Travail détaché : première condamnation d’un client en France

Parmi les condamnés, l'entreprise Promogim, l'une des entreprises leaders dans le secteur de la promotion immobilière.
Parmi les condamnés, l'entreprise Promogim, l'une des entreprises leaders dans le secteur de la promotion immobilière. © REUTERS
  • Copié
Olivier Samain et Damien Brunon , modifié à
INFO E1 - Une société a été condamnée à 210.000 euros d’amende pour avoir choisi un sous-traitant qui pratiquait des prix étrangement bas.

L’INFO. La décision devrait faire date. En pleine polémique sur la directive européenne “détachement”, pour la première fois, un maître d’ouvrage a été condamné en France à cause des dérives liées aux travailleurs européens qui arrivent sur le marché français, selon les informations d'Europe 1. Jusque-là, seuls des sous-traitants avaient été rattrapés par la justice pour les conditions de travail qu’ils appliquaient aux “détachés”. Cette fois-ci, la justice a considéré que l’entreprise cliente ne pouvait pas ignorer que son sous-traitant ne respectait pas les règles en vigueur au vu des prix que ce dernier pratiquait.

L’histoire. Décembre 2007, une Société Civile Immobilière, la SCI Rhône, traite un important marché de construction près d’Annecy. Cette entreprise, créée de toute pièce par l’un des leaders français du marché de la promotion immobilière, Promogim, veut construire un complexe de 43 logements à Pringy.

La SCI Rhône confie la maçonnerie de son projet à la Société Pala, entreprise qui propose des prix défiants toute concurrence. Il faut dire que cette dernière sous-traite la quasi-totalité de son marché à une entreprise polonaise qui rapatrie ses travailleurs en France dans le cadre de la procédure des travailleurs détachés.

Des conditions de travail déplorables. Finalement, la Fédération des acteurs du BTP de Haute-Savoie s’intéresse au chantier et s’aperçoit que les conditions de travail ne sont pas du tout respectées. “Lorsque vous voyez des travailleurs qui dorment et qui se nourrissent sur les chantiers, on ne peut pas ignorer qu’il y a un grand risque de travail dissimulé”, confie Renaud Collard de Soucy, le président de BTP74, partie civile dans cette affaire.

Avec le concours de la Direction du Travail, de la gendarmerie et de l’URSSAF, un contrôle est réalisé sur le chantier en juillet 2008 aboutissant à plusieurs infractions, dont du travail dissimulé et le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité.

Toute la chaîne condamnée. Au bout d’une longue procédure judiciaire, c’est toute la chaîne du projet qui a été définitivement condamnée le 7 novembre 2013, l’entreprise de construction comme la SCI cliente. Et c’est parce que le rôle de cette dernière a été mis en exergue que ce jugement fera date.

“Avant, certains maître d’ouvrage fermaient les yeux, bien content d’avoir des prix très bas et très compétitif. Désormais, ils savent qu’ils ne peuvent plus fermer les yeux ou feindre de ne pas soupçonner qu’il y a du travail dissimulé”, explique Renaud Collard de Soucy.

Si cette affaire ne devrait rien changer sur le fond au fonctionnement du travail déplacé, il aura au moins pour rôle de limiter les dérives qui lui sont liées. Au final, Promogim, la société leader de la promotion immobilière visée par la procédure, a été condamnée à 210.000 euros d’amende.

sur le même sujet

PROFIL - Ces travailleurs français détachés à l'étranger

ZOOM - L'UE veut encadrer la mobilité de ses travailleurs

ACTU - Travail "détaché" : la fin des dérives ?

LE CHIFFRE - L'inquiétant essor des emplois "low cost"