Laetitia Colombani : "On ne pardonne pas grand-chose aux femmes"

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A.D
La romancière ne s'attendait pas au succès, venu par la grande porte avec son premier roman, "La Tresse". L'ouvrage présente trois parcours de femmes, animées par la même quête de liberté.
INTERVIEW

La Tresse est l'un des romans phares de l'été. Le tirage a atteint les 200.000 exemplaires depuis sa sortie au mois de mai et s’exporte dans une trentaine de pays. L'auteur du roman, Laetitia Colombani, également scénariste et comédienne, et qui pourrait être en lice pour le prix Renaudot, était l'invitée d'Europe 1, dimanche.

"Grande et belle surprise". Ce succès, la romancière ne "l'explique pas", tout simplement. "C'est une grande et belle surprise que je savoure. J'écris depuis longtemps parce que je travaille pour le cinéma, en tant que scénariste, mais je n'avais jamais écrit sous forme romanesque." Quand Laetitia Colombani s'y met, elle raconte l'histoire, en chapitres courts, de trois femmes sur trois continents avec conditions sociales et religions différentes mais avec une soif de liberté pour dénominateur commun. "J'avais envie de raconter la vie des femmes dans différentes parties du monde, de parler des combats, des espoirs, des difficultés et, à travers elle, parler de trois sociétés qui traitent différemment les femmes." L'auteur évoque alors les chaînes du genre féminin, qu'elle soient "parfois visibles, parfois invisibles".

Trois combats sur trois continents. Ce trio romanesque est composé d'une Indienne - une intouchable -, d'une Canadienne atteinte d'un cancer et d'une Sicilienne. Elles sont reliées par un élément : les cheveux, d'où le titre du livre. "Les cheveux étaient un point de départ pour l'écriture. Une de mes proches amies est tombée malade il y a deux ans, a perdu ses cheveux et a dû porter une perruque. Cet événement m'a amené à m’intéresser aux cheveux comme possible symbole de la féminité et comme possible lien entre trois femmes qui n'ont, a priori, rien en commun et qui vont être confrontées à des défis de vie ou de mort."

La romancière dit ainsi que deux millions de femmes sont tuées chaque année en Inde. "Ce chiffre m'a sauté au visage. Hélas, j'ai réalisé que c'était un chiffre réel." Son personnage à elle se bat, alors qu'elle n'appartient même pas à une caste de la société. La Canadienne, dans l'ouvrage, est d'abord une femme puissante, avocate brillante, jusqu'à ce qu'elle soit mise à l'écart parce que malade et devient à son tour une intouchable. La Sicilienne découvre, elle, que sa famille est ruinée. L'atelier de fabrication de postiches de son père est en faillite et elle doit trouver une solution pour sauver sa famille.

Féministe. Avec ce livre qui rend hommage aux femmes, l’auteur ne refuse pas l'étiquette d'ouvrage féministe. "Pour moi, féministe ne signifie pas en lutte contre les hommes, au contraire. Des hommes ont envie de mener ce combat avec elles". Dans Le Monde, sa consœur Virginie Despentes lâchait que la féminité était une arnaque. Laetitia Colombani approuve. "La féminité peut être une dictature. Je parlais de chaînes invisibles. Notre société occidentale exige des femmes qu'elles soient des épouses et des mères modèles, qu'elles soient magnifiques, qu'elles s'entretiennent, qu'elles réussissent brillamment dans leur carrière et qu'elles aient une maison impeccable. On ne leur pardonne pas grand-chose", juge l'écrivain ou l'écrivaine - qui ne tranche pas la question - et envisage de s'atteler à l'adaptation de son roman en film.