Roland-Garros : le court n°1, une légende vouée à disparaître

De par sa forme arrondie, son acoustique et son charme, le court n°1 est assurément l'un des "chouchous" du public et des joueurs.
De par sa forme arrondie, son acoustique et son charme, le court n°1 est assurément l'un des "chouchous" du public et des joueurs. © Eric FEFERBERG / AFP
  • Copié
, à Roland-Garros , modifié à
Promis à la destruction à l’horizon 2020 dans le cadre du programme de modernisation de Roland-Garros, le court n°1 a sa propre histoire. Et sa propre atmosphère, semblable à aucune autre.
REPORTAGE

Il est un peu plus de 14 heures, jeudi. Un soleil de plomb plane sur la Porte d’Auteuil et la terre battue du court n°1 est plus ocre que jamais. Comme un seul homme, le public pousse Jérémy Chardy - sèchement battu par Kei Nishikori - au son des mythiques "olé". L’enceinte de 3.800 places ressemble à s’y méprendre à une corrida. D’ici 2020, dans le cadre des travaux de modernisation du stade, l’arène ne sera pourtant plus que poussière.

"On peut sentir la tension comme nulle part ailleurs". Dans l’ombre du Philippe-Chatrier (14.911 places) et du Suzanne Lenglen (10.056 places), le n°1 n'est définitivement pas un terrain comme les autres. Sa configuration circulaire participe à l’atmosphère unique - et souvent électrique - qui y règne. Lors de la construction du stade en 1980, cette forme arrondie répond pourtant plus à une contrainte qu’à un choix délibéré : il s’agit avant tout d’éviter les encombrements lorsque les spectateurs quittent le court Central voisin.

" C’est génial, parce qu’on est tout proche des joueurs "

Mais cela offre aux spectateurs l’indéniable avantage - et l'inoubliable expérience pour certains - de la proximité avec les joueurs. "C’est génial, parce qu’on est tout proche des joueurs, comme sur les courts annexes, et on peut sentir la tension comme nulle part ailleurs. Sur le Central ou le Lenglen, on est souvent beaucoup plus loin", se réjouit notamment Bastian, originaire de Vendée, qui assiste à Roland-Garros pour la huitième fois déjà. "C’est vrai que c’est un court particulier", confirme la joueuse française Chloé Paquet. À 22 ans, cette fan du PSG faisait jeudi ses grands débuts sur le n°1. "C’est très sympa, on est très proche du public. J’entendais des 'Allez Chloé' à chaque point, même si le public était assez partagé. Mais j’espère y retourner très vite", lance-t-elle dans un sourire, après sa défaite au deuxième tour face à sa compatriote Caroline Garcia.

Un stade qui a écrit l’histoire… Si la journée n’a pas été des plus enthousiasmantes pour les Tricolores engagés dans l’arène située à l’est du complexe - sur les quatre Français engagés, seule Garcia s’est qualifié pour le tour suivant, - celle-ci a aussi forgé sa légende en accueillant des matches mémorables.

En 1993, c’est là que le Français Stéphane Huet, 294ème mondial, avait battu Ivan Lendl, triple vainqueur du tournoi et alors classé au 7ème rang de l’ATP. C’est là aussi que le tout jeune Guy Forget avait livré un combat épique en cinq sets (9-7 dans le dernier) face au Roumain Ilie Nastase, en 1982. Là encore que Marat Safin avait remporté en 2004 un marathon dantesque au bout de deux jours d’efforts intenses face à Felix Mantilla… et baissé son short pour une séquence passée à la postérité.

" On entend l'écho de la balle, comme si on jouait en salle "

Cerise sur le gâteau, le court n°1 bénéficie aussi d’une acoustique exceptionnelle, de l’aveu même de certains joueurs. "C'est mon court préféré à travers le monde. Sa forme lui donne un son si particulier. On entend l'écho de la balle, comme si on jouait en salle", glissait à ce propos un autre grand champion, Jim Courier, double vainqueur de Roland-Garros en 1991 et 1992.

… Et où l’histoire y est écrite. Ces deux victoires ont aujourd’hui permis à l’Américain d’avoir son nom gravé en haut du stade. Une façon d’honorer tous les vainqueurs des simples messieurs et dames, du pionnier Briggs, l’Anglais vainqueur de l’édition 1891, à Novak Djokovic, en passant par Yannick Noah, Rafael Nadal ou Steffi Graf. Pour l’anecdote, le nombre de panneaux doit permettre d’y inscrire les vainqueurs jusqu’en… 2020.

Car après 40 ans d’une histoire singulière, le court n°1 va bientôt tirer sa révérence. "C’est dommage qu’il disparaisse parce que j’aime bien ce terrain, mais une nouvelle histoire va s’écrire", assure Caroline Garcia. Le projet d’extension de Roland-Garros prévoit un nouveau court, d’environ 5.000 places, édifié dans la partie sud-est des Serres d’Auteuil. Le n°1, lui, sera tout simplement détruit afin d’agrandir la Place des Mousquetaires.