Les défis à venir des technologies propres

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Jérémy Maccaud , modifié à
INTERVIEW – Bernard Jullien, spécialiste de l’industrie automobile, présente tous les enjeux liés à l’arrivée des voitures hybrides et électriques.

Comment généraliser les voitures propres ? Quels sont les enjeux et les obstacles liés aux technologies alternatives ? Directeur du Groupement de recherche permanent sur l'industrie et les salariés de l'automobile (Gerpisa), Bernard Jullien analyse la situation pour Europe1.fr.

En France, on incite à l’achat de voitures dites propres, mais il s’agit encore d’un marché de niche. Que leur faut-il pour être plus attractives ?

28.03 Usine YAris France Toyota voiture 930 x 620

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Pour les hybrides, il faut descendre leurs prix et la technologie doit être plus convaincante. Comparé à un modèle normal, une version hybride présente un coût plus élevé pour une prestation similaire. L’économie à l’usage n’est pas très forte vis-à-vis des diesels. Acheter une voiture thermoélectrique s’apparente à un acte militant, pour des consommateurs obsédés par leurs rejets de CO2. Ça change, avec l’arrivée de produits moins chers, tel que la Toyota Yaris Hybrid.

Et pour les électriques ?

L’offre est plus limitée. Les infrastructures manquent. C’est un problème soluble chez les ménages qui possèdent un garage, mais cela demande encore des frais en plus. Ce sont aussi des véhicules moins polyvalents dotés d’une autonomie réduite. C’est bien comme une deuxième voiture mais pas comme une auto principale. Il faudrait que les constructeurs proposent aux utilisateurs d’électriques la possibilité d’emprunter un autre véhicule pour les trajets plus longs, comme pour partir en vacances. Ni PSA ni Renault n’ont trouvé de combinaison de ce type, au contraire de BMW.

Comment peuvent évoluer ces marchés ?

Ces technologies s’amélioreront et seront moins chères quand les retours pour les constructeurs seront satisfaisants. L’espoir qu’on a mis il y a 5 ans sur les voitures 100% électriques rend aujourd’hui certains sceptiques. Je crois que les raisons structurelles pour aller vers l’électrique sont très puissantes. L’Europe imposera en 2020 que la moyenne des voitures neuves vendue par les constructeurs émet au maximum 95 g de CO2 par km. Cela va en obliger plus d’un à proposer des véhicules hybrides ou tout-électriques.

Est-ce que ce sera suffisant pour booster les ventes de voitures vertes ?

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Le décollage qui n’a pas a été réussi par Renault peut venir grâce à cette obligation. La voie électrique se crédibilise. Au dernier salon de l’automobile à Genève et dans ceux qui se dessinent l’offre électrique est présente sur tous les stands.

Le développement de ces véhicules est plus lent qu’on ne l’espérait. Mais c’est parti. Ce n’est pas un hasard si apparaissent sur le marché des compromis comme les Véhicules hybrides-rechargeables (VHR), qui semblent être les voitures vertes les plus intéressantes pour l’heure. Même s’il est impensable d’en acheter une à moins de 35.000 euros…

GPL, agrocarburants, pile à combustible, moteur à hydrogène… Toutes ces pistes ont un jour été évoquées pour concevoir une voiture plus propre et plus économe. Pourquoi on en n’entend plus parler en France ?

Partout, ce sont les intérêts économiques conjoints des pays et de leurs constructeurs nationaux qui entrent en jeu. On adopte après-coup des lois pour verdir le tout. Chez-nous, on a abandonné le GPL car on misait déjà beaucoup sur l’électrique, il ne fallait pas envoyer un autre signal au risque de décrédibiliser l’une des pistes explorées. Pour la pile à combustible, l’Allemagne a mis beaucoup de billes dessus car ça semble plus adapté aux grosses berlines de son marché automobile. D’où la réticence de la part de ce pays pour accepter les nouvelles normes européenne.

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© Renault Media

Que peut-on attendre des voitures « autonomes et connectées », capables de rouler toutes-seules, comme la Renault Next-Two ?

Nous sommes encore au stade du bricolage. Difficile de dire si tout cela va prendre forme, même si des engagements ont été pris par des constructeurs et de nouveaux acteurs comme Google. Les enjeux sont encore plus vastes. Ces technologies pourraient offrir des solutions pour réguler la croissance du parc automobile. Il s’agit de replacer l’automobile dans nos vies. C’est primordial pour des marchés émergents comme en Chine et en Inde. S’ils développent l’automobile comme on l’a fait nous, ça va exploser. Il faut gérer la voiture comme on gère les transports, et ne pas en faire une priorité comme aux États-Unis.

En quoi ces autos peuvent être bonnes pour l’environnement ?

Nos voitures consomment énormément dans les bouchons, à l’arrêt. La mise en place de véhicules autonomes pourrait permettre de mieux réguler et fluidifier la circulation. Autre exemple : aujourd’hui dans les parkings des panneaux indiquent si des places sont disponibles ou non. Cela permet de passer moins de temps avec le moteur en route pour se garer. On peut imaginer à l’avenir des voitures qui vous déposent à destination, et qui vont ensuite stationner sur la place disponible la plus proche.

Bernard Jullien est auteur, avec Yannick Lung, de L’Industrie automobile, la croisée des chemins (La Documentation française).

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