Vers la fin du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif ?

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Olivier Samain, édité par Antoine Cuny-Le Callet

Une ordonnance de 2017, le fameux "barème Macron", venait plafonner les indemnités prud’homales dont pouvaient bénéficier les travailleurs en cas de licenciement abusif. Mais certaines récentes décisions de justice donnent le sentiment d'un rejet de cette nouvelle logique.

Vers une nouvelle jurisprudence ? De récentes décisions de justice suggèrent que le plafonnement des indemnités prud’homales instauré par les ordonnances de 2017, le fameux "barème Macron", va être de moins en moins appliqué. Invitées à trancher des affaires de licenciements, plusieurs cours d’appel ont en effet choisi d’écarter le barème et de fixer des montants d’indemnisation plus généreux, car correspondant à la "réalité du préjudice subi". Dans le contexte économique actuel, la perte d'un emploi est aggravée par la plus grande difficulté à en retrouver un.

Source d'injustice ?

La cour d’appel de Reims a ouvert la voie il y a un peu plus d’un an, avec un arrêt du 25 septembre 2019. D’autres lui ont emboîté le pas : Grenoble en juin dernier et Bourges il y a deux mois. Des conseils de prud’hommes ont eux aussi adopté cette logique, comme Angoulême en juillet dernier. Selon eux, utiliser le "barème Macron" peut être source d’injustice : ce dernier plafonne le montant des dommages et intérêts lors de l’indemnisation du préjudice subi par un salarié victime d’un licenciement abusif.

En effet, au problème du chômage du salarié peuvent s’ajouter des difficultés supplémentaires : par exemple, les charges de famille, l’âge élevé du travailleur ou encore son mauvais état de santé. Selon les juges, dans ces circonstances, il faut une réparation "appropriée" à la situation concrète du salarié, ce qui sous-entend une réparation plus élevée que le barème.

Des recherches d'emploi demeurées vaines

"Lorsque les juges cherchent à définir le préjudice subi par le salarié injustement licencié, il est bien évident que la difficulté à retrouver un emploi est déterminante", explique Pascal Lokiec, professeur de droit du travail à Paris 1-Sorbonne. Il ajoute que la crise sanitaire, et le chômage de masse qui en découle, vont à coup sûr renforcer cette nouvelle jurisprudence : "On peut s’attendre, avec l’explosion du chômage, à ce que les juges utilisent de plus en plus l’appréciation concrète pour écarter le barème."

Le raisonnement semble avoir été suivi par la cour d’appel de Bourges pour s’affranchir du barème Macron : après son licenciement, le salarié avait justifié d’un nombre impressionnant de recherches d’emploi demeurées vaines, ce qui a conduit la cour à lui accorder une indemnisation plus élevée.