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A.D , modifié à
Vincent Lindon est le nouveau Rodin de Doillon. L'acteur, invité d'Europe 1, a confié apprécier se sentir en danger pour avancer.
INTERVIEW

Il prend les yeux scrutateurs de sculpteur Auguste Rodin dans le nouveau film de Jacques Doillon, en salles depuis mercredi. Invité dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, l'acteur Vincent Lindon a raconté comment il s'était imprégné de son rôle et comment il traverse la vie.

De la sculpture, 4 à 5 heures par jour. "Une façon de croire à un personnage, c’est de montrer en quelques gestes assez rapides et radicaux qu’on tient bien le métier en main". Alors Vincent Lindon a sculpté, 4 ou 5 heures par jour pendant cinq mois. Les mains dans la glaise, il a failli abandonner son personnage avant de l'apprivoiser. Il est bien Rodin, jusque dans l'envergure de sa barbe. "Ce n’est pas un attrape-filles. Mais ça change énormément de choses : la façon de manger, de boire. C’est une protection, une appréhension du visage. On passe son temps à vérifier sa barbe, on la tripote on la caresse, ça devient un doudou. Ce n’était pas vraiment moi, ça m’a permis de ne pas trop quitter Rodin."

Un buvard. Se couler complètement dans un rôle n'était pourtant pas une vocation. Certes, il avait été aide costumier sur un film où tournait Gérard Depardieu et s'était occupé de la sono de Coluche sur un an de tournée. Il s'était imprégné des deux géants, comme "une éponge, un buvard". Mais au moment où il passe la porte du Cours Florent, c'est plus pour rassurer son père et pour la réputation des filles que pour crever l'écran.

P"lus il y a d'obstacles, plus je me faufile". A l'inverse de Rodin dont tout le modernisme n'avait pas été reconnu de son vivant, Lindon a été reconnu par ses pairs, notamment en recevant le César du meilleur acteur en 2015 pour La loi du marché. "Rodin a toujours combattu les idées reçues. Il s’est toujours accroché à ce qu’il faisait. Il avait une croyance qui lui disait que le chemin qu’il empruntait était le bon. Mais c’est inconscient. Quand je pense à mon parcours, plus on me fait mal, plus on m’humilie, plus je vais loin. Comme si c’était un stimulant. J’aime qu’on me refuse. Plus il y a d’obstacles - c’est un peu comme Super Mario - plus je me faufile. Quand ça se passe bien, je m’endors", décrit l'acteur.

"Pas de combine". Si la récompense lui a tiré des larmes, il raconte qu'il ne reste pas dans le confort. Il dit toujours s’asseoir sur des coins de chaise et porter des chaussures qui peuvent lui faire mal, pour la simple raison de ne pas s'amollir. Sujet à des tics et des peurs, il se dit aussi libre. Sans emprunt, sans voiture, sans être propriétaire, il n'est lié qu'à ses enfants et "c'est tant mieux". Quand il n'est pas avec eux, il dit adorer être seul, mais surtout pas coupé des choses et des êtres, au moins pour les observer. Que les choses tournent sans lui lui paraît en revanche inacceptable. "Je trouve ça intolérable de ne plus vivre." Mais face à la mort, "il n’y a pas de combine. Et en même temps, c’est très excitant, c’est ce qui donne le prix à la vie".