G20 : comment l’UE veut lutter contre l’évasion fiscale

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TRANSPARENCE - Les principales puissances économiques se retrouvent à Brisbane. Au menu : l’Ukraine mais aussi la fiscalité.

Comme souvent, les discours seront volontaristes et le G20 organisé ce week-end en Australie ne dérogera pas à la règle : le ministre australien des Finances a promis des décisions "très agressives" sur la fiscalité et qualifié de "vol" l’évasion fiscale pratiquée par les entreprises et les plus fortunés. Mais de quoi les 20 principales puissances économiques vont-elles parler ? Et surtout avec quelle feuille de route s’y rend l’Union européenne, victime de pratiques déloyales en son propre sein ?

Un G20 très fiscal. Si le regain de tensions dans l'est de l'Ukraine et la démonstration de force de la marine russe le long de l'Australie devraient faire l'objet de débats entre les chefs d'Etat, ces derniers sont bien réunis pour parler évasion fiscale. "Ces questions de fiscalité seront très haut dans l'agenda", a confirmé vendredi un responsable de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

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Le préalable : faire le point sur l’échange automatique d’informations. C’était la principale avancée des précédents G20 : les Etats membres se sont mis d’accord pour instaurer un échange automatique de données bancaires. Son principe est simple : dès que le citoyen d’un pays dispose d’un compte en banque dans un autre pays, cet Etat devra en informer une fois par an son pays d’origine. Ce qui permettra au pays dont provient le détenteur du compte de savoir s’il a caché de l’argent à l’étranger.

Les plus volontaires ont déjà promis de l’appliquer en 2017, les retardataires en 2018. Le G20 doit donc faire le point sur l’avancement de cette réforme. A ce jour, selon le décompte de l’OCDE, seuls quelques micro Etats, par ailleurs paradis fiscaux, n’ont pas encore clarifié leur position : le Bahreïn, les îles Cook, Naura, le Panama et Vanuatu. Mais l’ONG Oxfam est plus sceptique : "actuellement, seulement la moitié des pays membres du G20 se sont engagés à mettre en œuvre la nouvelle norme d'ici à 2017 et la position des principaux pays comme l'Inde, les États-Unis et la Suisse n'est pas encore claire".

La priorité européenne : l’échange automatique de données sur le "tax ruling". Après les particuliers fraudeurs, place aux entreprises indélicates. Les dirigeants du G20 doivent réfléchir aux moyens de combler les failles juridiques qui permettent aux entreprises d'adopter des stratégies pour payer le moins d'impôts possible - ce qui coûte aux Etats des milliards de dollars. Une pratique est particulièrement au centre des débats, baptisée "tax ruling" : il s’agit d’accord que les entreprises concluent avec des Etats conciliant pour obtenir un taux d’imposition très en-deçà de la normalité. Et ainsi rapatrier dans ces pays les bénéfices réalisés dans d’autres Etats mais où la fiscalité est moins avantageuse.

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Or ces "tax ruling" sont des accords secrets, ce qui permet aux entreprises de faire monter les enchères et empêche les Etats de savoir qui fait quoi. L’objectif est donc d’instaurer un échange automatique de ces accords, comme cela a été décidé pour les particuliers. Et c’est le dossier dont la Commission européenne a fait sa priorité : mis en cause pour avoir permis à son pays, le Luxembourg, de devenir le principal paradis fiscal au sein de l’Union européenne, le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a promis mercredi de porter ce dossier.

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Cette réforme a néanmoins ses limites : la transparence n’empêchera pas les Etats de se livrer une bataille pour le moins-disant fiscal. L’Union européenne veut donc relancer l’idée d’un taux d’imposition minimum pour les entreprises installées sur le Vieux continent. Déjà évoqué en 2011, ce projet prend depuis la poussière et restera très difficile à mener, la fiscalité étant l’une des prérogatives des Etats-membres.

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L’autre dossier : savoir qui est propriétaire de quoi. Si, a priori, il sera bientôt possible pour un Etat de savoir si ses ressortissants possèdent des comptes en banques cachés à l’étranger, les choses se compliquent dès qu’il s’agit d’autre chose qu’un compte bancaire. Trusts, fondations, fiducies et autres sociétés écrans sont synonymes d’opacité. Et c’est justement pour cela que les plus fortunés sans scrupules et les mafias s’y sont convertis et ont délaissé les comptes bancaires classiques, officiellement pour mieux protéger leur capital.

Plusieurs membres du G20 proposent donc d'adopter des règles communes, plus strictes, en matière de déclarations aux registres commerciaux. L’objectif étant de mieux savoir qui est propriétaire de quoi et de mieux remonter les cascades de sociétés écrans. Mais certains Etats rechigneraient : Transparency International affirme que la Chine a rejeté un projet d'accord sur la propriété effective des entreprises et les bénéficiaires réels, projet que l'Australie, pays-hôte du sommet du G20, avait espéré mettre sur la table. Avec pour sous-entendu qu’une telle réforme permettrait de voir que les élites politiques de l’Empire du Milieu seraient aussi devenues de très prospères hommes d’affaires.