La BCE baisse son taux directeur. Euh, ça change quoi ?

A 0,25%, le crédit n’a jamais coûté aussi peu cher. Dorénavant, que peut-il se passer ?
A 0,25%, le crédit n’a jamais coûté aussi peu cher. Dorénavant, que peut-il se passer ? © LAURENT CARO/BENELUXPIX/MAXPPP
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Alexis Toulon , modifié à
EN MUSIQUE - A 0,25%, le crédit n’a jamais coûté aussi peu cher. Dorénavant, que peut-il se passer ? 

L'info qui ne vous avait pas semblé vitale... La Banque centrale européenne a baissé la semaine dernière son taux directeur de 0,5% à 0,25%. Un petit quart de point de rien du tout… qui pourrait en fait changer beaucoup de choses. En effet, lorsque la BCE baisse son taux directeur, c’est comme si elle disait aux banques qui prêtent de l’argent aux entreprises, aux particuliers et aux Etats : "proposez des crédits pas chers à tout va". Une aubaine pour les partisans de la relance, comme la France. Mais attention, si la BCE imprime trop d’euros, c’est l’inflation qui risque de décoller. Et ça, les Allemands ne veulent même pas l’imaginer.

Dans ce brouhaha, à quoi peuvent bien s’attendre les Européens ? L’économie, c’est comme une mélodie. Les mesures s’enchaînent mais une fausse note est toujours possible. Et le thème peut passer du joyeux en tragique en un instant. Europe1.fr vous invite à "écouter" comment les marchés financiers pourraient réagir à la décision de la BCE et jouer cette nouvelle gamme avec quatre scénarios fictifs... mais sérieusement argumentés.

Track #1 "Quand l'appétit va, tout va" (Obélix)

De la croissance, de la croissance, encore de la croissance. Oui, la BCE est dans le tempo avec cette politique de relance monétaire. Les nouveaux taux d’intérêts dopent l’économie européenne. Les banques proposent des crédits à bas coût, du coup les particuliers et les entreprises empruntent allègrement. Et pour cause, tout le monde préfère emprunter de l’argent pas cher, avec un petit taux d’intérêt, plutôt que d’épargner. Qui met de l’argent sur des comptes qui ne rapportent rien ? Sans perdre le rythme, les particuliers consomment donc et les entreprises investissent à tout va, trop heureux d’avoir de l’argent à dépenser. Au début, l’Etat ronge son frein car il ne peut lui-même pas emprunter. Sa dette est en effet déjà trop élevée. Mais ce n’est qu’une question de temps, la croissance remplit ses caisses et les déficits budgétaires ne seront bientôt que de lointains souvenirs. Bref, les tables sont pleines et les Européens festoient.

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Track #2 Happy together (The Turtles)

La crise de la dette, c'est du passé. La baisse du taux d’intérêt fait mécaniquement baisser le prix de l’euro par rapport aux autres monnaies et crée de l’inflation. Et ça tombe bien, la zone euro en manque. La loi européenne dispose en effet que la BCE doit assurer "une progression de l'Indice des Prix Harmonisé (IPCH) inférieure à, mais proche de 2%". Or, on arrive péniblement à 0,7% sur le mois d’octobre. Une des conséquences de cette inflation est que l’euro se déprécie légèrement face au dollar. Pas de chance pour nos importations d’hydrocarbures qui coûtent un peu plus cher. Mais d’un autre côté, c’est l’ensemble de l’activité économique qui est dopée par la baisse du prix de l’euro.

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Dans un roulement de tambour, les exportations s’envolent, réglant le problème du déficit commercial de l’Etat et remplissant les carnets de commandes des entreprises. Et, pour faire face à cette demande mondiale de produits européens, elles investissent massivement et embauchent. La courbe du chômage s’inverse et descend de plusieurs tons. Les citoyens consomment plus et l’Etat voit ses caisses se remplir de TVA. La crise de la dette est finie, une nouvelle période de prospérité s’ouvre aux Européens. C’est l’hymne à la joie.

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Track #3 Creep (Radiohead)

 

Des liquidités, mais pour quoi faire au fond ? La BCE a en fait été trop frileuse avec sa "mini" baisse. Les taux étaient déjà bas, alors une pauvre baisse d’un quart de point… Au mieux, ça ne fait que soulager temporairement l’économie. Au pire, cette politique monétaire est inefficace et la zone euro glisse dans une "trappe à liquidité", comme le Japon dans les années 1990. Pourtant, la musique était connue et les économistes avaient prévenu : quand le taux d’intérêt est bas, l’efficacité de la politique monétaire est limitée. Reste la politique budgétaire. Problème : personne ne veut acheter des titres obligataires (la dette de l’Etat) car quand le taux d’intérêt augmente, leurs prix diminuent. Et comme les taux ne risquent pas de descendre plus bas, acheter de la dette de l’Etat présente un fort risque de perte de capital. Donc ça coûte cher à l’Etat de trouver de l’argent frais sur les marchés et il faudra bien rembourser ces emprunts. Bref il n’y a pas 50 manières de remplir les caisses : il va falloir augmenter les impôts.

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Tout le monde en est bien conscient et cela déprime des citoyens résignés qui oublient les soirées opéras pour des concerts bien plus petits. Et malgré la faible rémunération des comptes, ils préfèrent épargner que dépenser car il va bien falloir payer les nouvelles taxes à un moment. La zone euro qui croyait que la symphonie de la dette touchait à sa fin plonge directement dans un requiem. Dans les années 1990, la dette du Japon est passée de 68% du PIB en 1991 à 160% en 2002.

Track #4 Money for Nothing (Dire Straits)

La révolution n’est jamais loin. La planche à billets tourne sans s’arrêter. Les taux sont tombés si bas que plus personne ne veut épargner ou investir mais seulement consommer. Mais le problème, c’est que la production est insuffisante pour satisfaire la demande. Alors il faut importer. Et l’excès de demande de biens et de monnaie a une conséquence : l’inflation. Les prix finissent par déraper et l’eurozone rentre dans une période d’hyperinflation comme l’a connue la République de Weimar en 1923. Les prix augmentent et la monnaie perd de sa valeur jusqu'à ne plus rien valoir. Elle se déprécie face au dollar et le moindre tee-shirt chinois voit désormais son prix multiplié et le pétrole est une denrée de luxe.

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Pendant un temps, ça a été, les salaires étaient indexés sur les prix et ils ont augmenté. Mais l’euro ne vaut rien et de toute façon les rayons sont vides car les magasins ne peuvent plus rien payer à l’international. Or, l’histoire a montré que lorsque le pain est trop cher et que les ventres sont vides, la révolution n’est jamais loin, et les citoyens s’arment. Pas de chance pour les gouvernements très endettés qui commençaient à se dire qu’ils allaient s’en sortir : leur dette ne coûte pas plus chère que le papier sur lequel elle est écrite : des milliers d’euros d’aujourd’hui valent les centimes d’hier. Mais déjà le vol noir des corbeaux sur les plaines retentit des cris sourds des pays qu’on enchaîne.