Tiers payant : ses vertus, ses effets secondaires

La ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé lundi la généralisation du tiers payant chez le médecin d'ici à 2017, l'une des mesures emblématiques de la stratégie nationale de santé du gouvernement pour un meilleur accès aux soins.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé lundi la généralisation du tiers payant chez le médecin d'ici à 2017, l'une des mesures emblématiques de la stratégie nationale de santé du gouvernement pour un meilleur accès aux soins. © MaxPPP
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ZOOM - D'ici 2017, les patients n'auront plus à payer les consultations avant de se faire rembourser.

La mesure. Marisol Touraine veut administrer un traitement de choc au système de santé français. La ministre de la Santé a présenté lundi ses pistes pour simplifier les parcours de soin. Mesure phare du projet : la généralisation, d'ici 2017, du tiers payant. À cette date, les patients n'auront donc plus à avancer l'argent des consultations de leur poche avant de se faire rembourser par la sécurité sociale et les complémentaires santé. Ils n'auront qu'à donner leur carte vitale, et l'assurance maladie et la mutuelle payeront directement leur médecin.

>> La mesure ne séduit pas tout le monde, et crée des divisions parmi les médecins. On  résume les arguments avantages et inconvénients du tiers payant.

LES "POUR"

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Faciliter le soin des plus démunis. Alors qu'un tiers des Français renonce à se faire soigner faute de moyen, le gouvernement veut, avec cette mesure, faciliter l'accès aux consultations à tous ceux qui se serrent la ceinture et ne peuvent pas forcément avancer les consultations. "De nombreux patients nous demandent de ne pas encaisser leur chèque avant la fin du mois", relatait Claude Leicher, président de MG France, premier syndicat de généralistes, dans une interview au JDD, en mars dernier, parlant d'un "véritable marqueur de gauche" au sujet du tiers payant.  Aujourd'hui, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) bénéficient déjà du dispositif. Et "dès la fin de l’année prochaine, il sera élargi aux ménages aux revenus modestes", détaille la ministre de la Santé dans une interview accordée lundi à Libération.

Désengorger les hôpitaux. Le dispositif étant déjà à l'œuvre dans les hôpitaux, de nombreux patients s'y ruent pour aller consulter, perturbant ainsi les services d'urgence. "Le tiers payant permettrait de désengorger les urgences, qui paraissent gratuites parce qu'il n'y a pas d'avance de frais, alors que les généralistes semblent au contraire coûteux", défend ainsi lundi Claude Leicher, dans Le Figaro. "Cela poussera le rééquilibrage de l'offre de soin vers la médecine de proximité", poursuit-il également dans Les Echos.

Limiter les braquages. "Les généralistes sont devenus des cibles pour la petite délinquance. On braque la recette des consultations comme autrefois on braquait une banque !", prévenait, en mars, Claude Leicher dans le JDD. Selon lui, la généralisation du tiers payant permettra donc aux médecins d'avoir moins d'argent liquide dans leur caisse, et donc de limiter les braquages. "Il faut supprimer l'argent chez les généralistes. C'est une politique de sécurité", défend-il.

LES "CONTRE"

L'augmentation des frais de gestion. Si elle séduit certains médecins, la mesure est toutefois loin de faire l'unanimité. "Cette nouvelle mesure va nous noyer sous la paperasse, une fois de plus", dénonce ainsi Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, au micro d’Europe1. En outre, d'après Michel Chassang, du CSMF, principal syndicat des praticiens libéraux, cité par Le Figaro, "cette mesure pourrait coûter 3,50 euros par acte au praticien". Les médecins, en effet, devront eux même contacter les mutuelles pour se faire rembourser. Des frais qui ne seront pas sans coût. "Il faut que le médecin soit payé sans avoir à faire des démarches trop compliquées", a, pour sa part, déclaré Marisol Touraine lundi, sans plus de précision. Reste aussi à trancher "la question, qui n'est pas simple de savoir, comment nous traitons le sujet de la franchise de un euro de consultation qui n'est pas remboursé", a reconnu la ministre.

Un risque pour la Sécu. Alors que le déficit de l'Assurance maladie frôle les 7,5 milliards d'euros, le tiers payant risque de ne pas arranger la donne. Le risque, en effet, est que de nombreux Français qui ne se faisaient pas soigner jusque là profitent du dispositif pour aller voir leur généraliste… et ainsi creuser un peu plus le "trou". "Si vous supprimez les caisses dans un supermarché, la consommation explose", prévient Michel Chassang.

La crainte d'une étatisation de la profession. Ce qui rebute aussi les médecins libéraux, c'est d'être directement en relation avec la Sécurité sociale, et donc l'Etat. Si, dans les faits, cela ne changera rien, les syndicats redoutent qu'il ne s'agisse d'un premier pas avant un contrôle plus poussé de l'administration publique sur les tarifs, les salaires ou encore les horaires des praticiens. "La généralisation du tiers payant rendra les médecins directement dépendants des organismes payeurs. La main mise sur le soin de la part de ces organismes et de l’Etat sera alors totale. Et le risque d’une adaptation des rémunérations des médecins en fonction de l’état des finances et des politiques du moment n’en sera que plus grand, de même que la définition des pratiques sur des arguments comptables et les chantages à l’installation", dénonce ainsi l'Union française pour une médecine libre, sur son site internet.