Pourquoi le gouvernement assigne Leclerc en justice

Les ministres de l'Economie, Pierre Moscovici, et de la Consommation, Benoît Hamon, ont décidé d'assigner Leclerc devant le tribunal de commerce de Paris
Les ministres de l'Economie, Pierre Moscovici, et de la Consommation, Benoît Hamon, ont décidé d'assigner Leclerc devant le tribunal de commerce de Paris © Reuters
  • Copié
avec Anne-Laure Jumet , modifié à
DÉCRYPTAGE - Le gouvernement accuse Leclerc de "soumettre" illégalement ses fournisseurs. Le groupe s'indigne.

L'INFO. Imaginez que vous soyez obligé(e) de défendre en justice votre cambrioleur ? C'est, en résumant très vulgairement, ce qui est reproché par le gouvernement au groupe E. Leclerc. Les ministres de l'Economie, Pierre Moscovici, et de la Consommation, Benoît Hamon, ont donc décidé d'assigner le géant de la distribution devant le tribunal de commerce de Paris, pour "déséquilibre envers les fournisseurs".

Motifs : Leclerc est accusé de signer des contrats avec ses fournisseurs, les obligeant à le soutenir s'il est attaqué en justice. Et ce même s'il s'agit d'une affaire où ils sont eux-mêmes lésés, après des retards de paiement ou des pressions illégales par exemple. L'Etat réclame ainsi, selon les informations d'Europe1, une amende de 2 millions d'euros et une modification des contrats incriminés.

17.09.Leclerc.630.420

© REUTERS

Les fournisseurs privés de choix. Imaginez, par exemple, que Leclerc ne paie pas l'une des PME qui le fournit en légumes dans le délai légal de 60 jours après émission de la facture. Imaginez que cette situation se répète dans le temps, et qu'un tiers  (le gouvernement par exemple) décide d'attaquer Leclerc en justice. Et bien, selon le gouvernement, le fournisseur de légumes sera tout de même contraint de défendre Leclerc au procès. "L'enseigne a, en effet, inséré dans son contrat type une clause qui oblige chacun de ses fournisseurs […] à intervenir en justice pour défendre le contrat", avance le communiqué, et ce même "en cas de contentieux introduit par un tiers au contrat, y compris le Ministre chargé de l'économie dans le cadre de sa mission de gardien de l'ordre public économique."

Et les ministres assènent, parlant même de "soumission" : "cette clause prive le fournisseur de la possibilité de ne pas intervenir au procès et le place dans la situation de devoir choisir entre défendre ses propres intérêts, au risque de mettre en péril sa relation avec le distributeur, ou se ranger aux côtés de ce dernier, […] en allant à l'encontre de ses propres intérêts." Une absence de choix pourtant rendue illégale en 2008, avec la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008."

Leclerc dénonce une "stratégie médiatique".  "Les centres E.Leclerc s'étonnent que l'Etat intervienne ainsi en pleine négociation commerciale et dans un contexte économique et social particulièrement agité", a, pour sa part, réagi le groupe dans un communiqué. Le distributeur dénonce ainsi "une stratégie médiatique qui n'a d'autres objectifs que de donner des gages de bonnes intentions aux lobbies des industriels" et intervient "pour attiser des conflits".

Leclerc a-t-il des chances d'être condamné ? Selon Leclerc, cette action vise à "discréditer les contrats commerciaux de l'enseigne qui avaient pourtant été récemment validés par le tribunal de commerce de Paris".  En effet, en septembre dernier, le dit tribunal avait retoqué une vieille assignation pour "déséquilibre envers les fournisseurs", émise par le précédent ministre de la Consommation, l'UMP Frédéric Lefebvre. Mais, comme l'explique le site spécialisé LSA-conso.fr, l'accusation ne portait pas précisément  sur la clause aujourd'hui en cause. En affinant son attaque, le gouvernement a cette fois bon espoir de faire condamner Leclerc avant le 1er mars 2014, date de renégociation des contrats entre Leclerc et ses fournisseurs.