Renault fait face à la bronca du gouvernement

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Le constructeur envisage de produire la dernière Clio en Turquie, ce qui ne plaît pas à l'Elysée.

Renault va-t-il délocaliser la production de sa Clio vers la Turquie ? L’annonce a été faite vendredi par le journal économique La Tribune, mais depuis le constructeur français a démenti avoir pris une telle décision. La rumeur provoque de vives réactions au sein du gouvernement.

Ce projet d’une éventuelle délocalisation a déclenché une polémique. Nicolas Sarkozy suit le dossier "de très près", a précisé l'Elysée. En présentant ses voeux aux parlementaires à l'Elysée mercredi après-midi, le président de la République a ensuite indiqué que l'Etat n'avait pas soutenu le secteur automobile "pour que la totalité des usines s'en aillent à l'extérieur".

"Tout est une question d'équilibre. Il serait absurde d'empêcher un constructeur mondial d'aller créer des usines, ça va de soi. Mais à l'inverse, je veux contester fortement l'idée que les grands groupes, parce qu'ils sont mondiaux, n'ont plus de nationalité", a poursuivi Nicolas Sarkozy. Il rencontrera samedi à l'Elysée le patron de Renault, Carlos Ghosn. L'Etat, principal actionnaire de Renault, en profiterait aussi pour exiger les six postes au conseil d'administration auquel il a droit.

"Il semblerait que notre message ait été entendu", a déclaré mercredi Christian Estrosi à l'issue de sa rencontre avec le directeur général de Renault, Patrick Pelata. Le patron de Renault, "Carlos Ghosn, l'entendra avec plus de fermeté dans les jours qui viendront avec le président de la République", a-t-il ajouté. Objectif : faire pression sur l'entreprise pour qu'elle ne délocalise pas en totalité la fabrication de la prochaine Clio de l'usine de Flins à celle de Bursa, en Turquie.

Plusieurs scénarios sont envisagés pour le remplacement du véhicule, qui sera renouvelé en 2013, a indiqué Renault. Le groupe a précisé qu'aucune décision n'était prise à ce stade. "La compétitivité d'un véhicule est un élément essentiel pour garantir son succès commercial" et elle "est donc un élément déterminant dans les décisions d'affectation industrielle", a ajouté le constructeur.

Une décision "inacceptable" aux yeux d'Eric Woerth. Le ministre du Budget a déclaré mercredi sur LCI qu'il fallait réfléchir "à un modèle économique qui permette aux usines de rester en France". "Ce qui est est tout à fait anormal, c'est qu'un constructeur français va s'exporter pour aller réimporter en France des voitures, ça ce n'est pas acceptable", a-t-il ensuite ajouté, estimant que la suppression de la taxe professionnelle était un argument de plus pour rester en France.

"Il y aura toujours des Clio produites à Flins, quel que soit le scénario", a répondu mercredi Patrick Pelata, directeur général de Renault. Mais il n'a pas précisé s'il s'agit de la Clio 3 ou de la Clio 4. La direction de Renault a par ailleurs indiqué qu'elle voulait arrêter la production de la Clio en Espagne et en Slovénie.

Renault a rappelé que son PDG Carlos Ghosn s'était engagé en septembre 2008 à conserver la totalité des usines d'assemblage de véhicules en France, et avait annoncé à cette occasion l'introduction de la fabrication d'un utilitaire à Sandouville et d'un véhicule électrique à Flins. "Le futur de Flins est largement assuré", avait ajouté Carlos Ghosn en novembre dernier. "Flins va devenir le centre de gravité de notre filière véhicule électrique qui prendra progressivement le relais de l'activité de construction de véhicules traditionnels dans l'usine".

Pour autant, la perspective de cette délocalisation est loin de réjouir les salariés de l’usine française rencontrés par Olivier Samain :

 

La CFE-CGC métallurgie a jugé mardi "légitime" que le gouvernement demande des explications à Renault sur le possible "marché de dupes" de l'éventuelle délocalisation totale de la production de la future Clio. "Après la Twingo délocalisée en Slovénie, la future Clio IV, emblème de la marque et véhicule Renault le plus vendu sur le territoire français même en cette période de crise, sera sans aucun doute fabriquée en Turquie", écrit la CFE-CGC.

L'idée de voir la nouvelle Clio produite en Turquie ne surprend pas les analystes qui y voient l'aboutissement d'une logique industrielle engagée depuis plusieurs années par Renault et plusieurs concurrents, notamment sur les petits modèles.

Si la France reste de loin la principale localisation du groupe, il y a 13 ans la Clio I avait déjà été assemblée sur six sites industriels en Europe tandis qu'en 2009, Flins a produit 125.400 Clio III contre 179.500 pour la Turquie.