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A.D
L'écrivain aventurier revient au micro d'Europe 1 sur son parcours, sa vision de son environnement et l'arrivée au pouvoir de Macron et Hulot.
INTERVIEW

Voyageur au plus profond de lui-même, mais arrêté de longs mois après avoir chuté d'un toit, Sylvain Tesson publie Une très légère oscillation, son journal couvrant la période 2014-2017, après avoir fait paraître à l'automne Sur les chemins noirs. Le romancier et aventurier est l'invité dominical de C'est arrivé demain pour évoquer son cheminement.

Se sentir "émietté". Le journal intime "est une entreprise de lutte contre l'oubli de ce qu'on a vécu, parce que finalement la mémoire ne se souvient pas de grand chose. Et c'est surtout une tentative de s'ordonner, de lutter contre l'éparpillement", définit-il. Après son accident, il choisit de monter tous les étages de Notre-Dame-de-Paris comme rééducation. "La cathédrale est ma voisine. Je trouvais stupide d'avoir vécu dans les parages de Notre-Dame sans être jamais monté par les escaliers au sommet des tours. Alors j'ai fait ce cheminement, tous les jours ". 400 marches. D'abord un Himalaya pour l'homme qui se sent "émietté". Puis, peu à peu, il s'est laissé "happer par la profonde magie et la beauté" du lieu. "Finalement, vos petites misères personnelles et vos grincements de carcasse passent au second plan."

"La réalité n'a aps besoin d'être augmentée". L'émerveillement de l'écrivain trouve sa source dans le monde brut qui l'entoure, dans le temps qui passe. "Quand on aime le temps qui passe, on aime l'origine du temps. Je crois préférer les origines aux promesses. J'aime ce qui demeure, l'écho des très vieilles choses. Ça m’intéresse davantage que les illusions du progrès, ce dogme qui nous fait croire que tout ce qui est nouveau est vertueux." Dans son dernier ouvrage, l'écrivain attaque en salve le numérique, les réseaux, les écrans. "Les mots disent les choses. Quand on met un écran entre soi et le monde, c'est comme quand on met des œillères. La réalité n'a absolument pas besoin d'être augmentée", s'émeut-il.

"Il a pas l'air très beatnik, Macron". La réalité, la nature, il les a paradoxalement retrouvées dans la politique, avec le slogan "En Marche !" d'Emmanuel Macron. "J'avais vu ce slogan déjà dans le livre V des Contemplations de Victor Hugo", avec l'idée que c'est le mouvement qui importe plus que la destination. "C'est une idée banale, d'errance, de vagabond, de beatnik. Il n'a pas l'air très beatnik, Macron. Mais c'est une idée de beatnik de se mettre en marche sans très bien savoir où l'on va". L'idée est que "l'intendance suivra, c'est d'ailleurs ce qui est arrivé à la fin." Le lien entre nature et politique s'est aussi fait par l’intermédiaire de l'entrée au gouvernement de Nicolas Hulot. "Je m'en réjouis", annonce Sylvan Tesson, avant de s'interroger sur la difficile conciliation pour le président d'être "promoteur de l'accélération" avec le fait d'"accueillir dans son gouvernement un homme qui professe l'exact contraire".