Le "produit financier" haï par Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon s'est insurgé contre le "contrat à terme" qui sera lancé lundi 16 avril
Jean-Luc Mélenchon s'est insurgé contre le "contrat à terme" qui sera lancé lundi 16 avril © MAXPPP
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Mounia Van de Casteele , modifié à
DECRYPTAGE - Quels sont les enjeux de ce "contrat à terme" que l'Allemagne lancera lundi ?

Après son billet de blog et un passage sur France 2, Jean-Luc Mélenchon a joué la carte du happening contre ce qu'il décrit comme une "nouvelle arme de la finance envers la France". Il fait référence à un contrat à terme venu de notre voisin Outre-Rhin, qui permettra, dès le 16 avril, de gagner de l'argent en spéculant sur la dette française. Europe1.fr fait le point sur la situation.

Que dit Mélenchon ?

A l'instar d'Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon est vent debout contre ce nouveau produit. Le 11 avril il dénonçait sur son blog un contrat qui allait "offrir des moyens considérables aux spéculateurs pour attaquer notre pays". "Je préviens que si je suis élu, ces contrats seront interdits", écrivait-il. Après en avoir remis une couche jeudi soir sur France 2, il s’est ensuite emporté devant le siège de l'AMF, vendredi, lors d'un happening d'une dizaine de minutes, soutenu par une poignée de militants.  "La finance s'apprête à sauter à la gorge de notre pays, dès que l'élection aura lieu, et peut-être même avant !", a-t-il accusé.

"Un nouvel instrument de dictature financière" :

Et même Jean-Pierre Jouyet, le président de l'AMF, d'ordinaire réservé, s'est désolé du signal envoyé. A dix jours du premier tour de la présidentielle, il a également jugé le "timing" très inopportun. "Le moment est inopportun, compte tenu de l'élection présidentielle en France, et des tensions sur les taux espagnols constatés en début de semaine. Cela sous-entend qu'il y a un risque sur la dette française, puisque ce contrat donne la possibilité aux investisseurs de se couvrir. C'est un message négatif et quelque soit le résultat des urnes", a-t-il indiqué.

Qu'est-ce que ce produit ?

Ce "produit spéculatif" sera lancé lundi par une filiale de la bourse allemande, Eurex. Concrètement, c'est une sorte de "pari" sur l'évolution des taux d'intérêt français. Plus ceux-ci s'envoleront, plus les spéculateurs seront gagnants. Or, la hausse des taux d'intérêts est corrélée avec l'augmentation de la dette. Ce produit peut donc se traduire par une spéculation sur la détérioration de la situation économique de la France.

Mais, à la base, ce type de produit est plutôt un outil d'assurance, dont le but est de garantir les investisseurs, en l'occurrence les détenteurs d'une partie de la dette nationale, contre les risques encourus. Un tel produit, très populaire, existait d'ailleurs en France dans les années 1990, au sein du Matif (marché à terme des instruments financiers).

Pourquoi lancer ce produit ?

Ce produit existe déjà sur la dette allemande. La question est donc : pourquoi en lancer un, aujourd'hui, sur la dette française ? Pour les spécialistes en valeur du Trésor, la réponse est simple : "ce sera sans doute un produit pour jouer le "spread", l'écart de taux entre la France et l'Allemagne".  Cela va donc mettre en exergue le contraste entre les deux pays. Le signal est clair : après la perte de son triple A, la France risque de décrocher par rapport à l'Allemagne, première économie européenne et moteur de la zone euro, toujours montrée en exemple.

Si le président de l'AMF reconnaît que ce produit "assez banalisé", et qui a toujours existé, "apporte de la liquidité", il admet  toutefois l'impuissance de la France quant à son lancement.

Peut-on interdire ce produit ?

"Eurex est une société allemande privée. Interdire ce produit n'est ni de notre ressort, ni de celui des autorités de régulation européenne. Nous n'avons pas les moyens de nous y opposer, ni de dire quoi que ce soit", explique Jean-Pierre Jouyet.

Si on ne peut pas empêcher les traders de faire ce genre de paris, la bourse et les banques allemandes étant privées, il serait néanmoins envisageable de poser certaines conditions. La solution pourrait donc être de revenir à la logique initiale,  en exigeant que seuls ceux qui possèdent de la dette française puissent acheter ces contrats à terme, dans un souci de protection, et non pas dans un but spéculatif.