Professions réglementées : pourquoi les avocats s'opposent

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Noémi Marois , modifié à
RÉFORME - Les avocats sont globalement opposés au projet de réforme des professions réglementées.

Ouverture du capital des cabinets ? Non. Création de "l'avocat d'entreprise" ? Non. Liberté dans le choix de son lieu d'exercice ?  Non aussi. Les avocats de France ouvrent mardi leur sixième Convention nationale et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont des choses à dire. Si le Barreau de Paris est plutôt favorable à ces réformes, le Conseil national des Barreaux, qui regroupe les 60.000 avocats exerçant en France, n'est pas en faveur de la déréglementation que concocte le ministère de l'Economie à son encontre et veut le faire savoir. Un de ses arguments ? "Nous sommes la moins réglementée des professions juridiques réglementées".

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Ouvrir le capital des cabinets ? Le ministère de l'Economie souhaiterait ouvrir le capital des cabinets de professions juridiques. Les avocats y sont opposés.  Le Conseil National des Barreaux (CNB) craint que les cabinets français se fassent racheter par des cabinets étrangers plus puissants, voire par des entreprises dont le cœur de métier n'est pas la justice, avec un perte d'indépendance à la clef.

Mais le CNB est ouvert à la discussion : "on voudrait en savoir un peu plus sur les conditions de cette ouverture", avance à Europe 1 Jean-Louis Cocusse, membre du bureau du CNB.  "On ne s'opposerait pas par exemple  à ce que les membres de nos familles prennent des parts dans nos cabinets, c'est toujours mieux que de dépendre de la banque", ajoute-t-il.

Seuls les avocats des cabinets d'affaires ne s'opposent pas à l'arrivée d'argent frais dans leurs caisses. Travaillant en partie à l'international, "ils peinent à concurrencer les cabinets anglo-saxons qui, eux, ont plus de moyens", explique Jean-Louis Cocusse du CNB.

Aujourd'hui, seuls les avocats en activité, les avocats à la retraite ainsi que d'autres professions juridiques peuvent entrer dans le capital d'un cabinet d'avocats.

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Laisser le choix du lieu d'exercice ? Le gouvernement souhaite déréglementer la répartition actuelle des avocats. Aujourd'hui, ils sont tous "rattachés" à l'un des 164 Barreaux existants et ils ont l'obligation d'y exercer. En France, chaque Barreau correspond à un tribunal de grande instance. 

Avec le projet de réforme, les avocats pourraient travailler où bon leur semblera, plaider à Paris le lundi et à Toulouse le lendemain. 

Mais cette mesure aurait un effet pervers selon Jean-Louis Cocusse du CNB : "les avocats vont se presser dans les grandes villes", où ils penseront trouver plus de travail. La conséquence ? L'apparition de "déserts juridiques" selon la lettre ouverte du CNB et une mauvaise nouvelle bien sûr pour les particuliers qui peineront à trouver un avocat dans les "petits Barreaux" des départements ruraux.

Devenir avocat salarié d'entreprise ? Le projet de réforme du ministère de l'Economie prévoit de créer un nouveau statut : l'avocat salarié d'entreprise. Cette idée est contraire à l'"indépendance" et à la "déontologie" des avocats, selon le CNB.  

C'est "un vieux serpent de mer", abonde Jean-Louis Cocusse. "Ça fait 50 ans que les avocats français en parlent alors que les autres pays  ont dans leur grande majorité adopté ce statut". Lui est personnellement pour la création de l'avocat d'entreprise. Il explique ses raisons : "Les avocats de province y sont opposés car ils ont peur de perdre des clients mais l'avocat d'entreprise ne plaide pas, il conseille juste son entreprise. Et puis, pour la déontologie, être salarié n'est pas incompatible avec l'indépendance intellectuelle".

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