Ce que vous ne savez peut-être pas sur les couleurs

© RODRIGO ARANGUA / AFP
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A.D , modifié à
Rose pour les filles, bleu ciel pour les garçons, vert synonyme d'espoir mais aussi de malchance... Les clichés sur les couleurs ont aussi des fondements que l'historien Michel pastoureau révèle sur Europe 1.

La couleur favorite de la population serait le bleu. D'après diverses enquêtes d'opinion, 15 à 18 % auraient plutôt le vert comme teinte fétiche. L'historien de la couleur Michel Pastoureau est de ceux-là. Il considère qu'il existe six couleurs principales dans le monde occidental : blanc, noir, rouge, vert, bleu, jaune, auxquelles il ajoute cinq teintes de "deuxième rang" : violet, orange, rose, gris, brun. Invité dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, l'auteur de l'ouvrage Une couleur ne vient jamais seule s'est prêté au jeu d'un questions-réponses chromatique.

Pourquoi le vert porte malchance au théâtre ?

"C'est un tabou qui remonte très haut. C’est déjà bien attesté à l’époque de Shakespeare (1564-1616, ndlr). Ça vient probablement de ce que, à cette époque, dans les théâtres baroques, les comédiens portent souvent un vêtement monochrome qui dit quel rôle ils remplissent. Pour le vert, comme on a du mal à teindre en vert, le comédien a un vêtement peint avec un pigment qui ne coûte pas cher : le vert de gris mais qui est un poison. Probablement y a-t-il eu des accidents et est alors née l’idée que le vert portait malheur."

Pourquoi les robes des mariées étaient rouges au Moyen-Âge ?

Le rouge peut renvoyer au pouvoir, à la gloire de la Rome impériale, aux cardinaux. Mais au Moyen-Âge, cette couleur est celle de la robe de mariée. "En milieu paysan, ce qui représente 95% de la population, la jeune femme porte sa plus belle robe lors du mariage. Or, jusqu’au 19e siècle, la plus belle robe est rouge parce que c’est dans la gamme des rouges que les teinturiers sont les plus performants. La robe blanche ne s’impose vraiment qu’à partir des années 1830-1850", précise le spécialiste.

Pourquoi le bleu a été attribué aux garçons et le rose aux filles ?

"C'est assez récent. Il faut attendre la fin du 19e siècle pour que ce code qui ne concerne pendant longtemps que l’aristocratie apparaisse en Europe protestante. D'abord en Angleterre, en Ecosse et en Scandinavie. Je pense que c'est la déclinaison d'un rouge féminin devenu rose pour les petites filles, comme 'pastélisé'. Et d'un bleu masculin devenu bleu ciel. Ça s'impose surtout après la Première Guerre mondiale, puis encore un peu plus tard quand on dispose de machines à laver qui permettent de diversifier les couleurs portées par les bébés. Autrefois, tous les bébés étaient en blanc."

Pourquoi les militaires n'étaient pas camouflés avant le 19e siècle ?

"Jusqu’au 19e, les couleurs des militaires doivent se voir." Elles vont de pair avec "l’honneur, la fierté  et une certaine idée de la hiérarchie. Beaucoup de couleurs sont utilisées jusqu’à ce que dans l’armée anglaise, au milieu du 19e siècle, on joue du gris, du kaki, du moutarde pour se dissimuler, mais c'est nouveau à l'époque", précise l'historien. Le camouflage peut paraître aujourd'hui évident. Pourtant, il suffit de se visualiser l'uniforme bleu et rouge des Poilus durant la Première Guerre mondiale pour avoir la preuve que l'idée du camouflage était loin d'être ancrée dans les esprits.