La moto tourne au ralenti en France

Marc Marquez a réussi le meilleur temps des qualifications, samedi, sur le circuit de Losail.
Marc Marquez a réussi le meilleur temps des qualifications, samedi, sur le circuit de Losail. © REUTERS
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avec J.F. , modifié à
TOP DÉPART - La saison 2014 débute dimanche soir, en nocturne, sur le circuit de Losail, au Qatar.

Une semaine après la Formule 1, l’autre grand championnat de sports mécaniques sur circuit, le MotoGP, reprend ses droits dimanche au Qatar, sans faire grand bruit en France. De l’avis de tous plus nerveuses et moins ennuyeuses que les Grands Prix de F1, les courses de MotoGP, Moto2 et Moto3 peinent pourtant à intéresser au-delà du cercle des passionnés…

Vettel dans sa Red Bull (930x620)

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 Tentative d'explication. Le poids de l’auto.  "Existe-t-il une industrie motocycliste en France ? Non. Existe-t-il une industrie automobile ? Oui, et elle est très importante." Pour Jacques Bolle, président de la Fédération française de motocyclisme joint par Europe 1, cette différence explique en grande partie le déficit de notoriété du championnat moto par rapport à la F1. Si la discipline reine du sport auto a souvent mis à l’honneur les marques françaises - le motoriste Renault, quadruple champion du monde en titre avec Red Bull (photo), ou Michelin, ancien manufacturier unique de la discipline -, c’est évidemment moins le cas en moto, où les marques phares sont japonaises (Yamaha, Honda) et italiennes (Ducati). De la même façon, sur les 53 teams engagés dans les trois catégories, seulement 4 sont français (un seul en MotoGP, Tech 3). Et, chez les pilotes, ils ne seront que cinq à défendre les couleurs de la France, dont un seul en MotoGP, Mike Di Meglio, qui débutera dans la catégorie. A titre de comparaison, ils seront, toutes catégories confondues, 14 Italiens et… 23 Espagnols !

Mike Di Meglio (930x620)

L’absence de locomotive. Di Meglio (photo) succède comme représentant français dans la catégorie-reine à Randy de Puniet, présent en MotoGP entre 2006 et 2013 et qui effectuera cette année des tests pour Suzuki. "Je pense qu'on a quand même bien parlé de lui, mais depuis qu'il est arrivé dans la catégorie Open*, il a eu un peu moins de succès, ce qui a compliqué les choses", reconnaît Di Meglio au micro d’Europe 1. Au guidon de motos rarement compétitives, De Puniet n’a jamais réussi à crever l’écran, se contentant de deux podiums en huit saisons.  "Randy a fait de belles performances mais il n’a jamais été en bagarre pour le titre, et ça c’est vrai que ça nous manque", regrette le président de la Fédération. "Ça fait longtemps qu’on n’a pas de locomotive, en tout cas de locomotive suffisamment puissante, valorisée et valorisante pour notre sport, c’est évident." Sur les dix dernières années, toutes catégories confondues, la France n’a décroché qu’un seul titre mondial quand l’Italie en a décroché 6 et l’Espagne… 15. Le dernier titre mondial d’un Français remonte à 2008, avec Di Meglio en Moto3 (à l’époque 125 cm3). "Si j'arrive à faire de belles choses cette année, et ensuite avoir un guidon officiel (avec une moto d’usine, ndlr), je pense que les médias s'intéresseront à ce que je fais", espère aujourd’hui Di Meglio, qui courra avec une moto espagnole Avintia.

Valentino Rossi avec Dani Pedrosa (930x310)

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08/10/2013 Eurosport DR 930x620

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Le manque de visibilité. Jusqu’en 2012, les Grands Prix étaient diffusés en clair sur une chaîne de la TNT, NT1. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour voir du MotoGP en France à la télévision, il faudra être abonné à Eurosport. "Le fait d’être uniquement sur le bouquet Canal Sat, c’est un handicap par rapport à une chaîne que tout le monde peut avoir sur la TNT", souligne le président Bolle. "C’est dommage mais chaque chaîne est maîtresse de sa programmation." Et le groupe TF1 de sa stratégie. NT1 comme Eurosport appartiennent en effet à TF1, qui a décidé de rendre à Eurosport son exclusivité, qu'elle couve avec soin. "Je crois que si ça avait donné des résultats extraordinaires sur NT1, ils n’auraient pas arrêté", estime Jacques Bolle. "Les résultats devaient être simplement bons, sans être extraordinaires." En 2013, le MotoGP, comme la F1 d’ailleurs, sont passés au payant. Trop coûteux en droits, les sports mécaniques n’attirent pas suffisamment de public pour être des investissements "rentables".

L'essor d'une "motophobie". Et si, finalement, la France n’avait pas suffisamment la culture des sports mécaniques ? "Y a-t-il de la "motophobie" ?", fait mine de s’interroger Jacques Bolle. "Oui, je la ressens en tant que président de la Fédération française de moto. Les sports mécaniques ne sont pas tendance, la moto l’est peut-être même encore moins. On est régulièrement attaqué par les écolos. Certains considèrent même que les sports mécaniques devraient disparaître parce qu’on consomme de l’énergie fossile, parce qu’on est un sport "has been"." L’impératif écologique n’est pas la seule notion avancée par les opposants à la moto : il y aussi celle de sécurité. "C’est l’évolution de notre société qui, aujourd’hui, ne veut plus assumer les risques", considère le président de la Fédération française. "Et nous, la moto, on est souvent en première ligne pour les attaques en la matière."

Valentino Rossi (930x520)

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Des motifs d’espoir ? Si vous cherchez un Grand Prix de France dans le calendrier, vous ne le trouverez pas en F1 - il n’y en a plus depuis 2009 - mais en MotoGP. Ce sera le 18 mai prochain, au Mans. Et les spectateurs sont au rendez-vous. "Dans un contexte global de baisse de fréquentation des manifestations sportives, le Grand Prix moto fait figure d’exception avec le Superbike d’ailleurs, qui progresse chaque année", note Jacques Bolle. Le potentiel public est là. Reste à faire briller les talents français. "La Fédération y travaille, on a une filière vitesse pour trouver notre Valentino Rossi (sextuple champion du monde dans la catégorie reine, photo) ou notre Marc Marquez (tenant du titre). Des garçons comme Alexis Masbou (Moto3), comme Mike Di Meglio, comme Louis Rossi (Moto2) sont sortis de la filière fédérale. Il y a à peu près deux tiers des garçons qui sont en Grands Prix qui sont issus de la filière fédérale. On trouve des garçons, et on continuera à le faire à un très haut niveau." C’est là sans doute l’une des conditions pour que la moto se remette à rouler à pleine vitesse en France.

*Le MotoGP est divisé en deux catégories de motos : les "Factory", des prototypes d’usine, et des "Open", plus proches de la série et qui bénéficieront cette année de certains avantages dans une logique de réduction des coûts qui prévaut également en F1.

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