Les cinq maux qui gangrènent le droit d’asile

De la lenteur dans les dossiers, des déboutés qui ne partent pas, des coûts qui explosent, le droit d'asile français est à bout de souffle.
De la lenteur dans les dossiers, des déboutés qui ne partent pas, des coûts qui explosent, le droit d'asile français est à bout de souffle. © Maxppp
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Damien Brunon , modifié à
ZOOM - Une réforme est prévue à la rentrée pour donner de l’air à un système complètement à bout de souffle.

L’INFO. Le projet de loi a été présenté lors de l’avant-dernier Conseil des ministres avant les vacances du gouvernement et devrait être à l’ordre du jour dès la rentrée. Et pour cause : le droit d’asile en France est essoufflé. Entre le nombre de demandes toujours plus important, le coût exorbitant du système et les récentes révélations sur une potentielle filière d’asile hospitalier, l’Hexagone n’arrive plus à assumer sereinement son rang de seconde terre d’accueil en Europe, derrière l’Allemagne. Europe1.fr compile les cinq raisons qui expliquent cet état de fait.

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Des demandes qui explosent. L’essoufflement du système vient d’un constat assez simple à la base : en huit ans, le nombre de demande d’asile en France a presque doublé. Selon les données de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils étaient ainsi environ 35.500 à demander refuge en France en 2007 contre 66.251 en 2013.

Parmi les nationalités les plus demandeuses, on trouve notamment les Albanais, les Kosovars et les Bangladais, dont la proportion dans le total des demandeurs a augmenté respectivement de 150%, de 156% et de 183% entre 2012 et 2013, rappelait le Figaro en novembre dernier. Depuis le début du conflit, la Syrie est également devenu un pays de forte émigration. Le nombre de dossiers en provenance du pays du Proche-Orient a doublé entre 2012 et 2013.

Et qui dit nombre de demande qui déborde, dit engorgement du système. Ainsi, à l’heure actuelle, le traitement d’un dossier prend environ 500 jours, sans compter la mise en place de la procédure et des notifications écrites.

Des déboutés qui ne partent pas. Mais même lorsqu’ils reçoivent une réponse négative, rares sont les déboutés à quitter réellement le territoire français. “Le constat fait sur le terrain est qu’une grande majorité des étrangers en situation irrégulière issus de la procédure d’asile continent à se maintenir sur le territoire”, notait les députés Valérie Létard et Jean-Louis Touraine dans un rapport rendu en novembre dernier à Manuel Valls.

Le rapport révélait notamment qu’au troisième trimestre 2013, ces déboutés représentaient 34% de la population hébergée dans les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA), censés normalement accueillir les demandeurs.

Droit d'asile

Une répartition territoriale problématique. L’augmentation perpétuelle du nombre de demandeurs d’asile sur le territoire français a finalement obligé les autorités à adapter leur méthodes d’hébergement. Notamment par le biais d’une circulaire datant de mai 2011, qui a instauré la gestion régionalisée des demandeurs. L’objectif : “mettre en place des mécanismes permettant une répartition équilibrée des demandeurs d’asile entre les départements d’une même région”.

Depuis, certaines villes moyennes de province ont vu la problématique de l’hébergement d’urgence se compliquer, puisque sont venus s’ajouter les demandeurs d’asile qui se concentraient jusque-là dans les grandes villes de France, Paris, Marseille et Lyon en tête.

Début 2013, une quinzaine de député de droite avaient d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à prévenir les conséquences du phénomène pour les communes de moins de 5.000 habitants. “Certaines petites communes doivent héberger des réfugiés de façon disproportionnée par rapport au nombre d’habitants qu’elles comprennent”, notaient alors ses auteurs. Afin de régler le problème, il est notamment prévu dans le projet de loi du gouvernement que des quotas régionaux soient mis en place pour rééquilibrer la population sur le territoire.

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Un coût exorbitant. Au bout du compte, le débordement du système amène à une dérive financière dont beaucoup s’inquiètent. A titre d’exemple, l’enveloppe dédiée à l’Allocation Temporaire d’Attente (ATA), octroyée aux demandeurs d’asile qui ne trouvent pas de place en CADA, est passé de 47,5 millions d’euros en 2008 à 149,8 millions d’euros en 2012.

L’allongement des procédures a fait augmenter à lui seul de 80% la somme moyenne qu’un demandeur d’asile touche. Alors qu’en 2008, cette somme était de 2.093,7 euros, elle atteignait 3.788,5 euros en 2012 selon un rapport du sénateur Roger Karoutchi datant de fin 2013. L’augmentation des dépenses de l’ATA est d’ailleurs la seule raison qui justifie l’augmentation des dépenses d’hébergement des demandeurs d’asile, qui sont stables sinon. Pour faire baisser les coûts, le gouvernement prévoit de créer une procédure “accélérée” et espère ainsi diviser par deux le temps des procédures.

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La filière de l’asile hospitalier. Les autorités s’inquiètent enfin d’un phénomène qui pourrait cacher en partie une filière d’immigration clandestine : les “réfugiés médicaux”. Le constat a notamment été fait à Lyon, rapporte Le Monde. “Les personnes arrivent à la gare, font un malaise, sont amenées aux urgences. Là, on constate qu’elles ont en fait besoin d’être dialysées. Elles sont prises en charge et déposent en parallèle une demande d’asile”, expliquait récemment Emmanuel Morelan, le chef du service transplantation de l’hôpital Edouard-Herriot de la ville, au quotidien du soir.

Mais si pour la plupart des patients, l’intérêt d’une prise en charge médical n’est pas discutable, l’existence d’une filière d’immigration clandestine liée à ce constat commence à germer dans les esprits. Les autorités sanitaires françaises ont d’ailleurs chargé le praticien de rédiger un questionnaire qui sera destiné à tous les centres de greffe français afin d’estimer l’ampleur du phénomène ailleurs en France.