La Crédence.

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Notre époque vit un paradoxe épatant qui veut que les ventes de cuisines équipées explosent, que les émissions dédiées à la gastronomie fassent florès sur toutes les chaînes de télévision, alors que l’honorable ménagère de moins de cinquante ans cuisine de moins en moins.  

Notre époque vit un paradoxe épatant qui veut que les ventes de cuisines équipées explosent, que les émissions dédiées à la gastronomie fassent florès sur toutes les chaînes de télévision, alors que l’honorable ménagère de moins de cinquante ans cuisine de moins en moins.

 

 

Ce qui ne l’empêche pas de s’intéresser de près aux mille et une subtilités mobilières de sa cuisine, avec son lot de vocables imagés : buffet, desserte, dressoir, vaisselier, argentier, panetière, j’en passe et des plus spécifiques, autant de termes qui ont fait la richesse lexicale de notre langue. Ce qui conduit à nous intéresser ici à l’un des plus énigmatiques, la crédence.

 

Evidemment, apprendre que le mot crédence est emprunté au latin médiéval credentia, lui-même dérivé du verbe credere (croire), avec un détour par l’italien credenza (confiance) ne devrait pas vous éclairer outre mesure sur la compréhension du vocable. Et pourtant, l’histoire est intéressante…

 

 

La confiance règne !

Tout commence avec la paranoïa, souvent justifiée d’ailleurs, de nos seigneurs et princes qui exigeaient que l’on goûtât les plats qui leur étaient destinés. Il fallait s’assurer de l’absence de tout poison, avoir confiance. D’où l’ancienne locution « faire credance » qui indiquait, dès le XVe siècle, qu’on goûtait les aliments ou les boissons avant de servir. Puis, ayant dédié une pièce d’orfèvrerie à cet usage, on lui donna le nom de crédence avant de qualifier par métonymie, le préposé au sacrifice, le crédencier (ou credentier). Voilà qui explique l’étymologie du mot, mais quid du meuble qui nous préoccupe ici ?

 

 

 

Aller à crédence.

Il semble que notre crédencier utilisant un simple buffet pour poser les plats et liquides destinés à la dégustation, on crut bon de donner le nom de crédence audit buffet ; ça faisait plus chic. La suite n’est que logique puisque le vocable crédence s’appliqua aussi bien à la table sur laquelle on déposait les plats et la vaisselle nécessaire à la découpe, qu’au meuble dans lequel on rangeait ces ustensiles, voire sa partie supérieure, et ouverte, sur laquelle on exposait plus ou moins sa belle vaisselle. Jusqu’à désigner la pièce dans laquelle on conservait les provisions, un terme surtout utilisé au XIXe siècle dans les collèges, séminaires et autres établissements publics. Ainsi, quand on se rendait à l’économat, on allait à crédence.

 

 

Le religieux.

Dans son usage liturgique, on appelait crédences les étagères placées le plus souvent dans une niche murale, près de l’autel d’une église, sur lesquelles on déposait burettes, calice, livre des épîtres, au-dessus du bassin nécessaires à la liturgie. Une appellation qui se généralisera au XVIIe siècle même si on connaissait ce type de rangement dès le milieu du XIIIe siècle.

Pour la petite histoire, sachez que les moines appelaient crédence cette planchette de bois sur lequel ils se reposaient sans que cela fut visible alors que la station déboute était requise.

 

 

Le vaisselier.

Si on trouve trace d’un vaisselier dans l’inventaire mobilier des Ducs de Bourgogne au XIVe siècle, on ignore à quoi il pouvait bien ressembler, le terme désignant à l’époque un récipient quelconque, une sorte de vase,. Il semble donc, du moins dans son acception actuelle, que le vaisselier est une création mobilière récente (fin XIXe début XXe). Un meuble installé dans la cuisine mais le plus souvent dans la salle à manger, avec une partie basse faisant office de buffet et une partie haute garnie d’étagères à rebords. Se différenciant ainsi de la crédence dans l’esprit sinon dans la lettre, par cette exposition d’une vaisselle choisie sur des étagères, alors que la crédence ne se voulait qu’utilitaire, à l’image du dressoir.

 

 

Le dressoir.

Initialement un coffre surélevé par des pieds (faut dire qu’à part des lits et des coffres, le mobilier d’alors…), le dressoir restait le plus souvent ouvert, et on finit par lui adjoindre des sortes d’étagères sur lesquelles on plaçait la vaisselle. Finalement, le modèle coffre plus étagère devint un buffet-dressoir, que l’on peut apercevoir sur certaines miniatures du Moyen-Age, tandis que le dressoir proprement dit, composé de deux montants verticaux avec des tablettes disposées en gradin, permettait de présenter sa belle vaisselle dans la salle à manger (qu’on appelait la salle des festins) ou de placer, en cuisine, les plats et mets à servir en salle.

 

 

 

 

Dansons devant le buffet !

En fait, si on se réfère au sens premier de buffet, on y trouve bien notre crédence, notre vaisselier et notre dressoir puisqu’il s’agit aussi bien d’une espèce d’armoire que d’une table où l’on dispose la vaisselle nécessaire au repas. Mais alors, par quel miracle nos anciennes crédences qui égayaient nos cuisines campagnardes puis nos salles à manger, sont-elles devenues cette partie murale située au-dessus du plan de cuisson et de travail, soit son signification actuelle ? Car en l’absence d’étagères ou à tout le moins de tablettes, on n’imagine guère la vaisselle qui pourrait y loger à part quelques louches et écumoires. Un vrai mystère…

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