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SAISON 2013 - 2014, modifié à

"L'inversion de la courbe du chômage qui est en train de naitre n'en est qu'aux prémices", promet Michel Sapin.

Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

Ses principales déclarations :

 

Michel Sapin, c'est vous qui aviez raison. Le mois dernier, vous étiez prudent, vous appeliez à la prudence, et vous aviez raison : les chiffres du mois de novembre sont mauvais.

"Ces chiffres du chômage tous les mois, il y a deux manières de les regarder. Les deux sont vraies. Il y a l'immédiat, soit, au fond, la manière de faire sur Europe 1, sur les télés ou autres, et je ne vous en ferai pas reproche. Ça consiste à regarder le chiffre du mois. Et puis il y a une autre manière, qui consiste à regarder la tendance : dans quelle tendance allons-nous ? Est-ce que ça va en augmentant ou en diminuant ? Et oui, depuis le début de l'année, nous avons fait reculer le chômage, et ce 4e trimestre amorce la baisse du chômage. Les deux langages sont vrais. La seule différence, c'est que je ne suis pas là pour être au jour le jour. Je ne suis pas un ministre du quotidien. Vous êtes un journaliste du quotidien. Je suis un ministre de la durée, je veux que les choses bougent dans la durée et je veux que l'inversion de la courbe qui est en train de naître soit un recul durable, beaucoup plus fort que ça ne l'est aujourd'hui, où nous n'en sommes qu'aux prémices. C'est de cela dont les Français ont besoin."

Michel Sapin, le journaliste du quotidien que je suis a remarqué que dans la catégorie A, il y avait 17 800 chômeurs de plus, qui vient presque effacer la baisse du mois précédant. Or, c'est sur cette catégorie que vous avez fondé votre promesse de baisse du chômage.

"Bien sûr, puisque ce sont ceux qui sont au chômage complètement. Vous pourriez aussi dire que dans les autres catégories, qui augmentaient le mois dernier, il y a eu une baisse ce mois-ci. C'est ça, ces chiffres du chômage au mois le mois. Ce sont des chiffres - surtout dans ces périodes-là - qui baissent un mois, qui montent un autre mois. Je ne vais pas en faire une querelle statistique, mais ce qui compte, c'est de regarder comment ça bouge. Combien y avait-il de chômeurs de catégorie A en plus au premier trimestre 2013 : 30 000 par mois. Combien au deuxième ? 18 000. Au troisième ? 5500. Au 4e ? Non, c'est pas en plus, c'est en moins. On peut regarder les choses comme on veut. Vous connaissez ce fameux proverbe chinois ? "Quand on le sage montre les étoiles, le sot regarde le doigt." Moi je regarde les étoiles."

Mais finalement Michel Sapin, c'est bien ce qu'on vous reproche, c'est de regarder les choses comme vous voulez. Le mois dernier, vous aviez 20 500 chômeurs de moins dans la catégorie A et c'était une victoire. Aujourd'hui, 17 800 chômeurs catégorie A en plus et vous dites : "Non, on ne parle plus en mois, on parle en trimestres." Alors effectivement, vous changez les règles du jeu en cours de route.

"Voyez comme vous êtes capable de vous contredire en peu de temps. Vous avez commencé en me disant : vous avez été prudent le mois dernier. Oui, j'ai été prudent, car d'un mois sur l'autre, les choses peuvent varier."

Oui, mais vous ne parliez pas de trimestre, le mois dernier, vous parliez de moi.

"Mais je ne criais pas victoire, ou alors vous vous êtes trompé dans votre première intervention. Non, je le fais avec prudence, comme chaque fois. J'ai dit il y a quelques jours, sans connaître les chiffres, qu'il y aurait des mois de hausse, des mois de baisse, mais que la tendance serait à la baisse. Au fond, il y a un truc qui finit par me blesser : on parle pas de courbe, de statistiques, de chiffres du chômage. On parle de personnes, d'hommes, de femmes. Cette manière de traiter les gens de manière statistique, je me demande comment ils ressentent ça de l'autre côté. Quand ils sont en recherche de travail. Ou quand ils en ont trouvé ! Par exemple, un emploi d'avenir, quand un jeune homme ou une jeune femme a trouvé un vrai travail avec une vraie formation, elle se dit : "Je ne suis qu'un chiffre ?" Non. Elle est un avenir retrouvé, une confiance retrouvée. Pas suffisamment, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Mais c'est la bataille que nous menons. Une bataille très difficile, comme toujours dans ces périodes de retournement, mais c'est jour après jour, mois après mois qu'on les gagne, ces batailles."

Là encore, vous avez eu raison, Michel Sapin. Ce matin, on avait des auditeurs qui nous disaient : "Mais pourquoi le gouvernement s'acharne à communiquer sur la baisse alors que nous, on ne retrouve pas du travail, qu'autour de nous il y a des tragédies et qu'effectivement, c'est irritant d'entendre le gouvernement dire que ça baisse alors qu'on a le sentiment que ça monte tout autour de nous."

"Quand il y avait 2 millions de chômeurs, au moment où Nicolas Sarkozy a été élu - quand il est parti il y en avait 3 millions, un million de plus, je fais un petit rappel comme ça, au passage..."

Depuis que vous êtes arrivés, il y a eu plus de 300.000 chômeurs en plus.

"Quand il y avait 2 millions de chômeurs, c'était 2 millions de trop. Quand il y avait un million de chômeurs, c'était un de trop. Et ceux à qui vous dites que le chômage baisse alors qu'ils y sont toujours, évidemment qu'ils réagissent comme vous l'avez dit. Il faut être très modeste sur ces chiffres. C'est une bataille gigantesque. Elle est menée. Elle est en passe d'être gagnée. Pas à pas. Mois après mois. Chômeur après chômeur. Et on va continuer.  C'est cette bataille que les Français nous demandent de mener. Pas pour des glorioles d'un jour, une tristesse d'un mois. Parce qu'il y aura des hausses sur un mois, mais ce n'est pas le chiffre qui compte, c'est ce qu'il y a derrière, parce que c'est notre mission, c'est ma mission que de faire progressivement reculer le chômage. Avec des politiques de l'emploi, des solutions apportées à ceux qui sont dans la difficulté : les jeunes. Mettons le doigt aussi là où ça fait mal. Il y a beaucoup plus de chômeurs de longue durée qu'il y a 6 mois. C'est des drames pour ces gens-là. Il y a beaucoup plus de personnes de 50 ans au chômage. C'est ça notre bataille ! Et quand François Hollande nous a fixé comme objectif d'inverser la courbe du chômage, il se comporte comme un général en chef. Nous sommes là pour faire reculer le chômage et nous allons le faire reculer."

Mais Michel Sapin, même votre point fort ne va pas au mois de novembre : le chômage des jeunes, qui avait reculé depuis mai. Là, il augmente, certes légèrement, mais il augmente de nouveau.

"Oui, ça augmente de 2000 au mois de novembre. Et ça baisse de combien au mois de mai dernier ? C'est une des plus grandes batailles que nous ayons gagné. Il y a eu 23 000 chômeurs de moins parmi les moins de 25 ans. Alors vous en avez 2 000 de plus au mois de novembre et vous allez dire que ça annule ? Non, et c'est la raison pour laquelle ces commentaires au mois le mois, qui sont parfaitement légitimes, il faut les regarder avec un peu d'intelligence et de perspective."

Est-ce que ça veut dire que vous n'avez pas fait assez d'emplois aidés ?

"Non. D'un mois sur l'autre, pour des raisons purement statistiques sur lesquelles je ne vais pas revenir ici, il peut y avoir des hausses et des baisses. Ce qui compte, c'est la tendance : vous savez ce que c'est une tendance ? 30 000 chômeurs au début de l'année. Sur les deux premiers mois du 4e trimestre, on est en moins, le chômage recule.C'est ça, une vraie tendance. C'est ça qui permet de voir dans quelle direction on va."

Michel Sapin, je vous propose un petit retour en arrière, il y a presque un an jour pour jour, au moment des vœux de François Hollande pour 2012, qui rappelle l'objectif d'inversion de la courbe. Vous n'aviez pas assez de forces pour y parvenir, puisqu'il n'y aura pas d'inversion de la courbe.

"Vous n'en savez rien, puisque vous n'avez pas les chiffres du mois de décembre. Mais je ne vais pas pinailler."

Vous disiez qu'il fallait qu'il y ait trois mois de suite de baisse, ce qui n'est pas le cas.

"Je n'aime pas non plus les pinailleurs, où qu'ils soient. La question n'est pas celle-là. Vous avez un président de la République, vous imaginez que ce jour-là, le jour des vœux, il aurait dit : "Bon, pour cette année 2013, je souhaite une chose, c'est que le chômage augmente" ? Non, il n'est pas là pour ça, il est là pour livrer la bataille contre le chômage, pour fixer un objectif, l'inversion de la courbe. Il est là pour constater qu'aujourd'hui, cette inversion est amorcée. Vous le prenez pour ce que c'est : c'est une vérité."

Mais je le prends pour ce que c'était : une promesse qui engage la crédibilité du président.

"Non, nous ne sommes pas dans le temps des promesses, des élections, mais au temps des responsabilités. On ne fait pas de promesses aux Français au sujet du chômage et de l'emploi, une année sans élection. Ce n'est pas le problème. On est là pour changer les choses pour les Français. Et nous le faisons avec détermination, dans un contexte difficile, avec une montée du chômage tellement puissante que pour l'arrêter, il faut un effort considérable, que pour la diminuer, il faut un effort considérable, qui continuera."

Etait-il raisonnable de la part du président de fixer une date, un terme ? Ne s'est-il pas piégé dans sa promesse ?

"Nous sommes dans un monde où vous considérez les politiques comme des gens incapables. Moi, je considère que la politique peut avoir un effet sur la réalité, quand on est mobilisé, qu'on a des objectifs, qu'on a l'affirmation de notre volonté. L'affirmation de la volonté, c'est le rôle du président de la République. Et heureusement qu'il était là pour nous dire : "Pour 2013, il faut inverser la courbe du chômage." Sinon, il n'y aurait pas eu la mobilisation qu'il y a eu sur le terrain, que vous ne voyez pas, mais que moi je vois. Les gens de Pôle emploi, dans les missions locales qui s'occupent des jeunes, tous les acteurs de l'emploi sur le territoire français. C'est une mobilisation considérable ! Je vois aussi des entreprises qui, pour certaines d'entre elles, font des efforts et décident tout de suite d'employer un jeune plutôt que d'attendre encore quelques mois. On peut être dans tous les scepticismes, le pinaillage qu'on voudra, ça ne change rien au fait que le général en chef est là pour mener ses troupes."

J'entends bien Michel Sapin, mais vous ne pouvez pas admettre que vous avez perdu une bataille ? Ça ne veut pas dire que vous avez perdu la guerre...

"On n'est pas dans une guerre ou une bataille. On est en train de faire reculer. Ça se voit quand on regarde les chiffres. Tous les gens qui ont une mémoire, qui connaissent le sujet, qui connaissent l'histoire, qui ont de la profondeur et de la perspective, qui ont regardé le passé dans les autres moments de cette nature où il y a eu des inversions de courbe, ç'a toujours été des batailles comme ça, avec un mois qui baissait et un mois qui augmentait, avec un mois qui baissait plus que l'autre n'augmentait.  C'est ce qui est en train de se passer. L'inversion de la courbe est là. Le chômage est en train de baisser. Insuffisamment. Il faut l'amplifier, c'est ce que nous faisons."

Michel Sapin, c'est la hausse du chômage qui baisse, aujourd'hui.

"Non, non, non. Arrêtez avec votre hausse de la baisse chômage, je ne sais pas ce que c'est, c'est du Sarkozy."

C'est exactement la manière dont Nicolas Sarkozy se défendait.

 

"Je constate simplement que pour les mois d'octobre et de novembre, le chômage a baissé en France."