Contrôles : ces PME "harcelées" par le fisc

Parmi les entreprises les plus contrôlées, les PME du numérique ont 80% de chance de voir le fisc passer chaque année.
Parmi les entreprises les plus contrôlées, les PME du numérique ont 80% de chance de voir le fisc passer chaque année.
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Damien Brunon, Anne-Laure Jumet et Martial You , modifié à
IMPÔTS - Dans les telecoms ou le numérique, certaines entreprises sont contrôlées plusieurs fois par an. C’est pire si elles demandent un crédit d’impôt recherche.

L’INFO. Le ministre des Finances, Michel Sapin, a annoncé dimanche de très bons résultats en matière de lutte contre la fraude fiscale des personnes. Si on en croit certains entrepreneurs, les services de Bercy ne lâchent rien non plus en ce qui concerne certaines entreprises. Selon le décompte de la Cour des comptes, le nombre de redressements fiscaux a été multiplié par quatre entre 2008 et 2012. Les entreprises qui demandent un crédit d’impôt recherche sont, elles, dix fois plus contrôlées qu’il y a quatre ans.

Cinq contrôles dans l’année. C’est un constat que peut faire, sur le terrain, Christophe Laguerre, à la tête de Laguerre Chimie, une société de produits chimiques à Saint-Etienne-de-Rouvray, en Seine Maritime. “En un an, j’ai eu cinq contrôles. Ca m’a coûté 50.000 euros”, déplore-t-il au micro d'Europe 1. Et le patron de se défendre : il n’a pas cherché à berner qui que ce soit, mais “il y a des règles très pointues. On est submergé, on ne peut pas tout maîtriser”.

Plusieurs contrôles dans la même année, à en croire les spécialistes du secteur, c’est le lot commun de nombreuses entreprises désormais. “Depuis trois ans, c’est flagrant, on a bien vu une forte augmentation du nombre de contrôles, essentiellement sur des PME qui ont déclaré plus de 50.000 euros de Crédit Impôt Recherche (CIR)”, analyse Bruno Coulmance, du cabinet spécialisé Alma Consulting Group, au micro d'Europe 1. Et parmi les entreprises, celles spécialisées dans les télécoms, le numérique ou les logiciels sont encore plus ciblées. Selon les estimations du cabinet, elles ont chaque année 80% de risque de voir un agent du fisc passer par chez elles.

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Des patrons effrayés. Conséquence : certains patrons, comme Christophe Laguerre, hésitent même à faire des demandes de CIR, de peur d’être contrôlées. Et l’expérience de son homologue Jean-Marc Barki ne devrait pas les motiver. Le patron de Sealock, une PME du Pas-de-Calais spécialisée dans les colles industrielles, s’est fait retirer 80% de la somme qu’il attendait au titre du crédit d’impôt. Selon lui, son seul tort a été de ne pas bien remplir le dossier.

On prend moins de risque. Le patron va contester le résultat de ce contrôle et espère obtenir gain de cause. Mais globalement, les PME sont assez passives en la matière. Concernant les redressements URSSAF, par exemple, le cabinet TAJ estime que seule une entreprise sur trois entre en contentieux quand elle s’estime lésée.

Et plutôt que d’attaquer en justice, les entreprises choisissent de simplement prendre moins de risques. “Comme on sait pas à quelle sauce on va être mangé, ça nous a tout simplement bloqué le million d’euros d’investissement qu’on devait faire et probablement un ou deux emplois qu’on devait créer”, confie Jean-Marc Barki, au micro d'Europe 1. “Si ça tourne mal et qu’on se retrouve avec une obligation de rembourser le crédit, on va se retrouver en cessation de paiement. Et qui dit cessation de paiement, dit éventuellement une société qui part ‘en carafe’ pour pas grand chose”, prévient-il.

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© REUTERS

La double peine. “On peut se retrouver dans des situations économiques très difficiles”, confirme Bruno Coulmance de Alma Consulting Group. Parce que si le contrôle intervient trois ans après la déclaration et que le crédit est remis en cause, l’entreprise peut se retrouver dans une situation très délicate dans laquelle elle peut être tenue de rembourser le CIR, mais aussi de payer des intérêts de retard.

Bercy calme le jeu. Au ministère des Finances, on n'accrédite en tout cas pas l'idée d'une hausse généralisée du nombre de contrôles fiscaux, mais on est bien conscient qu'il y a un problème autour du CIR. Selon les services du ministère, le fisc va désormais d'avantage accompagner les chefs d'entreprise dans la constitution de leurs dossiers.

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