L'ombre de la "guerre des monnaies"

Les pays riches et émergents du G20 se sont réunis vendredi à Moscou pour tenter de mettre fin à la "stagnation" de l'économie mondiale, plombée par la zone euro, dans l'espoir d'écarter la menace d'une "guerre des monnaies" ravivée par le Japon
Les pays riches et émergents du G20 se sont réunis vendredi à Moscou pour tenter de mettre fin à la "stagnation" de l'économie mondiale, plombée par la zone euro, dans l'espoir d'écarter la menace d'une "guerre des monnaies" ravivée par le Japon © Reuters
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L'expression est au cœur du G20 de vendredi et samedi. Mais pourquoi parler de "guerre" ?

La décla. "Tout le monde récuse toute idée de guerre des monnaies", a tenu à rassurer vendredi Pierre Moscovici, à l'issue du premier des deux jours de réunion du G 20, qui se tiennent à Moscou. Mais rassurer sur quoi ? Une "guerre" menace-t-elle vraiment la planète ? "La guerre des monnaies va de nouveau être en tête de l'ordre du jour du G20 ", estimait en tout cas, avant la rencontre des dirigeants des 20 pays les plus riches de la planète, l'économiste Jan Randolph, d'IHS Global Insight. De quelle "guerre" parle-t-on exactement ? On vous explique tout.

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"Guerre des monnaies", ça veut dire quoi ? Il y a "guerre des monnaies", ou "guerre des devises" ou encore "guerre des changes" lorsque plusieurs pays font baisser la valeur de leur monnaie intentionnellement pour  booster leur croissance et ralentir celle des pays concurrents. Lorsqu'un pays dispose d'une monnaie faible en effet, ses entreprises vendent leurs produits à moindre coût –  donc elles en vendent plus - aux pays étrangers. En clair, baisser la monnaie d'un pays dope ses exportations, et donc la croissance. D'un autre côté, cela rend les importations plus chères, ce qui pousse la population à acheter des produits locaux.

En quoi est-ce dangereux pour l'économie mondiale ? Lorsqu'un pays dévalue sa monnaie, cela booste donc ses importations mais fragilise aussi celles des autres pays. Ces autres pays peuvent donc être tentés de faire de même. Or si tous les pays se mettent à faire baisser la valeur de la leur monnaie, le monde va se retrouver avec une masse considérable de liquidité en circulation. Ce qui entrainera une hausse fulgurante et mondiale des prix, ce que personne ne souhaite.

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Comment baisser intentionnellement sa monnaie ? Selon les règles du libre échange en vigueur dans notre économie mondialisée, c'est le marché qui est censé fixer la valeur d'une monnaie. En clair, plus une monnaie est demandée  (pour épargner, effectuer des transactions…) plus sa valeur augmente. Mais certains pays font pression pour changer le cours du marché. Leurs banques centrales font alors tourner la planche à billet ou, c'est plus rare, rachètent massivement de la dette publique pour faire baisser les taux d'emprunts. Les deux procédés ont pour conséquence d'inonder le marché de monnaie. Ce qui fait baisser sa valeur.

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© REUTERS

Quels pays ont recourt à une telle pratique ? C'est le Japon qui a récemment suscité de vives inquiétudes. Par une politique de rachat de dette massive, la banque centrale nippone, censée être indépendante du pouvoir, a inondé le marché de Yen et fait baisser sa valeur de 20% depuis octobre. L'a-t-elle fait exprès sous pression du gouvernement ? Oui, mais le pays assure ne pas aller trop loin non plus. "Nous appliquons simplement des mesures vigoureuses pour vaincre la déflation et la récession", explique simplement le ministre nippon des Finances, Taro Aso. À noter, toutefois, que la valeur du Yen avait beaucoup augmenté ces dernières années.

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le Premier ministre japonais Shinzo Abe

© REUTERS

D'autre pays que le Japon ? La Chine, dont le pouvoir contrôle directement la banque centrale, est régulièrement mise en cause pour pratiquer une telle politique. Mais c'est également le cas en ce moment des Etats-Unis, au nom d'une relance de la croissance, ou encore de la Suisse, l'Arabie Saoudite, la Russie et même, à intervalles irrégulières, la Grande Bretagne.

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Et l'Europe ? Contrairement à la Chine, la Banque centrale européenne est indépendante dans ses statuts du pouvoir politique. Et contrairement aux Etats-Unis, la relance de la croissance ne fait pas partie de ses missions. Missions qu'elle respecte stricto-sensu, parfois au grand dam de Paris, qui considère que l'euro est trop élevé.

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Peut-on vraiment parler de guerre des monnaies ?  Il y a vraiment guerre des monnaies lorsque tous les pays se répondent les uns les autres et dévaluent leurs monnaies les uns après les autres. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui selon les dirigeants du G20. "Il n'y a pas de dévaluations compétitives, il n'y a pas de guerre des monnaies. Ce qui est en train de se passer, c'est une réaction des marchés à un processus de prise de décision exclusivement interne", a ainsi tempéré vendredi Sergueï Storchak, le vice-ministre des Finances de Russie, pays qui préside le G20. Un message réaffirmé dans la foulée par la France, le FMI, la BCE et l'OCDE.

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