec les ingénieurs, Roland Garros est affecté à l’escadrille MS26. Il remporte plusieurs batailles dans les airs. Le voilà détenteur d’un nouveau record : il est le premier pilote victorieux dans un combat aérien à bord d’un monoplace. Mais cette série de victoires ne va pas durer.

Prisonnier de guerre

Le 18 avril 1915, Roland Garros survole la Belgique. Il est touché par des soldats allemands au sol qui possèdent désormais des canons antiaériens. Il atterrit en urgence à Hulste, dans les Flandres. Son premier réflexe est de chercher à mettre le feu à son avion pour que les Allemands ne puissent pas s’emparer de lui et étudier son système de mitrailleuse qui tire à travers l’hélice mais il n’en a pas le temps. Il est arrêté avant.

Les ingénieurs allemands vont donc confisquer son invention et la perfectionner. Sur les avions allemands de type Fokker E.III, il n’y a plus de problèmes de ricochets. Ce sont maintenant les ennemis des Français qui dominent les airs pendant plus d’un an.

En tant que célébrité, Roland Garros est très surveillé. Il est déplacé dans plusieurs camps allemands et polonais. Après plusieurs tentatives avortées, l’aviateur parvient enfin à s’échapper en février 1918. Cette fois, il a dérobé un uniforme allemand pour passer inaperçu.

Après avoir regagné la France, Roland Garros retrouve sa place de pilote dans l’aviation militaire. Georges Clémenceau, alors président du Conseil des Ministres, aurait préféré qu’il reste à l’État-Major mais le champion des champions est déterminé à se battre. Il a seulement 29 ans mais il est très affaibli physiquement après trois années de mauvais traitements en détention. Il est devenu myope mais il le cache. Il ne met discrètement ses lunettes de vue qu’une fois installé dans son avion.

L’état de ses yeux n’est pas son seul problème. En trois ans, la technologie des avions a beaucoup évolué. La remise à niveau est difficile. Son escadrille vole maintenant sur des SPAD XIII, des avions de chasse pouvant atteindre la vitesse de 220km et l’altitude de 6 650 mètres. On très loin des records de Roland Garros avant la guerre. Mais l’aviateur persévère. Il est finalement autorisé à repartir au combat.

La mort de Roland Garros

Nous sommes le 5 octobre 1918. Demain, Roland Garros aura 30 ans. Il monte dans son avion et décolle dans le ciel des Ardennes pour en découdre avec les Allemands. Mais ce jour-là, un Fokker D VII de l’armée allemande fonce sur lui et ouvre le feu. L’avion de Roland Garros est touché, probablement au niveau du réservoir. Il explose.

Le champion des Champions est enterré dans un carré militaire du cimetière de Vouziers dans les Ardennes. Cinq semaines plus tard, le 11 novembre 1918, l’armistice est signé. La guerre est terminée.

L'hommage de Lesieur à Roland Garros

Mais quel rapport entre Roland Garros et le tennis me direz-vous ? Eh bien aucun ! Enfin, le lien n’est pas évident.

En 1927, les Français remportent la coupe Davis. Ils devront donc accueillir la finale l’année suivante. Le petit monde du sport parisien est en ébullition. Il faut construire un stade assez grand et moderne pour accueillir un tel événement. Le Stade Français, le Racing-Club et la Ville de Paris se mettent d’accord pour que le nouveau stade soit construit sur le terrain de l’ancien stade Jean-Bouin. Émile Lesieur, le président du stade français, a néanmoins une exigence : le nom de ce nouveau complexe sportif devra porter le nom de son ami héros de guerre : Roland Garros. Le 11 mai 1928, le stade Roland-Garros devient le temple français du tennis sur terre battue.