Victoire française dans le Tour : des espoirs, encore des espoirs

Romain Bardet à l'arrivée du Tour (1280x640) Stéphane MANTEY/Pool/AFP
Romain Bardet a remporté le prix du "super combatif" du Tour. C'est bien mais on attend (encore) mieux. © Stéphane MANTEY/Pool/AFP
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et la rédaction d'Europe 1 , modifié à
UN AN DE PLUS - Bernard Hinault, vainqueur de la Grande Boucle en 1985, va devoir attendre encore un successeur tricolore.

C'est une antienne que le cyclisme français connaît trop bien : qui pour succéder un jour à Bernard Hinault, dernier Tricolore vainqueur du Tour de France en 1985 ? Ça fait 30 ans que ça dure et ça durera un an de plus. Car, malgré la date anniversaire et la bonne volonté de tous, le meilleur coureur français, Romain Bardet (AG2R-La Mondiale), n'a pu faire mieux que 9e du Tour 2015. Que le double podium de 2014 avec Jean-Christophe Péraud (AG2R-La Mondiale) et Thibaut Pinot (FDJ) entourant Vincenzo Nibali, l'an dernier, sur les Champs-Elysées, nous semble loin. Et quand on entend que le vainqueur de l'édition 2015, Christopher Froome, 30 ans, entend encore courir pendant six, sept, huit saisons, voilà qui a de quoi nourrir notre cafard...

Un podium 2014 en trompe-l’œil. Sur le Tour 2014, Péraud, Pinot mais aussi Bardet (6e) avaient joué les premiers rôles au classement général. Cela nous avait valu une belle dose d'excitation. Mais s'ils avaient pu disputer la gagne (ou presque hein, car Nibali était quand même au-dessus du lot), c'est aussi parce que d'autres n'étaient pas (Quintana) ou plus là (Contador et Froome ont abandonné suite à des chutes lors de la première semaine).

Cette année, les Français sont rapidement rentrés dans le rang : dès la première semaine, nos deux principales chances françaises, Pinot et Bardet, étaient largement distancées. Et pourtant, les kilomètres contre-la-montre, discipline où nos meilleurs coureurs souffrent beaucoup, étaient réduits cette année à la portion congrue. Aïe, aïe, aïe !

Mais plutôt que de céder à l'abattement d'un début de Tour manqué, Pinot et Bardet ont relevé la tête, d'abord sans gagner (ils se sont regardés en chiens de faïence sur la route de Mende) puis en gagnant, chacun leur tour, l'un à Saint-Jean-de-Maurienne, l'autre à l'Alpe d'Huez. Comme le dit fort joliment le journaliste Philippe Brunel dans L'Equipe de lundi, parfois le palmarès compte moins que l'empreinte...

Trois Français derrière Quintana. Puisqu'on parle de palmarès... Même s'ils ont terminé cette année loin du podium (11 minutes et 35 secondes séparent Alejandro Valverde, 3e, de Romain Bardet, 9e), les Français ont signé un beau tir groupé au classement général final, avec cinq coureurs dans le Top 20 : Bardet 9e, Rolland 10e, Barguil 14e, Pinot 16e et Chérel 18e. "Il faut voir le bon côté des choses, il y a eu trois belles victoires d'étape (Bardet, Pinot et Alexis Vuillermoz), de superbes moments offerts au public par les coureurs français. Il n'y aura pas chaque année comme en 2014 deux coureurs français sur le podium, ça, ce n'est pas possible", insiste l'expérimenté Thomas Voeckler, 36 ans, au micro d'Europe 1. En revanche, il y a bel et bien deux coureurs français sur un podium : celui, fictif, du maillot blanc de meilleur jeune. Car derrière Nairo Quintana, ce sont bien Romain Bardet et Warren Barguil qui prennent les deuxième et troisième place. Pinot, vainqueur de ce maillot blanc l'an dernier, est même 4e de ce classement qui concernait 25 coureurs cette année. Reste à transformer la quête du blanc en jaune.

"Il nous manque encore de la constance." "C'est vraiment la persévérance qui nous permettra de gagner cette constance qui nous sépare des premières marches du classement. On connaît encore quelques "journées sans", comme on dit, donc les premières places nous échappent", relève au micro d'Europe 1 Romain Bardet. "On est capables de rivaliser avec les meilleurs sur quelques étapes-clés mais il nous manque de la constance pour être là sur les 21 étapes pour jouer la victoire sur le Tour de France. On est encore un petit peu jeunes, il nous faut encore un petit peu de temps." Mais combien de temps encore ?

Pas forcément longtemps, estime Eric Boyer, ancien manager de l'équipe Cofidis. "Il y a un contexte qui nous permet de penser que des coureurs français vont pouvoir bientôt rivaliser avec des coureurs étrangers pour gagner le Tour", considère celui qui a suivi le Tour 2015 pour la chaîne L'Equipe 21. "Pinot, Bardet, Barguil ont moins de 25 ans (Pinot les a, Bardet les aura en novembre et Barguil l'année prochaine, ndlr). Oui, ces coureurs-là vont maintenant rivaliser tous les ans avec les meilleurs pour gagner le Tour et les meilleurs, ce seront toujours Froome, Quintana, l'Italien Fabio Aru (2e du Tour d'Italie cette année) ou l'Espagnol Mikel Landa (3e du Giro)."

Les équipes françaises loin de la "machine" Sky. Les deux derniers coureurs cités par Eric Boyer, âgés de 25 ans, n'ont jamais participé encore au Tour de France et devraient être de redoutables adversaires pour la nouvelle génération tricolore dans les années à venir. Ces deux-là couraient cette année dans l'équipe kazakhe Astana, l'une des grosses écuries du peloton. Et l'année prochaine, Landa portera les couleurs de Sky, l'équipe de Froome, au budget bien supérieur à celui des meilleures équipes françaises (environ deux-trois fois supérieur, 25-30 millions d'euros contre 10-15). Car si l'on met souvent en exergue le manque de puissance des coureurs français ou leur déficit dans la préparation, il faut relever qu'ils ne disposent pas forcément du même accompagnement que leurs rivaux.

Attention, on ne parle pas ici de dopage, mais bien d'encadrement et d'équipiers, même si certaines formations tricolores comme la FDJ et surtout AG2R-La Mondiale sont sur la (très) bonne voie. Mais sur ce Tour de France, Froome a pu bénéficier du travail de l'Australien Richie Porte ou du Tchèque Leopold König, deux coureurs qui ont déjà été leaders sur de grands Tours, chez Sky ou ailleurs. Quintana, deuxième du classement général, a roulé aux côtés d'Alejandro Valverde, qui a fini... troisième. Ce privilège, les coureurs français ne peuvent pas vraiment encore en bénéficier. Mais leur fraîcheur et leurs coups d'éclat vont peut-être bientôt motiver certains sponsors à (re)mettre la main à la poche...

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