Florange : que dit vraiment l'accord ?

Les syndicats craignent qu'ArcelorMittal ne tienne pas ses promesses.
Les syndicats craignent qu'ArcelorMittal ne tienne pas ses promesses. © MaxPPP
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Thomas Morel avec Olivier Samain et AFP , modifié à
ZOOM - Jean-Marc Ayrault reçoit les syndicats mercredi. Les premiers détails de l'accord ne les rassurent pas.

Que dit vraiment l'accord passé par le gouvernement avec ArcelorMittal ? Signé vendredi, son contenu n'a toujours pas été porté à la connaissance des syndicats, qui s'inquiètent pour l'avenir du site de Florange. Mais les premiers détails rendus publics ne font rien pour rassurer les syndicats.

• Des investissements pas stratégiques. Si on connaissait les grandes lignes de l'accord, le contenu exact du document, révélé mardi par Le Monde, semble bien moins généreux que ce que voulait faire croire Jean-Marc Ayrault. D'abord sur la question des 180 millions d'euros d'investissements promis par ArcelorMittal. Si l'engagement de l'aciériste est "inconditionnel", seuls 53 millions d'euros devraient être consacrés à de l'investissement "stratégique", c'est-à-dire au développement de l'activité de Florange. Les 127 millions restants, eux, serviront aux "flux d'investissements courants, maintenance exceptionnelle, investissements de pérennité, santé, sécurité..." Bref, des dépenses courantes, qu'il aurait fallu réaliser de toute façon.

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© REUTERS

• Mittal ne croit pas à Ulcos. L'autre grand projet annoncé par Jean-Marc Ayrault, c'est la reconversion des hauts-fourneaux pour en faire un vitrine de la sidérurgie écologique, avec captation et stockage du dioxyde de carbone émis lors de la fabrication de l'acier. Un projet baptisé Ulcos, pour Ultra low carbon dioxide steelmaking (en français, fabrication d'acier à très faible CO2). Si le Premier ministre y croit dur comme fer, l'industriel semble lui beaucoup plus réservé. Dans l'accord signé vendredi, il est ainsi écrit que "l'état actuel des résultats de la recherche ne permet pas de passer directement sur le démonstrateur industriel de Florange". En clair, que le projet ne peut pas être mené à bien à Florange.

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• Un haut-fourneau maintenu sur deux. Le maintien en activité des hauts-fourneaux était également un point capital selon les syndicats. Là encore, ils en sont pour leurs frais. Puisqu'Ulcos ne peut pas être mené à bien pour l'instant, ArcelorMittal propose "la mise sous cocon (...) avec la perspective d'un développement du programme Ulcos sur un haut fourneau". Comprenez : pas deux. Et encore, il est prévu que l'alimentation en gaz des deux cheminées soit coupée "à l'issue de la procédure légale", à savoir mars 2013. Après cette date, pour faire redémarrer un haut-fourneau, il faudrait d'abord en reconstruire l'intérieur

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L'inquiétude règne. Pour les syndicats de Florange, c'est un véritable camouflet. Ces pistes vont en effet à l'encontre de toutes leurs attentes. Pour Walter Broccoli, secrétaire FO du site, le gouvernement "a fait une grosse erreur" et a "accepté ce que nous avons toujours combattu". Jean Mangin, de la CGT, semblait lui dépité par ces annonces : "Nos inquiétudes sont confirmées, depuis le début on sait que c'est un marché de dupes", a-t-il réagi.

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Le sort de Basse-Indre. Les ouvriers de Florange ne sont pas les seuls à s'inquiéter de cet accord. Pour sauver le site mosellan, Mittal pourrait sacrifier une partie de son usine de Basse-Indre, en Loire-Atlantique. Selon Lionel Belloti, délégué FO de Basse-Indre, les outils de décapage et de laminage pourraient être transférés à Florange. "C'est la cohérence du site qui est remise en cause. Nous serons amputés de ces deux outils qui sont en début de chaîne", explique-t-il. "Le laminage va disparaître, alors que c'est le cœur de notre métier. Il y a une grosse inquiétude pour l'avenir", renchérit Frédéric Gautier, délégué CGT de l'usine.

Un comité de suivi à l'Assemblée. De leur côté, les députés entendent bien que Mittal tienne ses engagements. Mardi, ils ont décidé de mettre en place un comité de suivi, "ouvert à tous les groupes politiques", qui aura pour mission de contrôler la bonne application du texte. Le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, le PS Christian Eckert, a déclaré sur son blog que cet accord devrait "être surveillé comme le lait sur le feu".