Travail dominical : certains ont déjà anticipé la loi Macron

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Anne-Laure Jumet avec
INFO E1 - Le groupe Sephora a déjà conclu un accord avec une partie des syndicats sur le travail de nuit et dominical, alors même qu’il est interdit. Pour l’instant.

La loi Macron va franchir un palier très symbolique mardi, avec le vote solennel en première lecture de l’Assemblée nationale. Un texte dont l’examen se sera éternisé, tant il ressemble à un mille-feuille de mesures. Mais l’une d’elles cristallise l’attention : la réforme du travail dominical. Le travail sera bientôt autorisé le dimanche, mais aussi entre 21 heures et 24 heures dans les futures zones touristiques internationales, à condition que direction et syndicats trouvent un accord dans chaque branche ou entreprise. Et cela tombe bien, cet accord a déjà été trouvé dans une entreprise très en pointe sur ce sujet… avant même que la loi ne soit votée.

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Séphora en lutte pour ouvrir en soirée. Le spécialiste de la parfumerie et des cosmétiques, par ailleurs filiale du géant LMVH, est un militant revendiqué du travail en soirée et du dimanche. A ses yeux, le magasin des Champs Elysées devrait être ouvert le plus longtemps possible pour pouvoir séduire la clientèle touristique. Sephora n’a donc pas hésité à enfreindre la loi et ouvrir son commerce situé sur l'artère touristique, ce qui lui a valu d’être condamné par la justice à fermer après 21 heures.

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L’entreprise a anticipé la loi. La loi Macron satisfait clairement les revendications de Sephora, même si elle prévoit des conditions : que les syndicats soient consultés et donnent leur accord. Visiblement pressée, la direction n’a pas attendu que la loi se précise puisqu’elle a déjà conclu de tels accords, selon les informations d'Europe 1. 

Le 14 novembre 2014, la direction du groupe a signé un accord avec deux syndicats, la CFTC et la CFE-CGC, qui représentent à elles deux un peu plus d’un tiers des salariés. Soit exactement le seuil prévu par la loi pour signer un accord, et ce malgré l’opposition des trois autres syndicats présents chez Sephora.

Dans le détail, cet accord prévoit une ouverture du magasin des Champs Elysée jusqu’à 22h30, en échange de compensations financières et du remboursement des frais de taxi pour rentrer chez soi.

Une manière de montrer la voie au législateur ? Cet accord ne sert pour l’instant à rien et Sephora est à ce jour encore forcé par la justice de fermer en soirée. Mais cet accord était aussi un moyen pour la direction de faire du lobbying, estime le délégué CGT Sephora.  "C’est incroyable, c’est un copier-coller de la loi. On dirait que l’accord a été donné aux députés et qu’ils ont fait un copier-coller", dénonce Jenny Urbina, de la CGT Sephora. Et cette dernière d’ajouter : "bien sûr que la direction ne peut pas appliquer l’accord mais cela leur a permis de faire du lobbying auprès des députés. C’est quand même assez scandaleux de négocier sur des choses illégales".

L’Assemblée nationale a néanmoins un peu modifié l’accord conclu chez Sephora : chez le vendeur de parfums, le salaire par exemple n’est pas doublé alors que c’est prévu par la future loi. La direction devra donc remettre l’ouvrage sur le métier, une fois que la loi sera passée, et signer un nouvel accord qui devrait pouvoir s’appliquer cette fois.

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