L'intérim à la peine, un mauvais présage

L'intérim connait une véritable hécatombe : 19.000 emplois y ont été perdus au deuxième trimestre 2012, soit une baisse 3,5%.
L'intérim connait une véritable hécatombe : 19.000 emplois y ont été perdus au deuxième trimestre 2012, soit une baisse 3,5%. © MAXPPP
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Le secteur, indicateur de la santé des entreprises, a perdu 20.000 postes au 2e trimestre.

La France gagne des emplois salariés… hors intérim, dont le secteur est lui en pleine crise. C'est l'un des enseignements que l'on peut tirer des estimations provisoires publiées mardi par l'Insee. Une conclusion qui n'est guère rassurante pour les mois à venir sur le front du chômage.

En France, l'emploi salarié dans les secteurs marchands s'est en effet légèrement replié au deuxième trimestre 2012, avec une baisse de 0,1% par rapport au trimestre précédent. Le secteur a perdu 11.700 emplois durant cette période. Dans la construction, 1.800 emplois ont disparu au 2e trimestre, tandis que 300 emplois seulement étaient créés dans le tertiaire. Et le diable se cache dans les détails.

Hors intérim, l'emploi marchand progresse

En y regardant de plus près, on remarque en effet que c'est l'intérim qui tire les emplois marchands vers le bas. Ceux-ci, hors intérim,  progressent en effet légèrement de 0,1%, soit 8.200 postes de plus, et ce malgré la poursuite de la baisse de l'emploi industriel (-10.200 postes).

C'est que l'intérim connait une véritable hécatombe : 19.000 emplois y ont été perdus au deuxième trimestre 2012, soit une baisse 3,5%. Et sur an, la facture est salée. Selon Pôle emploi, le secteur accusait en effet en juin un repli de 9% sur un an, recensant 605.200 emplois, soit 59.600 de moins qu'un an plus tôt.

Selon les analystes, la croissance atone de la France actuelle explique la baisse d'emplois. "Le vrai souci, c'est qu'on a zéro point de croissance. Comment dès lors imaginer qu'on puisse avoir un dynamisme de l'emploi?", s'interroge par exemple Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management.

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Un "indicateur avancé des tendances"

Et quand l'activité baisse, c'est en effet l'intérim, travail plus flexible légalement et donc plus facile à supprimer, qui prend. "L'ajustement se fait en premier lieu sur les emplois les plus précaires, intérim et CDD", explique  Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui souligne que "les destructions d'emplois dans l'industrie tapent d'abord dans l'intérim".

Or le travail temporaire est considéré comme un indicateur de la santé de l'emploi et de l'économie en général. "Le grand message que nous donne ces nouveaux chiffres, c'est la baisse significative de l'intérim, considéré comme un indicateur avancé des tendances du marché de l'emploi", confirme Frédéric Tallet, chef de la cellule conjoncture et emploi à l'Insee.

Car quand l'intérim va mal, c'est souvent le signe que les entreprises souffrent. "L'absence de visibilité peut être un facteur déclencheur de l'intérim. Mais là, ce n'est pas le cas, il n'y a pas de visibilité et... pas de commandes. L'attentisme pré-élections se perpétue dans la période post-élections", déplore ainsi François Roux, délégué général du Prisme, une association qui regroupe 600 entreprises du secteur.

"Une flexibilisation et une précarisation de l'emploi"

Mais pour certains, la sonnette d'alarme aurait dû être tirée bien plus tôt. Car si avant cette dégringolade le marché de l'intérim était en plein essor, il ne menait pas forcément vers un emploi stable.

"Jusque dans les années 1990, il y avait peu d'intérimaires, dans les 200.000. Très vite, le volume est devenu très important, s'approchant des 700.000 ", détaille l'économiste Eric Heyer. "Cette évolution témoignait d'une flexibilisation et d'une précarisation de l'emploi. Sur 20 millions d'embauches en 2011, deux tiers concernent des contrats de moins d'un mois", assure l'économiste.

"Ces trois dernières années, nous avons noté une progression très importante de nouveaux intérimaires, âgés de plus de 45 ans, en provenance d'entreprises ayant fermé, surtout de PME liquidées dans la construction navale, l'automobile, l'agro-alimentaire...", renchérit  André Fadda, de l'Union syndicale de l'intérim CGT. "La grande majorité ont des contrats à la semaine et les périodes de chômage entre deux missions, de plus en plus longues, ne font qu'aggraver la situation", raconte le syndicaliste.

Même le Prisme, l'association des entreprises d'intérim, l'admet : "compte tenu du contexte économique difficile ces derniers mois, l'intérim n'a pu jouer pleinement son rôle de tremplin vers l'emploi durable."