Les qualifs, un parcours du combattant

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ROLAND-GARROS - Le tournoi a déjà débuté pour 128 anonymes et ex-stars. Les places sont chères.

Le 25 mai 2004, Gaston Gaudio remporte les internationaux de France de Roland-Garros face à son compatriote Guillermo Coria. La suite est beaucoup moins féérique. Des défaites en pagaille, des années noires, une 400e place au classement ATP et, en 2010, un retour plutôt brutal à la réalité. Contraint d'en passer par les qualifications du tournoi, il parvient à rentrer dans le tableau principal avant de perdre au premier tour… Le Gaston Gaudio de 2012 s’appelle Tommy Haas. Même galère et même parcours du combattant. L’ancien deuxième meilleur joueur du circuit est retombé au 114e rang mondial. Aujourd’hui, il est reversé dans cette cruelle jungle, au milieu de jeunes joueurs qui ne rêvent que d’une chose, voir leur nom affiché sur le tableau principal.

L’anonymat avant les Nadal et les Federer

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De mardi à vendredi, ils sont 128 (dont 19 Français) à se disputer les 16 derniers tickets. Les allées de Roland-Garros ne sont pas encore remplies mais eux sont déjà sur le pont. Eux, ce sont David Guez, Maxime Teixeira, Marc Gicquel ou Julien Obry. Des noms qui disent vaguement quelque chose aux fans de tennis, mais qui connaissent rarement les honneurs du court central.

Dans les gradins des courts annexes, un public d’initiés. Quelques amis, des proches aussi viennent souvent encourager les joueurs. On entend les balles résonner sur la terre battue, ici pas de hourra du public. A mille lieues à voir avec la foule des grands jours qui se masse pour voir "Rafa" et "Rogeur".

"Un très bon apprentissage"

Ces qualifs se révèlent souvent compliquées pour les initiés. Battu sèchement, pour sa première participation, par l’Américain Jesse Levine (6-2, 6-2), le Français Julien Obry a déjà dit au revoir à Roland-Garros. "Il s’est laissé rattraper par l’enjeu", nous explique son entraîneur Eric Winogradsky. "Tous les Français veulent bien jouer à Paris mais parfois, la pression est trop grande". Mais les qualifs, chemin obligé vers un début de carrière, forgent aussi le caractère. "C’est un très bon apprentissage du haut niveau", confie l’ancien coach de Jo-Wilfried Tsonga, qui, lui aussi, est passé par cette épreuve.  

Pour certains, les qualifs deviennent une belle rampe de lancement. L’année dernière, Stéphane Robert passait les trois tours de qualifs et réussissait l’exploit de sortir le Tchèque Tomas Berdych au premier tour. Un an plus tard, le joueur tricolore s’est incliné au premier tour des qualifications contre l’Argentin Horacio Zeballos (6-3, 3-6, 6-4).

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Retombé dans l’anonymat, le 172e joueur mondial repense à son beau parcours de 2011. "C’est un superbe souvenir. Je n’abordais pas le tournoi avec une pression incroyable", raconte-t-il au micro d’Europe 1. "A part mon coup d’éclat à Roland-Garros, je suis resté dans l’anonymat le reste de la saison. Et d’ailleurs, je préfère y rester parce que quand je suis trop exposé, je ne suis pas forcément très très bon. Perdre au premier tour, c’est pas la catastrophe pour moi".

Et puis il y a aussi les anciens, les vieux briscards de la balle jaune qui ont croisé le fer avec les meilleurs, obligés de repartir de zéro après une blessure ou une année sans. "Quand tu as été upper class, c’est difficile de faire le chemin à l’envers", confie Tommy Haas dans les colonnes de L’Equipe. "Tu dois partager les courts d’échauffement à quatre, tu n’as pas droit au transport,… T’as intérêt à être prêt mentalement". Pour l’instant, pas de souci pour Haas qui a battu l’Argentin Guido Pello en deux sets (6-3, 6-3). Mais le chemin est encore long pour retrouver le sommet.

En quête d’exploit

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Pour les plus jeunes, l’apprentissage est aussi financier. Passer quelques tours des qualifs de Roland-Garros, c’est une belle occas’ pour décrocher une petite prime. "Gagner un ou deux tours ici, ça leur permet de financer d’autres tournois", explique Eric Winogradsky. "C’est une prime qui peut boucher quelques trous mais certainement pas faite pour partir en voyage", conclut-il en précisant qu’au-delà de la 100e place, il est difficile de s’assumer. Une défaite au premier tour apporte 2.500 € à chaque joueur, 4.500 € au deuxième, 9.000 € au troisième et 18.000 € au premier tour du tableau principal. A titre de comparaison, Rafael Nadal a empoché 1.200 000 € l’année dernière avec sa victoire finale.

Jeunes pousses ambitieuses et anciens joueurs connus arrivent tous Porte d’Auteuil avec la même ambition, aller le plus loin possible. Gagner quelques matches et se maintenir le plus longtemps possible aux côtés des meilleurs. Reproduire la belle histoire de Filip Dewulf. En 1997, ce joueur belge était sorti des qualifs et avait perdu en… demi-finale. A ce jour, c’est encore le meilleur parcours du combattant d’un qualifié.