Effet Placebo : ce qui se joue dans notre cerveau

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La ministre de la Santé refuse pour l’heure de dérembourser l’homéopathie, arguant que cette pratique provoque, à tout le moins, un effet placebo.

"En tant que scientifique, je considère que l’homéopathie ne peut pas fonctionner autrement que par l’effet placebo. En tout cas, rien n’a jamais été prouvé d’autre". Aussi paradoxal qu'elle puisse nous paraître, cette argumentation, tenue jeudi sur Europe 1 par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, visait à… défendre le remboursement de l’homéopathie par la Sécurité sociale. "Les Français y sont attachés", ajoute la ministre. "Si cela peut éviter le recours à des médicaments toxiques, je pense nous y gagnons collectivement", expliquait-elle déjà la semaine dernière.

Comme l’homéopathie, plusieurs dizaines de médicaments continuent d’être remboursés (à hauteur de 15%) alors que leur efficacité n’est pas prouvée scientifiquement. Etiqueté médicament "à service médical rendu jugé faible", ils sont parfois prescrits, comme l’indique la ministre, uniquement en raison de leur "effet placebo". Pourquoi ? Parce que l’effet placebo a bel et bien, en lui-même, une forme d’efficacité pour notre bien-être, et souvent aussi pour notre santé. Nous avons cherché à en savoir plus sur ce phénomène qui lève peu à peu ses mystères.

L’effet placebo, qu’est-ce que c’est ?

"De la curieuse influence de l'imagination sur les fonctions du corps humain". Ce titre est celui d’un ouvrage écrit en 1800 par le médecin anglais John Haygarth. Nous pouvons y lire une bien curieuse expérience : lorsque l’on place des baguettes sur les nerfs de patients atteints de différents maux (rhumatisme, maux de tête) en leur faisant croire qu’il s’agit d’un traitement médical, ces maux s’atténuent. Si nous pouvons trouver des traces d’un tel procédé jusque dans l’Egypte antique, c’est alors la première fois que l’effet placebo (du latin "je plairai") est documenté dans la littérature scientifique moderne.

Depuis, de nombreuses expériences sont venus confirmer l’existence d’un tel phénomène. Comment le définir ? Le Quincy’s Lexicon-Medicum, célèbre dictionnaire de médecine, le qualifie de "traitement donné plus pour plaire au patient que pour le guérir". Il s’agit d’un "effet thérapeutique obtenu par l’administration de comprimés, de liquides, d’injections et toutes procédures qui n’ont pas d’effet spécifique sur la maladie à traiter", complète le docteur Patrick Lemoine dans son livre le Mystère du placebo. En clair, il y a effet placebo lorsque les symptômes d’une pathologie s’atténuent, voire disparaissent,  après la prise d’un traitement qui ne contient pourtant pas de principe actif.

Comment l’expliquer ?

Pour l’heure, il n’y a que des hypothèses et les études peuvent être biaisées : comment, en effet, distinguer l’impact réel du placebo de celui de nos défenses naturelles ? L’imagerie cérébrale permet tout de même de mesurer une partie de l’impact physique de l’effet placebo. Dans certains cas, le cerveau semble en effet se conditionner et produire lui-même un effet thérapeutique après la prise d’un médicament factice. Lorsque le cerveau associe, par habitude, une diminution de la douleur à l’injection d’aspirine, il peut ainsi susciter de lui-même une atténuation de la douleur après la prise d’un placebo que l’on présentera comme de l’aspirine.

"Le cerveau augmente alors le taux de dopamine et d’endorphines qu’il sécrète pour calmer la douleur", lit-on sur le site de l’émission Allo docteur. Ou encore : "C’est vraiment un réflexe pavlovien, c’est du dressage ! Ceci explique des observations étonnantes, tel ce constat dressé par une quinzaine d’études : une gélule rouge vide de toute substance agit mieux comme stimulant qu’une gélule bleue (qui, elle, agit mieux comme relaxant)".

D’autres études ont également souligné l’importance prépondérante du stress sur l’intensité de certains symptômes. Un traitement placebo pouvant avoir un effet apaisant (puisque le patient anticipe une guérison), cela expliquerait ces vertus thérapeutiques. Le contexte prend alors toute son importance. Et plusieurs conditions doivent être au rendez-vous pour un réel effet :

-Il faut être persuadé que cela va fonctionner : dans une étude anglaise sur 200 patients atteints de douleurs chroniques, un placebo s’est avéré efficace dans 64% des cas où le médecin a fait croire qu’il savait ce qu’il faisait, là où l’efficacité n’était que de 39% pour ceux à qui il a dit : "Je ne suis pas sûr de savoir ce dont vous souffrez".

- Il faut faire confiance à la personne qui vous conseille le traitement : une personne qui ne croit qu’en la médecine sera plus sensible un placebo prescrit par un médecin, là où une personne qui a foi en la médecine populaire peut se montrée réceptive aux "remèdes de grands mère".

- La manière dont est administré le traitement peut aussi jouer : une étude a par exemple montré qu’au bout de six semaines, un "faux" traitement par acuponcture (les points étaient placés au hasard) pour traiter des douleurs chroniques avait plus d’effets que l’injection d’un faux comprimé.

Quels sont les cas pour lesquels l’effet est avéré ?

La littérature scientifique foisonne d’exemples. Dans 35% des pathologies en moyenne, un effet placebo peut, a minima, diminuer les symptômes. Certes, cet effet est quasi nul pour les patients atteints de maladies lourdes, comme le cancer. Mais pour certaines pathologies, l’effet placebo peut atténuer les symptômes dans 80% des cas : maux de tête, anxiété, insomnie, troubles gastro-intestinaux, acné et même certaines allergies. "Il a été vérifié que l'administration d'un placebo permet même de renforcer la production de dopamine dans les zones cérébrales impliquées dans le déclenchement de la maladie de Parkinson", peut-on également lire dans le Figaro Santé. Et encore : "C'est également le cas chez les patients atteints de dépression où, sous l'effet d'un placebo, on observe des modifications de l'activité électrique de certaines aires du cortex cérébral".

Pour qui est-ce que cela fonctionne ?

Force est de constater que l’effet placebo ne fonctionne pas chez tout le monde, et peu importe le degré de confiance que l’on accorde au traitement factice. Une équipe de recherche de Harvard aurait ainsi découvert en 2015 que des gènes prédisposeraient notre sensibilité au placebo, et tente aujourd’hui de mieux les connaître. L'enjeu est capital : cela signifierait que des personnes sont prédisposés dès leur naissance à recevoir les effets thérapeutiques d'un effet placebo. Si l'on parvenait à mieux identifier ces gènes, on pourrait aiguiller les patients qui en sont porteurs vers des traitements dont l'efficacité réelle n'est certes pas encore démontrée, mais qui sont peut-être aussi moins chers, et comportant moins d'effets secondaires. L'homéopathie, pour y revenir, en est un parfait exemple. 

Les études menées ces 50 dernières années ont, en outre, démontré que toutes les tranches d’âges peuvent ressentir l’effet placebo, peu importe le sexe. Même les animaux (domestiques), y seraient sensibles : si un animal ressent que son maître est apaisé ou s’il prend un médicament, fusse-t-il factice, qu’il associe à un traitement qui fut efficace par le passé, il peut s’en sentir mieux.