Coupe de l'America : les Kiwis déconfits

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avec AFP , modifié à
VOILE - Le challenger néo-zélandais s'est incliné face à Oracle après avoir mené 8-1.

"Bugger". C'est par ce mot d'argot difficilement traduisible ("Fait ch..." ?) mais plein de déception que le Premier ministre néo-zélandais John Key a accueilli la défaite du défi néo-zélandais Emirates Team New Zealand face à Oracle lors de la dernière régate de la Coupe de l'America, mercredi, en baie de San Francisco. La réaction de l'élu néo-zélandais, qui avait avoué avoir changé son planning pour pouvoir suivre la régate à la télévision, rend compte de la déception en Nouvelle-Zélande, pays de voile s'il en est. "Un haut le cœur pour la Nouvelle-Zélande", estime le site d'un des principaux quotidiens du pays, The Dominion Post, qui s'est amusé à lister les cinq étapes de la déception : le déni ("non, impossible, nous menions 8-1"), la tristesse ("Pourquoi les riches gagnent-ils toujours ?"), la contestation ("Nous avons gagné en réalité"), l'acceptation ("Demain est un autre jour") et la reconstruction ("Qu'est-ce que c'est que ça ? Les All Blacks contre l'Argentine, dimanche ?").

Un arrière-goût de France-All Blacks 1999

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La référence au rugby est significative. En Nouvelle-Zélande, il est, comme la voile, une religion. A tel point que le Dominion Post a demandé son avis sur cette Coupe de l'America à John Hart, ancien coach des Blacks battus par l'équipe de France en quarts de finale du Mondial 1999. "Le passé nous a appris que nous pouvions être déçus, tristes, mais que nous devions avoir du respect pour l'adversaire, et un grand respect pour les joueurs de notre équipe, qui avaient donné tout ce qu'ils pouvaient", explique-t-il. "Nous devons rendre hommage à Oracle pour ce qu'ils ont fait, et nous devons également saluer Team New Zealand pour s'être autant rapproché du gain de la Coupe de l'America."

Interrogé de son côté par le New Zealand Herald, l'actuel sélectionneur des Blacks, Steve Hansen, insiste sur le fait que les deux défis ne luttaient pas vraiment à armes égales. "Nous avons vu les Néo-Zélandais faire une grande compétition mais vous ne pouvez rien y faire si la course oppose une Ferrari à une Ford Mustang. La Ferrari va finir par gagner et c'est ce qui est arrivé. Et je pense que ne nous pouvons rien faire d'autre que d'être fiers de nos gars." L'expert Matt Wood est du même avis : "ils ont parfaitement navigué, ça ne s'est pas décidé sur une erreur, ça s'est décidé sur la technologie qu'il y a derrière ces bateaux", insiste-t-il. "On a été dépassé en termes de ressources, c'est un résultat impressionnant compte tenu de ce qu'il y avait en face de nous."

La victoire d'un milliardaire américain

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En face des Néo-Zélandais, il y avait la puissance de feu d'Oracle et de son richissime propriétaire, Larry Ellison (photo). "Les joujoux du patron ont gagné aujourd'hui", a ironisé le commentateur sportif Peter Lester. Dans un éditorial tout aussi amer, Josh Levin, du Dominion Post, revient sur le rôle qu'a joué Ellison dans la refonte de la Coupe de l'America.

"Quand il a gagné la Coupe en 2010, il a décidé que ce sport avait besoin d'être plus rapide et plus excitant. Il a évoqué un nouveau type de bateau horriblement cher à construire, limitant la compétition aux gens plus riches que ceux possédant une île privée (ce qui est le cas d'Ellison, ndlr). (...) La Coupe de l'America s'est déroulée dans ces circonstances, prenant les contours de l'événement sportif le plus détestable depuis n'importe quel parcours de golf de Donald Trump. Et pourtant, en un sens, cette bataille navale de milliardaires fut géniale. Oui, Team USA comptait à peine un Américain (un sur les 11 membres d'équipage, contre... deux Néo-Zélandais, ndlr), oui, ils ont triché un peu, ce qui les a conduit à être pénalisés de deux points et Team New Zealand aurait pu (aurait dû) gagner la Coupe, sans cette absurde et injuste règle de limiter la course à 40 minutes, qui les a privés d'une victoire décisive avec la ligne d'arrivée en vue."

La frustration est grande chez les Kiwis, alors que Emirates Team New Zealand a eu sept balles de match. "On eu notre chance de gagner, et c'était quand nous menions 8-1, Oracle est revenu d'entre les morts, ils ont vraiment amélioré leur bateau", souligne le commentateur Mark Richardson. "Est-ce qu'on s'est planté ? Est-ce qu'ils nous ont battus ? Je pense que c'est un peu des deux."

Malgré tout, les autorités néo-zélandaises réfléchissent à la meilleure façon de rendre hommage à leur équipage, passé si près de la victoire. Quant à l'avenir du défi Team New Zealand, il demeure flou. Le gouvernement a en effet dépensé 36 millions de dollars néo-zélandais (22 millions d'euros) pour aider le challenger à récupérer la Coupe gagnée par la Nouvelle-Zélande en 1995 et perdue en 2003. John Key avait prévenu la semaine dernière qu'il serait difficile de justifier une telle dépense pour la prochaine édition de la Coupe.... Bugger.