Salaire minimum : la gauche arrache un "oui" à Merkel

Angela Merkel a annoncé jeudi que son pays allait se doter d'un salaire minimum généralisé, une concession qu'elle doit faire aux sociaux-démocrates avec lesquels elle va gouverner.
Angela Merkel a annoncé jeudi que son pays allait se doter d'un salaire minimum généralisé, une concession qu'elle doit faire aux sociaux-démocrates avec lesquels elle va gouverner. © Reuters
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avec Hélène Kohl, correspondante en Allemagne et AFP , modifié à
La Chancelière doit faire des concessions pour gouverner avec les sociaux-démocrates.

L'annonce. Angela Merkel est prête à faire des concessions à sa gauche... mais elle n'y met pas vraiment d'enthousiasme. La chancelière allemande a annoncé jeudi que son pays allait se doter d'un salaire minimum généralisé, sorte de SMIC à l'Allemande. Un geste qu'elle est contrainte de faire envers les sociaux-démocrates, avec lesquels elle va devoir gouverner. Ni la date d'introduction, ni le niveau de ce salaire minimum, ne sont encore connus. Mais l'accord de principe des conservateurs constitue déjà une révolution en Allemagne, qui s'en remet traditionnellement aux partenaires sociaux.

Angela Merkel

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Les négociation allaient capoter. "Nous allons décider des choses que, au vu de mon programme, je ne considère pas comme justes, parmi elles un salaire minimum généralisé", a lâché la chancelière jeudi. L'annonce intervient après plus de quatre semaines de tractations entre son parti conservateur (CDU) et les sociaux-démocrates (SPD), pour rédiger un programme commun de gouvernement. Et sans salaire minimum, ces négociations allait capoter, a prévenu la chancelière : "une appréciation réaliste (de la situation) montre que les sociaux-démocrates ne vont pas conclure les négociations sans". Le SPD milite, lui, pour un salaire horaire minimum de 8,50 euros pour tous.

La droite pas vraiment prête. D'ailleurs, la pilule a du mal à passer pour beaucoup à droite. "Le salaire minimum fixe a ruiné l'Allemagne de l'Est", tempêtait le chef du gouvernement de Saxe-Anhalt (un État régional de l'est), le conservateur Reiner Haseloff, évoquant les salaires fixés par l’État dans l'ex-RDA communiste. "Nous ne devons pas refaire la même erreur". Le président récemment élu de l'association patronale BDA, Ingo Kramer, se demande "pourquoi la politique pense en savoir plus que les partenaires sociaux ?". Tout en jugeant "inacceptables" les salaires de misère qui ont cours par endroits, il assure qu'"il y a de bonnes raisons" pour que les salaires d'embauche soient faibles dans certains cas.

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© REUTERS

Mais comme souvent, il faudra être patient en Allemagne avant de voir les effets concrets de cette loi puisque la droite compte faire entrer la mesure le plus tard possible. On parle de 2016, voire de 2017 pour certains secteurs qui ont déjà obtenu des dérogations pour préserver leur compétitivité. C'est le cas de l'agriculture du land de Rhénanie.

5,6 millions de salariés concernés. La nouvelle a été en revanche saluée avec enthousiasme à Paris. "C'est un signal (...) d'une approche peut-être plus coopérative des politiques économiques en Europe", a déclaré le ministre français de l'Economie Pierre Moscovici. Outre la France, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le FMI (Fonds monétaire international) ou les États-Unis avaient appelé ces derniers mois l'Allemagne à soutenir sa demande intérieure pour aider à la reprise dans la zone euro. Un objectif qui passe notamment par une hausse des salaires allemands. Selon l'institut économique DIW, 5,6 millions de personnes, soit 17% des salariés, gagnent actuellement moins de 8,50 euros, surtout les salariés peu qualifiés et à temps partiel.

Une usine d'assemblage de BMW, à Berlin.

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Nuisible pour l'Emploi ? Le CDU avait déjà mis de l'eau dans son vin ces dernières années pour permettre l'introduction de seuils de salaire dans certains métiers mal rémunérés. Les coiffeurs, dont certains gagnaient trois euros de l'heure, ont ainsi maintenant un salaire minimum (de 8,50 euros), tout comme les intérimaires ou encore les couvreurs. Et cette 'introduction d'un salaire minimum à petite échelle n'a pas conduit à une hémorragie d'emplois dans les secteurs concernés.

Dans leur dernier rapport, les "Sages", économistes influents qui conseillent le gouvernement allemand, y voient toutefois une "mesure nuisible à la croissance et à l'emploi". Le DIW pour sa part prévient que l'introduction d'un salaire minimum n'aura sans doute pas les effets attendus sur les inégalités et le pouvoir d'achat des ménages, en particulier parce que quiconque gagne plus paie aussi plus d'impôts.

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