Pourquoi Filippetti s'en prend à Amazon

Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a dénoncé mercredi la "concurrence déloyale" de distributeurs en ligne comme Amazon, dont a souffert Virgin Megastore.
Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a dénoncé mercredi la "concurrence déloyale" de distributeurs en ligne comme Amazon, dont a souffert Virgin Megastore. © REUTERS
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La ministre de la Culture dénonce une "concurrence déloyale" des sites de vente en ligne. À raison?

Aurélie Filippetti a enfilé ses gants mercredi, pour attaquer les sites de ventes de biens culturels en ligne. La ministre de la Culture a dénoncé sur I-télé "la concurrence déloyale" pratiquée, dit-elle, par "certaines grandes entreprises de type Amazon". La ministre réagissait une nouvelle fois au dépôt de bilan de Virgin Megastore, qui risque d'emporter 1.000 salariés.

>>> Lundi sur Europe1, elle avait déjà dénoncé "la concurrence déloyale" des distributeurs en ligne, sans toutefois citer Amazon.

Une "concurrence déloyale"… c'est-à-dire ? Ces "entreprises de type Amazon ne sont pas soumises à la même fiscalité que les entreprises localisées physiquement en France", a déploré Aurélie Filippetti. "Un rapport va être remis ce mois-ci au gouvernement sur la fiscalité à l'ère du numérique, avec des propositions pour pouvoir lutter contre cette forme de contournement de la législation fiscale", a-t-elle ajouté.

>> À lire : Virgin, Fnac, etc. les causes de la crise  

A-t-elle raison de s'indigner ? Amazon est en effet une entreprise de commerce électronique basée à Seattle, aux États-Unis, et dont le siège européen est lui basé au… Luxembourg, pays où une entreprise paye très peu d'impôts. Le site a été l'une des principales cibles d’un rapport du Sénat, en 2010. Et il fait même l’objet d’une enquête du Fisc, qui lui réclame près de 200 millions d'euros. Selon le Sénat, Amazon Europe réalisait en 2008 un chiffre d'affaires de 930 millions en France, mais n'y déclarait que 25 millions de chiffre d'affaires.

Grâce à son "optimisation fiscale", le site ne déclare que ses activités de logistique et de manutention. Chaque vente de livres, CD et autres DVD est déclarée au Luxembourg. Et le même système sévit en Angleterre : en avril dernier, The Guardian révélait que le fisc britannique avait lancé une enquête sur Amazon. Le groupe aurait vendu pour 8,6 milliards d'euros de produits, sans payer un seul kopec au titre de l'impôt sur les sociétés.

Du chantage à l'emploi? Il faut dire que le site dispose d'un atout non négligeable : il crée de l'emploi. Amazon possède déjà trois sites en France, à Saran, dans le Loiret, Montélimar, dans la Drôme et Sevrey, en Saône-et-Loire. Au total : 1.400 salariés y travaillent en permanence, hors des périodes de fêtes. Et le site prévoit la création de 2.500 emplois d'ici 2015, avec notamment l'ouverture d'un site à Douai, dans le Nord. Et Amazon en joue. Aux Etats-Unis, comme le raconte Rue 89, le groupe a réussi à marchander avec l'Etat du Texas l'abandon de 269 millions de dollars dû au Fisc, en échange de la non fermeture d'une plateforme. Et en France, il vient même de toucher 1,125 millions d'euros d'aides publiques venant du Conseil régional de Bourgogne au titre du soutien à l'emploi. Le Conseil du Nord-Pas-de-Calais devrait également lui en verser.

Amazon est-il un cas isolé ? Plusieurs pays, dont la France, ont ouvert des enquêtes sur les pratiques d'optimisation fiscale de géants d'internet. "C'est facile pour des très grosses entreprises mondialisées de localiser leur siège au Luxembourg ou en Irlande pour échapper à l'impôt sur les sociétés et à la TVA", a taclé Aurélie Filippetti mercredi. eBay et Apple sont par exemple domiciliées au Luxembourg, tandis que Google et Facebook ont choisi l'Irlande.