Ecoutes : Matignon confirmerait à demi-mot

Bernard Squarcini, patron de la DCRI, et Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, sont dans le collimateur du Canard Enchaîné.
Bernard Squarcini, patron de la DCRI, et Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, sont dans le collimateur du Canard Enchaîné. © MAXPPP
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avec agences , modifié à
Un rappel à l'ordre aurait été envoyé par Matignon au ministère de l'Intérieur.

Alors que le Canard Enchainé affirme, dans son édition de mercredi, être sous surveillance de l'Elysée, la radio France Info assure qu'une note envoyée par les services du Premier ministre au ministère de l'Intérieur confirme que les écoutes ont existé. Une information confirmée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), chargée du contrôle des écoutes administratives en France.

Piqûre de rappel pour l'Intérieur

Cette note rappelait que la loi interdit aux services de renseignement de se procurer directement les factures détaillées auprès des opérateurs de téléphone. Pour la radio, il s'agit de la preuve que cette pratique a non seulement existé, mais qu'elle est illégale alors qu'elle a notamment permis aux services de renseignement de se procurer cet été la liste des appels d'un journaliste enquêtant sur l'affaire Bettencourt.

Fin septembre, la commission nationale des interceptions de sécurité, avait déjà rappelé cette interdiction. La note de Matignon signée par Jean-Paul Faugère, le directeur de cabinet de François Fillon, est classée "confidentiel défense" et a été envoyée courant octobre, précise France Info. "Le courrier de Jean-Paul Faugère rappelle la position" de la CNCIS sur les écoutes déjà précisée fin septembre, a expliqué Rémi Recio, le magistrat délégué auprès de la Commission.

"Conspiration"

La semaine dernière, le Canard enchaîné affirmait que Nicolas Sarkozy supervisait lui-même la surveillance des journalistes, via la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Dans son numéro de mercredi, l’hebdomadaire satirique affirme être à son tour sous la surveillance de l’Elysée, qui chercherait à déterminer quelle source intérieure à l’agence d’Etat basée à Levallois est à l’origine des premiers écrits.

Le patron du Canard enchaîné, Claude Angeli, spécialiste du monde du renseignement, auteur de l’article qui a lancé l’affaire, cite cette fois un cadre de la DCRI, qui parle de "suspicion généralisée" au sein de l’agence d’Etat. "Aucune enquête n'a été ouverte à la DCRI depuis la parution de cet article", a affirmé son directeur Bernard Squarcini mardi soir. L'entourage de Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité commenter cet article. L'Elysée avait qualifié de "farfelues" les premières accusations de l'hebdomadaire.

Par ailleurs, le Canard enchaîné dénonce une "conspiration" destinée à passer outre la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) pour obtenir des renseignements sur les appels passés par les journalistes, par l’intermédiaire des fadettes (pour factures détaillées).

"Secret-défense"

Le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant aurait organisé en septembre 2009 une réunion de crise avec des représentants de la DCRI, un membre du cabinet du Premier ministre François Fillon et un conseiller de Nicolas Sarkozy. Deux mois plus tôt, la CNCIS avait rappelé à l’ordre les opérateurs téléphoniques en leur rappelant que son autorisation était indispensable.

Il aurait été décidé lors de cette réunion de faire valoir un "intérêt supérieur de l'Etat" pour se passer d'autorisations, alors que la loi de 1991 ne prévoit cette dérogation que dans certains cas limités d'écoutes ou de surveillances hertziennes.

Des "vérifications techniques"

L'Elysée aurait ensuite nommé en octobre 2009 Hervé Pelletier, un président de la CNCIS plus "accommodant" que le précédent. Sur ordre de l'Elysée, l’homme aurait fait adopter en catimini la nouvelle interprétation de la loi, lors d'un vote technique le 21 janvier 2010. Depuis, la police examine sans autorisation les factures détaillées de téléphone des journalistes, affirme le Canard.

Des faits récents appuient cette accusation. La DCRI avait en effet reconnu avoir identifié l'été dernier par des "vérifications techniques" une source du journal Le Monde dans le dossier de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt. L’agence invoque désormais le "secret-défense" pour refuser de livrer les éléments de cette enquête au procureur de Paris, qui les demande après une plainte du quotidien du soir.