Deux entraîneurs de Créteil et de Fontainebleau, ont été mis en cause par de jeunes athlètes, l'un pour harcèlement, l'autre pour viol. Photo d'illustration. 2:24
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Marguerite Lefebvre, édité par A.D , modifié à
Peu de scandales sexuels éclatent dans le sport. Pourtant, près de 11% des sportifs auraient subi atteintes ou violences sexuelles. 
L'ENQUÊTE DU 8H

Après l'affaire Weinstein et les révélations sur l'équipe de gym américaine, c'est au tour du monde de l’athlétisme français d'être secoué par un scandale de harcèlement sexuel. Deux entraîneurs de Créteil et de Fontainebleau ont été mis en cause par de jeunes athlètes, l'un pour harcèlement, l'autre pour viol. La justice enquête. La fédération, elle, promet une commission de discipline dans le courant du mois d'avril. En France, à part quelques cas très isolés comme ceux de la joueuse de tennis Isabelle Demongeot ou les lanceuses de marteau Catherine Moyon et Michelle Rouveyrol dans les années 1990, ce phénomène reste caché. Et pourtant, les violences sexuelles existent. D'après un rapport, elles sont peut-être même plus nombreuses dans le milieu du sport qu'ailleurs. Notre reporter a enquêté pour comprendre pourquoi règne le silence.

11% des sportifs victimes. L'unique document publié en la matière date de 2009 mais les chiffres sont saisissants : 11% des sportifs interrogés déclarent avoir subi des atteintes ou des violences sexuelles, soit presque deux fois plus que la population totale. Les sportifs sont exposés, mais peu osent dénoncer. Ainsi, Sophie a mis plusieurs dizaines d'années avant d'accepter de raconter cette nuit, passée loin de chez elle, la veille d'une compétition de cross. "Pendant cette nuit dans le dortoir d'un lycée, notre entraîneur, avec qui j'avais par ailleurs d'excellents rapports, c'était quelqu'un de très sympathique, est venu dans le dortoir et il m'a caressé les seins et embrassée, mis sa langue dans ma bouche. Il est reparti en me disant qu'il fallait que je dorme, qu'il y avait une compétition le lendemain, comme si tout cela était tout à fait normal. J'ai presque obéi machinalement, m'appliquant à me rendormir. Je n'en ai jamais reparlé", confie-t-elle. A l'époque Sophie a 15 ans et elle n'a jamais dénoncé son entraîneur.

Entendu sur europe1 :
Le gagnant, par définition, c'est celui qui n'est pas la victime. Si on brise l'omerta et qu'on dévoile ce qui nous est arrivé, on pense qu'on se met en dehors du monde du sport puisqu'on se victimise

Plusieurs éléments expliquent que les sportifs gardent le silence. D'abord, on est dans un milieu qui valorise la soumission, aux règles, à l’entraîneur, car c'est a priori le seul moyen de progresser. S'y ajoute la souffrance quotidienne des athlètes, une souffrance "intériorisée", comme l'explique Véronique Lebar, présidente du Comité éthique et sport : "La souffrance fait partie de l'entraînement. Si on n'atteint pas la douleur, c'est qu'on ne s'est pas bien entraîné. Le gagnant, par définition, c'est celui qui n'est pas la victime. Si on brise l'omerta et qu'on dévoile ce qui nous est arrivé, on pense qu'on se met en dehors du monde du sport puisqu'on se victimise."

Un plan national tombé aux oubliettes. Les sportifs ont donc tendance à garder cela pour eux. D'où l'importance de les encadrer, de faire de la sensibilisation. Mais c'est la que le bât blesse. Un plan national a été lancé en 2008 avec une charte de bonne conduite, des sessions de formation, un numéro de téléphone dédié aux victimes. Mais tout cela s'est peu à peu éteint avec des budgets n'ont pas été reconduits. Aujourd'hui, certaines fédérations jouent encore le jeu, s'engagent dans cette lutte contre les violences sexuelles, mais personne ne les y oblige.