Salon de l'Auto : on a testé la voiture autonome de Valeo

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avec Aurélien Fleurot , modifié à
Europe 1 a pu tester Drive4U, la voiture autonome du Français Valeo. En conditions réelles, à Paris, la technologie impressionne par sa fluidité.

Où en est la voiture autonome ? Révolution en chantier depuis plusieurs années et promise pour un futur proche, cette technologie est devenue le nerf de la guerre de l’industrie automobile, objet d’une féroce concurrence entre les constructeurs traditionnels et les GAFA. Alors que le Mondial de l’Auto ouvre ses portes jeudi à Paris, Europe 1 a pu monter à bord du véhicule autonome Drive4U, modèle très abouti du Français Valeo, pionnier en la matière, qui promet une autonomie quasi-totale. Sur un parcours prédéfini le long des quais de Paris, nous avons pu constater les progrès d’une technologie supposée bouleverser nos vies à moyen terme.

Une première en conditions réelles

Si Drive4U n’est pas la première voiture autonome à mettre le moteur en marche, elle a en revanche la spécificité de se déplacer sur route ouverte, dans les conditions de circulation réelles. Une avancée notable puisque, jusqu’ici, les quelque véhicules autonomes qui ont vu le jour n’étaient voués qu’aux trajets en circuit dans des espaces clos (aéroports, centres de convention, etc.). Pour franchir un palier, Valeo bénéficie d’autorisations des autorités pour effectuer ses démonstrations en plein Paris.

Si ce n’était ce vert criard, couleur de Valeo, la voiture n’a absolument pas l’air d’être un véhicule autonome. Il s’agit tout simplement d’un modèle Range Rover classique, dans lequel Valeo a inséré toutes ses dernières technologies. "La voiture est équipée de huit scanners Lidar (technique de télédétection des distances et des obstacles, ndlr) produits en série par Valeo, une première", nous explique Guillaume Devauchelle, directeur de l’innovation chez Valeo. Ces capteurs, très discrets, "offrent une vision à 360° de la situation extérieure, en temps réel, reconstituée par le biais d’un modèle mathématique".

Voiture autonome 2

La voiture de Valeo possède une autonomie de niveau 4, c’est-à-dire qu’elle est capable d’effectuer seule le trajet. Le conducteur doit fournir la destination et les indications de navigation mais n’est pas tenu de prendre le volant. Sa présence n’est même pas obligatoire dans l’habitacle. A titre de comparaison, la plupart des véhicules autonomes en sont actuellement au niveau 3, avec présence requise du conducteur.

Impressionnant et surréaliste 

Une fois les présentations faites, nous embarquons pour un petit tour. Dans le cadre de ce test, la voiture autonome, gérée attentivement par un ingénieur de Valeo, a donc roulé sur un parcours balisé, une boucle d’un peu plus de cinq kilomètres partant du pont du Garigliano (rive droite), empruntant les quais de Seine jusqu’au pont de Bir-Hakeim avant de revenir dans l’autre sens, par la rive gauche.

A peine avons-nous fait 200 mètres que le conducteur – plutôt un opérateur à ce stade, nous fait signe : il vient de passer en mode autonome, d’une simple pression sur un bouton. Il ne reprendra le volant qu’une fois, lors d’un passage en travaux, une zone pour laquelle Valeo n’a pas de dérogation. Une fois passée la première appréhension de le voir lâcher les commandes, la conduite autonome est très impressionnante. Il y a quelque chose d’un peu surréaliste à voir le volant tourner tout seul, comme si un fantôme officiait sur le siège du conducteur.

Voiture autonome 3

Conduite très fluide

Mais c’est surtout la conduite qui laisse songeur sur les possibilités de la voiture autonome. Tout est extrêmement fluide. On croirait le véhicule piloté à distance sur un circuit alors que nous sommes en plein Paris, coincés dans la circulation de l’heure du déjeuner. Ce ne sont certes pas les embouteillages matinaux mais il y a quand même quelques ralentissements. Dans ce contexte, la voiture se déplace avec une fluidité remarquable : les trajectoires sont souples, les freinages progressifs et les réactions bien anticipées. La voiture maintient la distance de sécurité réglementaire avec celle de devant, ce qui lui permet de ne jamais se faire surprendre, notamment par un feu qui passe au rouge juste devant nous.

Cette capacité à anticiper tout ce qui se passe autour de la voiture est dû au travail de l’intelligence artificielle, cœur de la technologie du véhicule autonome. "Elle reconnaît les silhouettes et les mouvements des piétons, des vélos, des voitures mais aussi les feux rouges, les panneaux de circulation… Avec toutes ces informations, l’IA décide entre 10 et 100 fois par seconde comment la voiture s’adapte aux situations et poursuit sa mission", détaille Guillaume Duvauchelle, qui chapeaute le projet de Valeo. Résultat, il y a "moins d’une chance sur 100 milliards d’avoir un accident grave", assure-t-il.

Technologie au point

Dans la voiture, la technologie de la voiture autonome se matérialise sur un écran, placé devant le siège passager, qui cartographie l’environnement proche avec des points. En bleu : tout ce qui est fixe (murs, immeubles). En rouge : les objets et les personnes en mouvement. Les voitures sont représentées par des rectangles orange, les piétons par des cubes rouges et les motos par des traînées de points rouges.

Voiture autonome 1

Illustration des capacités de l’IA de la voiture autonome avec un piéton : s’il marche droit sur le trottoir, la voiture ne détecte aucun danger et ne dévie ni ne freine. S’il se rapproche du bord, la voiture se prépare à freiner et décélère légèrement. Enfin, s’il marche au bord de la route et tourne la tête vers la chaussée, la voiture anticipe qu’il va traverser et freine. Une théorie que nous avons pu vérifier dans la pratique : sur le pont de Bir-Hakeim, un joggeur a fait un écart vers le bord du trottoir pour doubler un passant. Un geste brusque détecté par la voiture qui a bien jugé qu’il n’y avait pas de risque et n’a donc pas freiné brutalement pour rien.

Résultat, le sentiment de sécurité est total dans l’habitacle de la voiture Valeo. Dos d’âne et bandes rugueuses, motos qui zigzaguent et piétons imprudents : rien ne lui échappe. La maîtrise technologique de Valeo rend ainsi crédible la promesse faite par Renault et les autres constructeurs de voir des véhicules autonomes sur les routes dès 2020. Preuve supplémentaire que le futur est à portée de main : pour la démonstration qui nous a été faite, l’intelligence artificielle de la voiture tournait avec… un PC de gamer ! "Ce n’est pas le cas d’ordinaire mais c’est pour montrer que le système de la voiture ne nécessite pas une puissance infernale ou des composants exotiques", souligne Guillaume Duvauchelle.

Encore quelques obstacles à franchir

Dans ce cas, pourquoi attendre quatre ans ? D’abord car les technologies de conduite autonome peuvent et doivent encore être améliorées. Ce test sur route ouverte en conditions réelles, s’il représente une avancée certaine, restait cantonné à un petit parcours prédéfini. Rien de comparable avec un trajet soumis aux imprévus. "Grâce à l’IA, la voiture apprend de chaque situation, elle évolue", rappelle Guillaume Duvauchelle.

Enfin, c’est surtout la législation qui va décider du sort de la voiture autonome en France. Valeo ne semble plus très loin de pouvoir proposer des véhicules capables de se passer de conducteur. Mais pour que cela devienne une réalité, il faut que la loi permette leur circulation. Un pas en avant devrait être effectué prochainement puisque la loi Pacte, actuellement débattue à l’Assemblée, prévoit des dispositions pour élargir, dès 2019, le cadre des expérimentations aux voitures autonomes sans conducteur.