2:46
  • Copié
Nicolas Beytout
En annonçant le détail des mesures contenues dans la réforme des retraites, le Premier ministre Édouard Philippe a fait basculer la CFDT dans le camp des opposants. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, "c'est désormais l'épreuve de force". 

>> On en sait enfin un peu plus sur la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Edouard Philippe a présenté mercredi les contours du projet, qui comprend notamment la mise en place d'un système par points, la fin des régimes spéciaux, et la mise en place d'un âge pivot, à 64 ans. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, le Premier ministre a pris le risque, en annonçant cette mesure rejetée par les syndicats réformistes, de muscler l'opposition à la réforme. 

"Édouard Philippe espérait sans doute calmer les oppositions à sa réforme des retraites. Mais c'est raté. En détaillant mercredi les mesures prévues par le gouvernement, le Premier ministre a vu la CFDT basculer dans le camps des opposants. "La ligne rouge a été franchie, clairement franchie", a tonné Laurent Berger, patron du syndicat réformiste, ulcéré par la mise en place d'un "âge d'équilibre" à 64 ans.

Quand on regarde le détail des réformes, et les mots, les expressions dont Édouard Philippe a truffé son discours, il y avait pourtant de quoi satisfaire la CFDT. Il y avait de quoi la maintenir à l’écart des manifs et des grèves, ce qui aurait permis de décrocher dans la foulée l’UNSA, l’autre syndicat qui se montrait ouvert à la réforme. C’est raté, le front syndical, au lieu de se fissurer, va se renforcer.

Matignon pas étonné par la colère de Laurent Berger

Dans l’entourage du Premier ministre, on affirme qu’on n’a pas été étonné de cette réaction de Laurent Berger, mais qu’on n’a pas la clef pour décrypter son attitude. Est-ce un retour de flamme des conflits précédents sur les retraites, en particulier celle de 2003, une réforme que la CFDT avait soutenue, ce qui avait provoqué une hémorragie chez ses adhérents ? Où est-ce le caractère un peu ombrageux du leader de la CFDT, qui estime depuis le début du quinquennat qu’il n’est pas traité comme il le devrait ? Il y a sûrement un peu des deux…

Alors que les grèves continuent, c'est désormais l'épreuve de force. Le gouvernement a abattu son jeu, et même si Édouard Philippe psalmodie que sa porte reste ouverte, qu’il ne veut pas d’affrontement, le bras-de-fer s’installe. Avec une équation très simple. D’un côté les opposants à la réforme, toujours très déterminés, qui comptent sur une nouvelle démonstration de force mardi prochain pour faire fléchir le pouvoir. Et puis de l’autre, le gouvernement.

Les grévistes vont-ils rester unis ? 

Pour le gouvernement, il ne reste pas grand-chose à part de l'espoir que l’opinion publique va se lasser de cette 'chienlit' comme disait le président De Gaulle. Pour cela, le gouvernement peut maintenant mettre en avant le minimum retraite à 1.000 € net, l’amélioration des retraites pour les mères de famille, la revalorisation du salaire des professeurs, pour tenter de convaincre les Français que, malgré l’âge pivot fixé à 64 ans, c’est une réforme gagnante pour beaucoup.

Et puis il peut aussi avoir l’espoir d’une division syndicale. Attention, pas entre syndicats, car le front est serré. Non, mais entre grévistes. Je pense à la SNCF, à la RATP, aux conducteurs de train de 35 ans, 36 ans, 40 ans, qui ne sont plus concernés par la réforme, qui pourront donc continuer à partir à la retraite à 52 ans. Est-ce qu’ils ne vont pas bientôt faire leurs comptes, regarder ce que la grève leur coûte en salaire, et se demander si le combat pour leurs jeunes camarades vaut aussi cher ? Syndicats unis, mais fractures entre syndicalistes, ce pourrait bien être la nouvelle frontière du conflit."