Rachat d'Alstom : l’Etat brandit un droit de veto

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AVERTISSEMENT - Le gouvernement a publié un décret lui permettant de bloquer le rachat étranger de sociétés jugées stratégiques. Dont Alstom.

L’annonce. Alors que la société française Alstom est l’objet de toutes les convoitises, notamment de la part de l’Américain General Electric et de l’Allemand Siemens, le gouvernement a décidé de se rendre incontournable. Invoquant le patriotisme économique, l’exécutif a décidé de publier jeudi un décret lui permettant de bloquer tout rachat par une société étrangère d’une entreprise spécialisé dans le domaine de l’énergie et des transports.

Les candidats au rachat d’Alstom devront donc désormais aussi négocier avec Bercy, ce qui ne semble pas gêner General Electric. "Nous reconnaissons l'importance du secteur de l'énergie pour la France, et nous poursuivrons nos discussions constructives avec le gouvernement", a réagi le conglomérat américain.

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Extension du domaine de la souveraineté. Si la sphère économique a largement gagné son autonomie vis-à-vis du pouvoir politique, il existe certains domaines dans lesquels l’Etat a encore son mot à dire. C’est notamment le cas, sans surprise, pour les entreprises de la défense nationale (armement, aéronautique, etc.), mais aussi depuis 2005 pour celles spécialisées dans les technologies de l'information ou des jeux d'argent.

Concrètement, lorsqu’une entreprise étrangère veut racheter une société française d’envergure spécialisée dans ces domaines, elle doit obtenir l’aval du gouvernement. Ce qui permet à l’Etat d’obliger l’acheteur à prendre certains engagements, notamment sur le maintien de l’emploi. Avec le décret publié jeudi,  ce dispositif de protection est étendu aux domaines de l'énergie et des transports, mais aussi de l'eau, de la santé et des télécoms. 

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"Un choix de patriotisme économique". "Le choix que nous avons fait, avec le Premier ministre, est un choix de patriotisme économique", se justifie le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, dans un entretien à paraître jeudi dans Le Monde. "Ces mesures de protection des intérêts stratégiques de la France sont une reconquête de notre puissance", ajoute-t-il. Avant de conclure : "nous pouvons désormais bloquer des cessions, exiger des contreparties".

Invité sur Europe 1 jeudi matin, Michel Sapin a tenu le même discours :

Michel Sapin: " L'Etat doit protéger les...

Objectif : garder la main dans le dossier Alstom. Ce décret tombe à pic alors que General Electric et Siemens se sont portés candidats pour racheter une partie du Français Alstom. A Bercy, on confirme qu"on est (...) armés pour continuer les discussions et les négociations vis-à-vis des deux (...) sociétés qui ont exprimé leur intérêt par rapport aux activités d'Alstom", à savoir les transports (TGV, trains, etc.) et l’énergie (centrales électriques, turbines, éoliennes, etc.).

Même s'il n'a "pas forcément" vocation à être utilisé, "il va nous permettre d'avoir un dialogue et une négociation plus sereine avec les compétiteurs, que ce soit GE ou Siemens puisqu'il s'applique à tous les investisseurs étrangers quelle que soit leur nationalité". En clair : l’Etat pourra obtenir des promesses en terme de maintien de l’emploi ou encore de localisation de certaines activités.

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Interférence contre-productive ou simple évidence ? Ce texte "nous protège contre des formes indésirables de dépeçage et des risques de disparition", a argumenté Arnaud Montebourg. Mais il accorde à l’Etat un droit de veto sur, de facto, presque tout le CAC 40. Et relance le débat sur les relations entre les entreprises et l’Etat. Ce dernier, garant de l’intérêt commun, doit-il avoir le dernier mot ? Est-il légitime et compétent pour gérer les affaires économiques ? Aux Etats-Unis, patrie du libéralisme politique et économique, le CFIUS américain (Committee on Foreign Investment in the United States), l’équivalent du décret français, permet à l’Etat d’intervenir dans les affaires économiques dès qu’il considère qu’il en va de la "sécurité nationale".

 

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