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Aurélie Dupuy , modifié à
Alors que ressort en poche son premier ouvrage, "Un jeu d'enfant", l'ancien chroniqueur d'Europe 1 a évoqué la philosophie, Dieu, la mort ou encore la politique avec Frédéric Taddeï.
INTERVIEW

Entre Raphaël Enthoven et Frédéric Taddeï, le rendez-vous a lieu quai de la Mégisserie. L'endroit renvoie le professeur de philosophie au souvenir d'un ami qui était bouquiniste. Quand il arrive pour enregistrer l'émission En balade avec, le temps est caniculaire, ce qui lui a fait troquer son invariable chemise noire pour une blanche. "Là, il fait trop chaud pour que la chemise soit noire. Ce duo de couleurs, en ce qui me concerne, vient d’un film, La Mouche." Le personnage du film "explique qu’il a toujours le même costume, que ça lui fait un choix de moins. Il laisse entendre qu’un choix en moins, c’est une liberté en plus. J’ai trouvé ça décisif", raconte Raphaël Enthoven, dont le premier livre intitulé Un jeu d’enfant, vient d'être réédité. Au cours de sa promenade parisienne, il a évoqué son travail, ses pensées mais aussi l'un de ses fils, Aurélien, la politique, et bien sûr, la philosophie.

"Le cadeau de l'indifférence" de parents à enfants

Le titre de son premier ouvrage renvoie d'ailleurs à la philosophie. "Rien n’est plus difficile que la simplicité, c’est un livre là-dessus", souligne l'ancien chroniqueur d'Europe 1, qui admet quelques maladresses de formulation dans cet ouvrage mais dont il fait toujours siennes les idées de fond. Dans ce livre, il dit notamment que le plus beau cadeau que des parents peuvent faire à un enfant, ce n’est pas l’amour mais l’indifférence. "En faisant le cadeau de l'indifférence, les parents, parfois, offrent plus qu’avec de la sollicitude, dans la mesure où ils lui montrent bien qu’il est seul avec lui-même et qu’il y a mieux à faire qu’à plaire", explicite-t-il.

Entendu sur europe1 :
Aurélien est d’un métal suffisamment consistant pour s’être choisi tout seul une ligne idéologique et d’ailleurs y renoncer un jour, c’est lui qui décidera

Son fils aîné militant de l'UPR

Que ce soit une conséquence de la mise en pratique de cette idée ou pas, son fils aîné, Aurélien, qu'il a eu avec Carla Bruni, a ainsi pris son propre chemin politique. Il milite, à 17 ans, pour l'Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau, partisane du Frexit. "C'est l'avantage des familles recomposées. Il y a d’autres figures tutélaires à battre que celle du père. Je ne sais pas de quelles opinions il a choisi de prendre le contre-pied. Je crois surtout que ce sont ses opinions à lui. Aurélien est d’un métal suffisamment consistant pour s’être choisi tout seul une ligne idéologique et d’ailleurs y renoncer un jour, c’est lui qui décidera. (...) On peut souscrire à un système à condition de lui en faire la critique. Je sais qu’Aurélien est capable de ça. L’essentiel n’est pas ce qu’il pense. L’essentiel est la capacité qu’il aura à penser contre lui-même et celle-là est surdéveloppée. Je ne connais pas de meilleur chemin vers la liberté que ce genre de doutes", étaye le philosophe.

"Nulle part" en politique 

Raphaël Enthoven lui-même souligne avoir ses convictions. "Mais je suis un homme en guerre contre l’idée même de conviction. J’en ai autant que les autres mais je les déteste. Je les méprise et je ne veux pas qu’elles me fassent penser. C’est de la guerre qu’on mène à nos propres convictions que naissent deux ou trois intuitions qui à mon avis sont recevables."

Quant à lui, au niveau politique, alors qu'il avait adhéré au Parti socialiste en 2002 pour entrer dans le comité de soutien de Lionel Jospin, il s'estime désormais "nulle part" tout en étant un fervent opposant de l'abstentionnisme. "C’est la dépolitisation le problème, soit l’abstention, soit le sentiment qu’en votant une fois tous les cinq ans, on est dispensé de se mêler des affaires publiques. La dépolitisation est à mon avis liberticide", conclut celui qui devrait continuer d'animer l'émission Philosophie, à la rentrée sur Arte, alors même qu'il s'était déclaré "téléphobe" au début du programme, il y a déjà onze ans…