Google, le fisc et le "sandwich hollandais"

Google a mis au point un système de circulation des capitaux qui lui permet de ne pas être imposé en France pour ses bénéfices.
Google a mis au point un système de circulation des capitaux qui lui permet de ne pas être imposé en France pour ses bénéfices. © REUTERS
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Thomas Morel , modifié à
DECRYPTAGE - Europe 1 vous explique comment le géant du Web limite ses impôts.

C'est l'histoire d'un paquet d'argent qui voyage, voyage, voyage. Pour échapper à l'imposition, les multinationales américaines, notamment Google ou Microsoft, ont mis au point une méthode d'optimisation fiscale, appelée "double irlandais" ou "sandwich hollandais".

Dans un rapport sénatorial publié en juin, Philippe Marini détaille le fonctionnement de cette technique, dont Europe 1 vous explique les rouages. Elle consiste à faire circuler les bénéfices réalisés dans plusieurs pays jusqu'à les faire atterrir aux Bermudes, où l'impôt sur les sociétés est inexistant.

• Acte 1 : un premier voyage en Irlande. Google réalise en France des bénéfices grâce à la vente d'espaces publicitaires. Pour ne pas être soumis à l'impôt à Paris, Google France dépend d'une société-mère, appelée Google Ireland Limited (GIL), basée en Irlande. Le régime fiscal permet en effet au moteur de recherche d'être imposé sur ses bénéfices français non pas dans l'Hexagone, mais à Dublin, où le taux d'impôt sur les sociétés est beaucoup plus faible (12,5 % au lieu de 33 %).

• Acte 2 : les bénéfices s'expatrient au soleil. Mais 12,5 % d'imposition, c'est encore trop. Google a donc créé une autre entreprise, baptisée Google Holdings Ireland (GHI), aux Bermudes cette fois, où l'impôt sur les sociétés n'existe pas. Entre l'Irlande et les Bermudes, les bénéfices transitent sous la forme d'une redevance. En clair, la société basée à Dublin reverse à celle basée aux Bermudes une redevance pour l'exploitation de la marque Google.

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 Cette redevance, évaluée selon Philippe Marini à 4,26 milliards d'euros, est à peu près égale au montant des recettes réalisées par GIL. Celle-ci ne déclare donc aucun bénéfice en Irlande, et n'y paye donc aucun impôt.

• Acte 3 : le "sandwich hollandais". Reste un détail, le versement d'une redevance est soumis à imposition en Irlande. Sauf dans un cas : quand l'entreprise destinataire est basée en Europe. Google a donc créé une société-écran aux Pays-Bas, par laquelle transite la redevance. C'est cette société-écran qu'on appelle "sandwich hollandais".

• Acte 4 : de la patience pour entrer aux Etats-Unis. Dernier point à régler : renvoyer les bénéfices des Bermudes aux Etats-Unis. Normalement, cette opération devrait être taxée à 35 %. Pour y échapper, il faut s'armer de patience. En 2005, l'administration américaine avait établi un impôt exceptionnel de 5 % sur les bénéfices rapatriés de l'étranger. Une aubaine pour les multinationales, qui en avaient profité pour rapatrier un total de 300 milliards d'euros de bénéfices.